JM et les chefs coutumiers de la République démocratique du Congo

31 August 2003

"La CTS va utiliser une vieille chaudière !"


Jack Bizlall, le président du Mouvement 1er mai, dénonce les accords signés entre le CEB et l'industrie sucrière. Selon lui, la Centrale thermique du Sud (CTS) va utiliser une vieille chaudière à St Aubin pour produire de l'électricité.

Muhammed HOSSENBACCUS
L’Hebdo du 31 août 2003

Est-il vrai qu'il y a actuellement des cadres qui travaillent sur un projet à la station de St Louis ?

 Il y a deux projets en chantier, dont l'installation de trois moteurs de 12 mégawatts à St Louis. C'est un projet sur lequel ont travaillé les haut cadres du CEB, à savoir le General Manager, le Production Manager et son adjoint.

On parle ici de Paul van Niekerk, Hebrard et Fakim. Ils ont proposé un projet au board of directors. On aurait dû entrer dans l'application, mais le gouvernement a apparemment confié l'étude du projet à Donna LeClair. Elle favorise la présence du secteur privé et de l'industrie sucrière dans le CEB. Je souhaite qu'il n'y ait pas manipulation des dossiers de St Louis. Je pense que les consommateurs doivent veiller à ce que ces dossiers ne soient pas détournés de leurs objectifs.

Mais qu'en est-il de la plainte de Norland Suzor ?

Depuis que Suzor a perdu son affaire, le champ est libre pour que le CEB signe un contrat avec la CTS. La plainte de Suzor comporte plusieurs aspects qu'il n'a pas soulevés en Cour, c'est très criticable. Le jugement de la Cour suprême est bon en principe, dans la mesure où Suzor était dans l'illégalité. Il ne peut pas venir en Cour et demander à ce que l'illégalité des autres soit condamnée.
Il était parti prenante d'un processus; il n'est pas passé par un tender ni par le Central Tender Board. Mais il faut réaliser que dans le document de Suzor, il y avait d'autres éléments sérieux - entre autres, la fiabilité de la Centrale Thermique du Sud. Suzor savait que le projet de la CTS n'était pas techniquement viable mais il n'a pas soulevé ce point là en Cour. Le management a refusé de nous dire si effectivement la CTS va installer une unité de production. Je tiens à souligner qu'il était inconcevable d'approuver un projet de cette envergure avec une boiler (chaudière) de seconde main.

Seconde main ?

Nous avons actuellement une situation où la CTS, qui s'est substituée à SUDS, va utiliser une vieille chaudière ! Elle a été démontée en Europe et transportée à Maurice. Elle est restée sans protection pendant plusieurs années dans la cour de St Aubin. Je trouve inacceptable qu'on compte quand même signer un accord avec la CTS.

Est-ce que vous comptez prendre des actions ?

Les travailleurs du CEB auront à s'organiser pour résister à la corporatisation et la privatisation. Pour s'opposer à la menace qui pèse sur 340 à 400 employés du CEB qui travaillent dans les stations. Le Mouvement 1er mai aura à mobiliser la population pour qu'elle ne paye pas l'électricité, en protestation contre les accords entre le CEB et l'industrie sucrière.

Avant, on pense à une campagne préliminaire : demander à la population de couper un jour d'octobre, de 20 heures à 20 h 15, l'électricité chez elle. Si une telle action est prise, le load va baisser considérablement en proportion avec le nombre de personnes qui adhéraient à ce projet. Alors nous pourrons organiser une grande manifestation en novembre avec le refus de payer la facture pour forcer le gouvernement à revoir son projet.

Que reprouvez-vous au CEB?

Je regrette amèrement qu'avec le contrat qu'on leur a accordé, ils remettent la main sur l'électricité, et qu'à travers le CEB, quinze familles s'enrichissent de façon inacceptable. Les bénéfices qu'elles vont tirer de la production d'électricité ne vont pas aller à l'ensemble des planteurs, mais uniquement aux quinze familles qui contrôlent les stations IPP, notamment Belle- Vue, FUEL, Beau-Champ, éventuellement St Aubin et SUDS. Et probablement, demain, l'usine de St Pierre et celle de Médine. On est en train de réinstaller ces quinze familles qu'on avait affaiblies à force de les combattre depuis les années 40.

Je constate que dans quelques semaines, on aura Paul Bérenger comme PM et que cet homme qui a tellement milité dans le passé contre l'oligarchie sucrière et en faveur de la nationalisation, va faire totalement le contraire de ce qu'il avait proposé dans les années 70 et 80. Les gens vont, quand même, accueillir sa nomination comme PM sur la base de ce qu'il a proposé dans le passé, alors que c'est le contraire aujourd'hui. C'est intellectuellement aberrant.

Bérenger a retourné sa veste de militant ?

Il y a quelque chose qui ne marche pas dans la société mauricienne. 

Est-ce que le gouvernement se laisse influencer par la Canadienne Donna Leclair ?

Jean-Mée Desveaux détient plus de pouvoir qu'un ministre parce qu'il est le conseiller de Bérenger et demain celui du PM. Il détient trop de pouvoir et je pense que c'est lui qui contrôle Donna Leclair. Cette dernière n'est pas une fonctionnaire du CEB mais une conseillère de Jean-Mée Desveaux. C'est l'exécutante de l'exécutant de Bérenger. Alan Ganoo n'a aucun pouvoir sur le dossier du CEB.
D'après mes informations, Donna LeClair était venue au CEB comme cadre et puis graduellement Jean-Mée Desveaux lui a demandé de soumettre des papiers d'analyses pour le besoin du ministère des Finances. Elle a délaissé ses responsabilités au CEB et elle a commencé à écrire des documents uniquement pour le ministère des Finances.

Revenons à Leclair. Est-ce que vous connaissez le "background" de cette dernière ?

Donna Leclair a une mentalité et une façon de faire qui ne sont pas conformes à notre manière de voir les choses dans le pays, d'où le clash. Les étrangers commencent à atterrir dans le pays. Je pense que le gouvernement actuel, Bérenger surtout, favorise le recrutement des étrangers. Graduellement, à la tête de nos corporations et dans le service civil, nous aurons des étrangers. A la douane, cela crée déjà des problèmes. A l'ICAC, on sait quelle est la situation. Mais je pense qu'il ne faut pas trop tomber sur Donna Leclair. C'est un choix du gouvernement de la recruter. Il faut revoir la politique de recrutement des étrangers. La loi mauricienne ne favorise pas leur recrutement quand nous avons des cadres formés pour assumer ces responsabilités. La loi prévoit que si nous récrutons un étranger, qu'il forme un counter part pendant une période de deux ans et qu'il y ait passation après.

Il y a des rumeurs sur une "Australian connection" à Maurice...

Cela ne m'étonnerait pas. Jean Mée Desvaux est avec le MMM depuis longtemps. Il était conseiller à l'époque où Ramgoolam était PM. Il est ensuite parti à Madagascar et puis il est retourné. C'est quelqu'un qui est organiquement lié au MMM. Emotionnellement et économiquement à Bérenger. Il contrôle Bérenger car ce dernier n'a pas la formation nécessaire pour s'occuper des dossiers techniques. Chacun dépend de l'autre.

Jean-Mée Desveaux est-il si important que ça ?

Paul Bérenger a été élu. Jean-Mée Desveaux n'a jamais été confronté aux élections. C'est pour cela que je lui ai dit que s'il a une vision pour l'île Maurice, qu'il démissionne comme conseiller et qu'il pose sa candidature aux élections. Il y aura des partielles à Rivière-du-Rempart, il pourrait bien être candidat là-bas. S'il pense que la 7 n'est pas appropriée pour lui, les élections générales vont venir dans deux ans. Qu'il ait le courage de se porter candidat et de ne pas se cacher derrière Bérenger comme il le fait actuellement.

Il y a eu une réunion tripartite. On peut savoir ce qui en ressort ?

L'Union of Employees of the Central Electricity Board (UECEB) avait demandé qu'une réunion tripartite soit tenue. Une réunion entre le syndicat, le CEB et le ministre Alan Ganoo a bien eu lieu. Le ministre est d'accord pour qu'un technical committee soit mis sur pied afin que les partis concernés puissent donner leur opinion. Ce technical committee a siégé en cinq occasions et le secrétaire de ce comité prépare présentement le rapport final devant être soumis au ministre.

Quelle a été la teneur des discussions ?

La corporatisation du CEB. Les trois syndicats reconnus au CEB et le management du CEB soumettront leurs points de vue respectifs à travers ce rapport. Le ministre devra nous rencontrer dans les semaines à venir et nous serons fixés sur cette corporatisation.

Le gouvernement va, semble-t-il, mettre en place un régulateur ?

Oui. Dans beaucoup de pays, il y a des régulateurs. Je pense qu'il faudrait un régulateur, qui pourrait régler les problèmes entre les consommateurs et le CEB, ce sera à l'avantage du CEB. Je sais que le régulateur aura à réviser les tarifs d'électricité chaque année. Cela voudrait dire qu'il y a une grande possibilité pour que finalement le régulateur soit un outil pour augmenter chaque année le tarif d'électricité. C'est dangereux. Les syndicats concernés ont soumis leur position sur tous les aspects concernant la corporatisation et la privatisation éventuelle du CEB.

07 August 2003

La cour rejette la demande de bloquer le projet St.-Aubin

l'express du 07/08/2003

Un jugement rendu par la Cour suprême hier ouvre la voie à la construction d’une nouvelle centrale thermique à St.-Aubin à un coût d’environ Rs 1,2 milliard. La demande faite auprès de la justice par un consortium mené par l’homme d’affaires Norland Suzor pour bloquer le projet a été rejetée par le chef juge Ariranga Pillay et le juge Keshoe Parsad Matadeen.
C’est en décembre 2002 que le Central Electricity Board (CEB) a lancé un appel d’offres restreint pour la construction d’une centrale de 30 MW. Après une évaluation des offres des deux soumissionnaires, le consortium SWE Fort-George Sugar and Power Ltd. et la Compagnie thermique du Sud (CTDS), un comité technique avait porté son choix sur cette dernière. Néanmoins la signature de l’accord (Power Purchase Agreement ) avec la CTDS a été suspendue en attendant que la cour statue sur la demande d’injonction du groupe Norland Suzor.

“Consumable goods”

Le jugement rendu hier rejette les deux principaux arguments avancés par les avocats de Norland Suzor, Mes Guy Ollivry et Reza Uteem. Ces derniers avaient soutenu que l’aval du Central Tender Board (CTB) était indispensable avant que le CEB n’aille de l’avant avec la signature de l’accord avec CTDS. Selon la cour, l’énergie électrique n’appartient pas à la catégorie des “capital goods” mais à celle des “consumable goods” , ce qui fait que le CTB n’a pas un droit de regard sur l’achat d’électricité.

Les plaignants avaient également soutenu que le projet d’accord peut être assimilé à une commande pour une centrale “clés en main” et qu’il est donc soumis à l’approbation du CTB. En effet, une clause de “buy-out”, prévue dans l’accord, stipule que le CEB se réserve la possibilité d’acheter la centrale et ses équipements au cas où une nouvelle technologie lui permettrait d’obtenir de l’électricité à un prix plus avantageux ailleurs. Les juges ont qualifié de “speculative” la thèse d’un achat hypothétique de la centrale évoquée dans le “buy-out option ” . De toute façon, fait ressortir le jugement, les plaignants ont seulement affirmé que cette option aurait pour but de contourner le Central Tender Board sans jamais faire des allégations de fraude, de corruption ou de mauvaise foi. Me Désiré Basset défendait les intérêts du CEB.

Il reste une étape à franchir avant la signature d’un accord avec CTDS. Un comité inter-ministériel, présidé par Guy Wong So, haut cadre du ministère des Services financiers, travaillera d’arrache-pied pendant les jours qui suivent pour examiner la question d’une garantie de l’Etat à CTDS. Il s’agit d’offrir au producteur d’électricité l’assurance que l’Etat paiera la facture de tout achat d’énergie fait à la centrale de St.-Aubin au cas où le CEB arriverait à faire faillite.

Nécessité d’une nouvelle centrale

Le dénouement juridique intervenu hier survient quelques jours après que le gouvernement a donné son feu vert à une proposition du CEB d’installation de nouveaux moteurs à St.-Louis. Cette solution a été retenue parce qu’une incertitude pesait sur la construction de la centrale de St.-Aubin dans les délais nécessaires. Des consultants sud-africains de PB Power avaient estimé que l’entrée en opération d’une nouvelle centrale de 30 à 40 MW était une nécessité absolue avant juillet 2005.
Jean Mée Desveaux, conseiller spécial du vice-Premier ministre et membre du conseil d’administration du CEB, confirme que si la date fatidique de juillet 2005 est atteinte sans que nous ayons une nouvelle centrale “le CEB ne pourra plus subvenir aux besoins énergétiques du pays durant les heures de pointe de 17 a 22 heures.” Or, la construction d’une centrale à charbon prend au moins deux ans, et au 31 juillet 2003 aucun accord n’avait encore été signé avec CTDS.
“Nous attendons le signal du CEB pour pouvoir signer le contrat pour l’achat de l’électricité. De notre côté, nous sommes prêts”, déclarait récemment Raymond Rivalland, administrateur d’Union St-Aubin. Cette sucrerie du Sud est l’un des principaux actionnaires de la CTDS. Les deux autres partenaires sont la Société industrielle pour le développement de l’énergie charbon et de la cogénération (SIDEC) de France et le Sugar Investment Trust (SIT). Pour sa part, le président du conseil d’administration du CEB, Swalay Kasenally, affirmait hier que le CEB n’attendait que le signal de la cour pour conclure les accords avec le sous-traitant.

01 August 2003

Le CEB sort un nouveau projet de son chapeau

l'express du 01/08/2003

Le cabinet examinera ce matin un projet de construction par le CEB d’une centrale thermique alors que celui du groupe privé mené par St.-Aubin est mis au frigo.

Une solution de fortune a été trouvée pour contourner l’obstacle juridique qui bloque le projet de construction d’une centrale thermique par un consortium privé à St.-Aubin. Le CEB compte installer lui-même trois nouveaux générateurs, d’une puissance totale de 36 MW à St.-Louis. Cette décision sera présentée au cabinet ce matin par le ministre des Services publics, Alan Ganoo.

La décision du CEB d’entreprendre une nouvelle activité de production va à l’encontre de l’annonce faite par le gouvernement que l’organisme parapublic ne s’occupera que de la transmission d’électricité désormais. C’est mardi que le conseil d’administration du CEB a pris connaissance d’un rapport, présenté par le directeur général, Paul Van Niekerk, et deux techniciens, au sujet de l’installation de nouveaux moteurs à St.-Louis. Un consultant sera désigné pour en faire une étude de faisabilité et un expert nommé pour préparer une étude de l’impact du projet sur l’environnement.

C’est en décembre 2002 qu’un appel d’offres restreint fut lancé pour la construction d’une centrale de 30 MW. Le Central Electricity Board (CEB) avait alors reçu des offres d’un consortium dirigé par Norland Suzor, la SWE Fort-George Sugar and Power Ltd, et de la Compagnie thermique du Sud (CTDS). Un comité technique avait retenu l’offre de cette dernière. Elle offrait le kWh à moins cher que son concurrent. Le CEB n’a cependant pas pu signer l’accord prévu avec la CTDS, un Power Purchase Agreement, parce que Norland Suzor a contesté en Cour suprême ce choix du CEB.

Outre l’action judiciaire, il y a un autre facteur qui a compromis les chances d’un aboutissement rapide de la signature d’un accord avec CTDS. Un comité inter-ministériel, présidé par Guy Wong So, haut cadre du ministère des Services financiers, et chargé d’approuver une garantie de l’Etat à CTDS, n’a toujours pas statué sur la question. Certains membres du comité seraient favorables au projet Suzor.

Si la solution de St.-Louis a été retenue, c’est parce que la construction d’une nouvelle centrale de 30 à 40 MW d’ici juillet 2005 est considérée comme une nécessité absolue. C’est du moins l’avis des consultants sud-africains de PB Power. Or, comme la construction d’une centrale prend au moins deux ans, et qu’au 31 juillet 2003 aucun accord n’avait encore été signé avec CTDS, son projet ne pourra pas se concrétiser dans les délais. Ainsi, si le CEB avait persisté dans son choix de ne pas se lancer dans de nouvelles unités de production, cela aurait bénéficié à Norland Suzor, dont le projet, à base d’huile lourde,nécessite moins de temps pour être opérationnel.



L’urgence de la situation

Pour Jean Mée Desveaux, conseiller spécial du vice-Premier ministre et membre du conseil d’administration du CEB, si la date fatidique de juillet 2005 est atteinte sans que nous ayons une nouvelle centrale “le CEB ne pourra plus subvenir aux besoins énergétiques du pays durant les heures de pointe de 17 a 22 heures”. Pour lui Norland Suzor, est un “sore loser” qui a fait appel a la cour pour gagner du temps. “Le candidat malheureux qui a saisi la cour peut, lui, arriver au jour, même s’il prend quatre ou cinq mois de retard de par la technologie qu’il a choisie.”

Le projet de St.-Louis, qui va à l’encontre de la politique du gouvernement, est une idée qui émane du département de la production du CEB. Les responsables de ce département n’ont jamais apprécié l’idée de confier la génération d’électricité au privé. Leur proposition “s’est toutefois avérée être une manne pour les décideurs”, affirme Jean Mée Desveaux. “Elle nous enlève une épine du pied” car autrement Suzor aurait été une option inévitable.

Jean Mée Desveaux regrette néanmoins une conséquence de la tournure des événements. “Depuis les dernières unités de Fort George dans les années 90, les gouvernements qui se sont succédé ont estimé que si le privé est disposé à investir dans l’infrastructure du pays, l’Etat ferait des économies qu’il pourrait canaliser vers des secteurs où le privé ne souhaite pas investir”. Le coût d’une centrale s’élève à environ Rs 1,5 milliard.

Pour autant, il souligne que le projet de St.-Louis a des avantages évidents. “Il y a d’abord la proximité du réseau du CEB car cela peut coûter près de Rs 100 millions pour une centrale de se raccorder au réseau. Ensuite il existe sur place le système de stockage de l’huile lourde. Enfin le CEB possède un terrain qui est un prime real estate pour ce genre de projet”. Malgré tous ces avantages, “et avec beaucoup d’hypothèses un tant soit peu over optimist, les analyses du projet de St.-Louis (avec des chiffres très approximatifs à ce stade) situent la compétitivité du projet au même niveau que celui du green field CTDS”, conclut-il.