JM et les chefs coutumiers de la République démocratique du Congo

28 June 2006

Une MRA émasculée in utero voit le jour

l'express du 28/06/2006

Par Jean-Mée DESVEAUX 

Quand Maya Hanoomanjee et son acolyte du State Law Office décidèrent de faire subir le supplice d’Abellard à la Mauritius Revenue Authority (MRA) au début de 2005, il était clair que c’était une institution diminuée qui allait naître le premier juillet 2006. Avec un budget courant annuel de Rs 75 millions et des effectifs qui ont pour la plupart doublé leur salaire pour avoir seulement changé de désignation, la MRA n’a effectivement été rien d’autre qu’un exercice onéreux qui consistait à mettre le même pinard infect dans une bouteille merveilleusement étiquetée.

Le poids de la corruption et de l’hégémonie syndicale qui gangrenait les divers départements du fisc était palpable. Mais nulle part était-il plus évident qu’à la douane où la prééminence d’un syndicat pourri jusqu’à la moelle dictait au contrôleur des douanes où placer ses inconditionnels pour un enrichissement rapide sur le dos de l’état. L’essence même de la MRA était donc de remédier à cette carence en enlevant les départements concernés du service civil de sorte à ce qu’ils échappent au joug syndical.

La première dénaturation de la MRA allait provenir de Pravind Jugnauth quand il décida contre toute logique, en tant que ministre de tutelle, d’entreprendre des discussions avec les organisations syndicales afin de déterminer les modalités de transfert, de promotion et autres conditions de service des futurs membres de la MRA. Dans le domaine carcéral, un parallèle aussi empreint de sagesse serait de demander l’accord d’Antoine Chetty et autres “monstres” quand à la gestion des prisons où ils sont confinés.

Appelé “Accord de principe”, ce diktat aberrant où l’état s’avilissait par ses lâches courbettes devant un syndicat infâme, fut paraphé en mai 2005. Alors que la différence essentielle à apporter à la MRA était de se débarrasser des corrompus et autres incompétents en déclarant toutes les positions vacantes, cet accord de la honte offrit un transfert automatique à la quasi-totalité des effectifs de tous les départements sans tenir aucun compte de leur track record en matière de probité ou d’efficience.

Il échut à la présidente du conseil d’administration de la MRA d’appliquer avec dextérité le stylet qui devait parachever l’émasculation de la MRA. La stratégie était transparente : pour s’assurer du succès de “l’accord de principe” qui réinstaurait “the rule of the unions, by the unions, for the unions”, il fallait un directeur général (DG) à la MRA qui soit d’une mollesse hors du commun ! Pour atteindre ce but, les candidats au poste de DG tels Bert Cunnigham et autres chef d’Interpol qui avaient démontré une trempe et une poigne qui leur permettraient de tenir tête à la mafia syndicale, devaient à tout prix être éliminés au premier tour de l’exercice de recrutement.

Malgré tous les efforts de Maya Hanoomanjee et de son acolyte, ils ne purent forcer le board à enlever les critères qui allaient prévaloir pour l’adjudication finale. Ces critères étaient “strong leadership qualities”, “proven ability to have taken an active part in turning around a revenue institution”, “proven ability to work under pressure”, etc. qui donneraient le job sur un plateau à un “no nonsense guy”. Si Cunningham et le patron d’Interpol arrivaient au second tour, cette liste donnait à l’un d’eux de très forte chance de devenir le DG.

Il ne restait donc plus à ces deux grands patriotes au sein du board de la MRA que de décréter unilatéralement et arbitrairement que ces deux Anglo-Saxons n’avaient pas les qualifications requises pour être sélectionnés parmi les premiers 47 candidats. Cette interférence aux procédures établies amena ces deux puissants membres du board à substituer leur jugement à celui de Gill Syvers (professionnelle de recrutement de très grande renommée internationale chez PriceWaterhouseCoopers), de son équipe ainsi que du reste du board qui avaient unanimement jugé que les deux candidats “gênants” méritaient amplement d’être sélectionnés.

Dès lors, rien ne pouvait plus arrêter la Chair, avec l’appui inconditionnel du ministre des Finances, de placer à la tête de la MRA un homme qui obéirait au doigt et à l’œil à la gente syndicale ainsi qu’aux politiciens machiavéliques, leurs protecteurs. L’objectif mal dissimulé de cet “appel à candidatures international” était le recrutement d’un Mauricien inoffensif qui disait à qui voulait l’entendre que les syndicats n’avaient pas d’objections à ce que ce soit lui qui devienne le DG de la MRA. Quand il s’est désisté, on a trouvé l’épouvantail actuel qui dépasse de loin tous les espoirs que l’ex-chairperson de la MRA avait pu miser sur le modèle idéal d’un paillasson.

Le DG de la MRA définit parfaitement ses priorités. Pour lui, ce sera une MRA du cœur et surtout de la flexibilité vis-à-vis du mouvement syndical: “Nous avons une approche humaine. Vous savez, dans certains cas où de tels organismes ont été mis sur pied, tous les employés des douanes, des impôts, etc., ont été licenciés et un appel à candidatures à été fait pour recruter seulement une partie de ces travailleurs. Nous n’avons pas fait cela. Seuls les hauts gradés… auront à postuler, les autres intègreront automatiquement la MRA.” Parlant du Human Resources Management Manual qui est la bible des conditions de service au sein de l’organisation, il dit sans ambages : “Les syndicats ont eu leur mot à dire sur le manuel. Nous avons déjà intégré leurs propositions. La présente version est une version finale mais nous sommes prêts à écouter les syndicats. Après tout ce document est un document dynamique.” Maya un, Maurice nul !

Ceux qui, à l’instar de l’ancien ministre des Finances, croyaient béatement que les syndicats allaient se contenter des gains obtenus au sein de l’accord de principe, lors de la première capitulation gouvernementale, allaient apprendre à mieux connaître le mouvement syndical. Les syndicats ont demandé cette semaine le renvoi de la date butoir car ils veulent renégocier afin d’obtenir des améliorations dans les conditions de service.

Mais le plus déshonorant de tout ce galimatias pour le pays, c’est que le chef d’orchestre de ce bal sans fin, soit le patron du très respecté syndicat des douanes ; celui-là même qui demande la peau de Bert Cunningham qui a eu l’outrecuidance d’exiger qu’il soit présent à son poste durant les heures de travail. Ce monsieur qui a pris la mesure exacte de l’adversaire sait que ce n’est pas un Cunningham qu’il a devant lui. Il n’y va pas de main morte et à l’entendre, on a la nette impression que c’est lui le vrai DG de la MRA : “Nous déposons dès demain un aide-mémoire contenant nos doléances et nos propositions de solutions. Nous allons discuter en comité restreint afin de faire avancer les choses rapidement.”

Spécialiste dans la matière, il trouve que les critères de recrutement sont opaques car “les qualifications universitaires ont été privilégiées à l’ancienneté. Or, à la douane par exemple, l’ancienneté compte.” Il trouve tout cela un peu fort et ne cache pas son mécontentement: “La MRA a eu un an pour faire le nécessaire. Nous n’acceptons pas qu’on nous impose des mesures prises à la va-vite.” Toolsyraj Benydin déborde d’énergie et de joie de vivre dans la poursuite de sa noble tâche.

Il donne l’impression distincte de tellement apprécier ce beau remue-ménage qu’il dirait sans hésitation que si elle n’existait pas, il aurait fallu créer une telle MRA.

Mais le succès a un prix. Toolsyraj Benydin a fait des émules. Tous les points qu’il marque ainsi contre la pitoyable MRA l’affublent d’une auréole de négociateur chevronné. S’ensuit alors la surenchère quand au syndicat qui réussira à hausser la barre le plus haut possible pour ses membres. Le patron du syndicat des douanes est pris de plein fouet au sein d’un feeding frenzy syndical. Hurrydeo Sungkur du bureau des impôts, Nandkishore Tacouri de la TVA, Rashid Imrith de la Government General Services Union sont entrés en conflit larvé tellement certains syndicalistes ont marqué des points par rapport à d’autres.

Aux dernières nouvelles, les membres du syndicat de la TVA avaient chronométré bien mieux que les autres, d’où le mécontentement qui finira, à ne pas en douter, à un petit catch-up de la part des retardataires. Quant à Monsieur Imrith, l’express d’hier nous informe qu’au lieu des 10 % que ses membres allaient recevoir pour travailler jusqu’à 4 h 30, il reste intraitable sur le fait que c’est 20 % qu’ils devraient recevoir en prime… sans aucun changement d’horaire ! De plus, ayant fait la MRA annuler une liste “finale” de 230 candidats membres de son syndicat, il nous apprend que “la MRA a aussi accepté que la nouvelle liste soit basée en fonction de l’ancienneté”. Maya deux, Maurice nul

On peut donc pleinement apprécier la remarque hautement justifiée de l’interlocuteur de Shyama Soondur de l’express dont on reconnaît presque l’accent : “Vous pouvez avoir le meilleur système au monde. Mais si vous n’avez pas les hommes de qualité pour le diriger, il est voué à l’échec. Malheureusement, la MRA prend les mêmes et recommence. La MRA était l’occasion de prendre un nouveau départ avec des personnes propres. Malheureusement, environ 90 % des anciens sont toujours là. Parmi eux, il y a aussi ceux sur qui pèsent de forts soupçons de corruption. Compte tenu de leur rang, ils occuperont des postes clés… Le contexte préélectoral aidant, trop de concessions ont été faites aux syndicats par ceux qui ont négocié l’intégration.” Merci Pravind, merci Maya, un peuple touché se souvient de votre allégeance à l’intérêt supérieur du pays

21 June 2006

Audaces fortuna juvat !

l'express du 21/06/2006

Par Jean-Mée DESVEAUX

Nous avons la semaine dernière salué l’audace du ministre des Finances et de son patron le Premier ministre pour avoir soumis au parlement un budget qui a de bonnes chances d’éviter les écueils qui menacent notre économie. Ils ont opté pour le parcours difficile plutôt que de continuer à nous mener en bateau. Il s’agit aujourd’hui de se demander si ces messieurs peuvent se fier au dicton qui nous affirme que “la fortune sourit aux audacieux”.

Dans un tour d’horizon au début de l’année, nous disions au sujet des défis qui nous guettent : “Comme dans tous problèmes, il existe une solution idéale et une second best solution. Le principe démocratique voudrait que ce soit l’Alliance sociale qui gouverne pour les quatre ans et demi qui lui restent. La majorité de l’électorat a plébiscité ce gouvernement et il serait triste d’avoir à frustrer cette volonté souveraine. Il serait hautement préférable que le gouvernement reconnaisse que le destin fragile du pays se déterminera, pour le meilleur ou pour le pire durant ce mandat et qu’il prenne ses responsabilités. Mais, pris à son propre piège, on a la nette impression que le gouvernement n’aura pas le courage de prendre seul les mesures urgentes et politiquement très impopulaires d’une réforme structurelle en profondeur. S’il est tenté à ce moment-là de partager le coût électoral de ces mesures draconiennes en invitant une opposition bon enfant à bord, l’optimisme est encore possible.”

Si on croit un instant qu’avec ce qui apparaît dans ce premier budget de l’Alliance sociale, les efforts et les sacrifices des Mauriciens ont atteint leur apogée et qu’à partir de là, ce sera le point mort le long d’une douce descente qui nous mènera à la terre promise, messieurs Sithanen et Ramgoolam auront déjà réussi. Une longue carrière politique en toute quiétude leur serait assurée sans qu’ils aient à partager un quelconque coût électoral avec des partenaires aussi encombrants qu’indésirables.

Mais si on pense plutôt que le 9 juin ce n’était que le premier cran d’une longue ceinture qui a commencé à se resserrer autour de notre obésité nationale, notre boule de cristal politique reste d’actualité. Il y a d’abord le danger que fasse boule de neige l’état d’âme des nostalgiques tel Vishnu Lutchmeenaraidoo.

L’œil rivé sur le rétroviseur, cet ancien ministre des Finances a tristement démontré qu’il a perdu l’audace et la sagacité qui était le sien quand il a remis le pays sur la voie de la croissance au début des années 80. “Sir Veerasamy Ringadoo a eu le courage de reculer sur son budget en 1979. Plus près de nous, Manou Bheenick l’a fait en 1996. Il ne s’agit pas de reculer pour reculer mais de le faire afin d’éviter une crise sociale inévitable avec ces mesures. Je pèse mes mots : avec ces mesures on est en train de jouer avec le tissu social de notre pays.”

C’est pourtant justement l’absence de ces mesures courageuses qui auraient entraîné une baisse drastique du niveau de vie national apte à déchirer le tissu social dans un proche avenir. Monsieur Sithanen n’a qu’à reculer d’une virgule et c’est tout son budget qui y passe, le pays aussi !

Mais, plus que cette nostalgie qui est partagée par les syndicalistes de tout poil, ce qui sépare encore nos dirigeants politiques du succès, c’est que la route des réformes est encore longue. Ce que veut dire Vishnu Lutchmeenaraidoo en disant que ce budget est plus Fonds monétaire international (FMI) que FMI nous échappe, mais ce que tout le monde a pu constater avec la parution du Staff Report sur les “Article IV consultations” la semaine dernière, c’est que le budget est le résultat d’une coopération des plus étroites entre le ministère des Finances et le FMI. Il n’y a rien dans ce rapport du FMI qui ne soit pas dans le budget, d’où sa parution une semaine plus tard.

Cela n’est nullement une cause de raillerie vis-à-vis d’un ministère des Finances copieur qui obéirait à l’institution de Bretton Woods au doigt et à l’œil. Les conclusions de l’analyse du FMI, pages de simulations à l’appui, sont incontournables. Si le pays continue sur sa trajectoire économique, Maurice aura des déficits budgétaires qui chatouilleront la barre des 9 % du produit intérieur brut (PIB) alors que la croissance sera autour de 3 %. Ce scénario appelé baseline, nous mènerait à une dette publique de 84 % du PIB en 2010-2011.

Ce serait la catastrophe car toute la richesse du pays s’engouffrerait dans une spirale infernale de remboursement de la dette. A contrario, en redressant la barque maintenant et en réduisant progressivement le déficit au-dessous de 3 %, nous pouvons espérer, à terme, une croissance dans les 5 % et une dette soutenable du secteur public de 60 % du PIB.

On peut se féliciter, d’abord, qu’il y ait eu un homme là qui comprenne le message car, qui sait, Navin Ramgoolam aurait pu avoir choisi le bon docteur Bunwaree. Il existe, ensuite, une petite différence entre un ministre des Finances audacieux et un fanfaron : seul ce dernier se lance dans le gouffre juste parce qu’il n’apprécie pas la tête de celui qui l’en a averti.

Nous avons de la chance que les fanfaronnades vis-à-vis du FMI n’étaient pas de mise le 9 juin. Il y a raison, en dernier lieu, de se féliciter que le grand argentier n’est pas de ces parlementaires qui, à l’instar de l’honorable demoiselle Deerpalsingh, pensent que tout ce qui provient des institutions de Bretton Woods est forcément néfaste au pays concerné, une forme d’intelligence qu’on rencontre surtout chez ceux ayant fait des études en anthropologie sociale plutôt qu’en sciences actuaires.

Qu’est-ce qui nous fait croire que le “golgotha” est encore long avant la délivrance du pays ? La première réponse se trouve dans le Staff Report. Passant en revue les ajustements fiscaux qui doivent être opérés au sein du “strong reform scenario” pour réduire le déficit budgétaire de 5 % à un niveau au-dessous de 3 % en 2009-2010, le FMI nous révèle très exactement où le resserrage des dépenses peut se faire : à l’item current transfers and subsidies qui doit diminuer de sa tranche gargantuesque de 9,2 % du PIB pour atteindre un niveau plus soutenable de 6 % en 2009-2010.

C’est donc tout simplement Rs 6,4 milliards qui doivent disparaître de cet item en l’espace de trois ans pour balancer les comptes du pays. Le petit commentaire : “The authorities concurred with the main elements of this reform agenda” est aussi significatif. Attention donc aux “user pays measures” à venir. Si monsieur Lutmeenaraidoo me permet le plagiat, on pourrait dire que la disparition des subsides sur le riz et la farine est un “pipi de chat à côté”. ça va faire mal.

La deuxième réponse se trouve dans le budget lui-même ou le leitmotiv retourne avec une régularité hautement significative : le besoin de flexibilité dans le marché du travail qui a offert jusqu’ici une protection outrancière à la main-d’œuvre du pays. “By protecting jobs, we have made it impossible for our younger workers to find employment and those who lose their jobs to get back to work. The inflexibility of some laws and the rigidity of some regulations and practices have consigned tens of thousands of our compatriots to the margins of development. They have been excluded by the very system that purports to protect them”. D’où la référence en au moins dix occasions de “recycling labour” dans le discours du ministre des Finances.

Or, le démantèlement des tripartites n’est rien à côté du futur régime de “hire and fire” qui devrait voir le jour si on doit atteindre l’objectif d’un marché du travail flexible. Nous devrons donc voir dans les mois à venir si, comme en France où les lois se font et se défont à travers des manifestations de rues, les forces syndicales conservatrices vont hypothéquer l’entente qui existe aujourd’hui entre le PM et son ministre des Finances.

Si le thème de l’insécurité institutionnalisée de l’emploi devait prendre le chemin chaotique du Contrat de première embauche français, ils auraient le choix de céder aux forces obscurantistes de la rue mettant une fin abjecte à un projet ambitieux de renouvellement national ou alors ils pourraient faire du pied à une opposition désorientée pour obtenir son soutien. Mais qui sait, le duo Ramgoolam-Sithanen nous a déjà surpris et il pourrait pousser leur hardiesse à confronter tout seul ces prochaines adversités. Leur bonne fortune n’en pâtirait certainement pas.

18 June 2006

Income Tax: Tension et walk-out lors de la PNQ

 Le Week-end
Assemblée nationale, hier


La Private Notice Question (PNQ) du leader de l'opposition, Nando Bodha, sur les propositions budgétaires à l'item de l'Income Tax et de la nouvelle National Residential Property Tax, a débouché sur le Walk-Out des députés de l'opposition. Ce développement est intervenu suite à une remarque qualifiée d'arrogante du vice-Premier ministre et ministre des Finances, Rama Sithanen, à l'encontre de l'opposition. En marge du Walk-Out, l'échange de propos entre le député MMM Rajesh Bhagwan et le ministre des Administrations régionales, Jales Burty David, n'est pas passé inaperçu et le Speaker de l'Assemblée nationale, Kailash Purryag, a dû faire face aux pires obstacles pour maintenir le décorum au sein de l'hémicycle.

Sithanen: Ce qui est important demeure le taux effectif d'imposition et non le taux sur papier. Sur papier, le contribuable avec des revenus de Rs 1 million aurait dû payer un taux de 30%. En réalité, en prenant avantage des déductions et exemptions, il ne paie que 2 à 3%. Il n'y a pas moins de cinq variables à considérer à ce sujet, notamment le seuil des revenus imposables, les exemptions, les Tax Bands, la vitesse avec laquelle l'on change de Tax Bands et le taux d'imposition. Les décisions sont en faveur des contribuables dans quatre des cinq critères ? Au lieu de payer 20% sur Rs 25 000, l'on paiera 15% sur les premières Rs 500 000.

Pour ce qui est des déductions sur les intérêts, mêmes mes parents m'ont demandé pourquoi je ne les ai pas maintenus. Je dis tout simplement que nous ne pouvons avoir le beurre, l'argent du beurre et les intérêts sur l'argent du beurre.

Hanoomanjee: Les exemptions pour les contribuables sont éliminées. Mais les gros dividendes des directeurs de compagnies sont exemptés d'impôts ?

Sithanen: L'honorable membre a occupé les fonctions de Chairperson de la Mauritius Revenue Authority. Je ne sais si c'est arrivé by design or by accident.

Des protestations s'élèvent suite aux propos tenus par le vice-Premier ministre et ministre des Finances. La parlementaire du MSM prend le Premier ministre à témoin pour ce qui est de cette nomination, qui s'était faite en consultations avec le président de la république et le leader de l'oppostion d'alors. Navin Ramgoolam rejette la démarche de Maya Hanoomanjee.

Lesjongard: C'est une taxe rurale…

Sithanen: Le problème est que de l'autre côté de la Chambre, il n'y a ni un médecin ni un économiste…

Cette remarque jette l'huile sur le feu et la tension, qui était latente, monte d'un cran au sein de l'hémicycle. Les tentatives du Speaker pour maintenir l'ordre demeurèrent vaines. Il essaie de faire comprendre que les minutes consacrées à la PNQ s'écoulent de manière improductive. Aucun effet. Les parlementaires ne veulent rien entendre. L'opposition dénonce l'arrogance du vice-Premier ministre et ministre des Finances pour sa remarque à son encontre.

Des consultations s'accélèrent entre les membres du Front Bench de l'opposition. Joe Lesjongard propose l'idée d'un Walk-Out. Les députés du MSM se lèvent et quittent l'hémicycle. Les trois députés du MMM présents à l'Assemblée, soit Alan Ganoo, Rajesh Bhagwan et Françoise Labelle, marquent un temps d'arrêt avant de décider de se joindre au mouvement de protestations. avec Rajesh Bhagwan lançant à l'adresse de Rama Sithanen: " You are my friend but you have been arrogant ".

Rama Sithanen: " Un 3e Walk-Out pour masquer son incompétence "


Le vice-Premier ministre et ministre des Finances, Rama Sithanen, a trouvé que le Walk-Out d'hier, le troisième de série budgétaire ne serait qu'un moyen pour masquer l'incompétence du leader de l'opposition, Nando Bodha. Il a ajouté que le gouvernement répondra systématiquement aux attaques de l'opposition.

" Nous constatons qu'il y a une nette différence entre Paul Bérenger en tant que leader de l'opposition et Nando Bodha. Paul Bérenger préparait de manière professionnelle ses PNQs. Pour ce qui est de l'actuel leader de l'opposition, nous nous demandons qui est derrière ses interpellations supplémentaires. Dans bien de cas, il n'écoute même pas les réponses des ministres pour rebondir. Il propose des questions style prêt-à-poser. Il ne fait que de la démagogie. Ses PNQs n'ont été que des échecs ", a déclaré Rama Sithanen.

" Le walk-out n'a fait que masquer l'incompétence de Nando Bodha en tant que leader de l'opposition. Il pose des questions techniques. Quand on répond, il vous accuse d'être technocrate. Kuma dir ène lahonte ène technokrat zordi ", devait ajouter le ministre des Finances, qui dit regretter les attaques de Maya Hanoomanjee contre le Financial Secretary Designate, Ali Mansoor, lors des débats parlementaires en fin de semaine. " Mais je ne dirai pas ce que Jean-Mée Desveaux pense de Maya Hanoomanjee ", a-t-il renchéri.

" Nou pou kontnyé répon. Nou pou répon for " , a souligné Rama Sithanen. Ce dernier s'est ensuite lancé dans une comparaison des mesures préconisées par le Fonds monétaire international et celles dans le budget pour répondre à la campagne orchestrée par rapport aux diktats du FMI. Il a dénoncé la " Begotted Ultra-nationalism " affichée dans le camp du MSM.


Phillip Cash préfère plier bagage

l'express du 18/06/2006

Après le commissaire des prisons, l’Écossais, Bill Duff, c’est au tour de l’Australien Phillip Cash, Chief Operating Officer d’Airports of Mauritius (AML) de plier bagages. Sa demande d’early termination de son contrat a été agréée par le board d’AML vendredi après-midi.

De sources concordantes, il s’avère que Phillip Cash se sentait « isolé » depuis que Dan Maraye avait été installé à la tête de l’aéroport. Ce proche de Navin Ramgoolam ne nourrissait pas de bonnes relations avec Phillip Cash, soutient-on dans les milieux avisés.

Phillip Cash aurait ainsi approché le Chairman d’AML, Roshan Seetohul pour faire part de sa déconvenue et de sa décision de partir. Ce dernier a dû trancher et un accord à l’amiable a été conclu au 5e étage du Paille-en-queue Court vendredi, au siège du ministère des Communications extérieures.


Pas de détails sur son départ

Phillip Cash devait partir à la fin de l’année, le gouvernement n’étant pas très chaud pour renouveler son contrat. Il faisait, pour ainsi dire, figure de thème de la campagne de l’Alliance sociale lorsqu’elle était dans l’opposition.

Elle était alors contre la nomination des étrangers à des postes clés, soutenant ainsi les syndicalistes qui réclamaient la tête de ce professionnel qui a une longue expérience dans la gestion des aéroports.

« Phillip Cash était responsable de l’aéroport international de Mascot durant les Jeux olympiques de Sydney. Il a été recruté comme CEO après un appel à candidatures international et à la suite d’une série d’interviews par Dev Manraj et moi-même », fait ressortir Jean-Mée Desveaux, ex-conseiller économique de l’ancien Premier ministre.

Mais il n’a pas été retenu, contrairement au contrôleur des douanes, le Cana-dien Bert Cunningham. Cash a eu le malheur d’être apprécié par l’ancien conseiller spécial de l’ex-Premier ministre Paul Bérenger, Jean-Mée Desveaux. Ce dernier se dit déçu par la tournure des événements, alors que le gouvernement invite les étrangers à venir travailler au pays.

Approché pour un commentaire, Phillip Cash ne veut pas donner de détails sur son départ, expliquant que « it’s history ». Il sera au pays jusqu’à la fin de l’année, le temps pour ses enfants de terminer leur année scolaire. Quant à Dan Maraye, il ne répondait pas à son téléphone.

« Nous nous ridiculisons vis-à-vis de la Banque européenne d’investissement, qui avait insisté sur la présence de Phillip Cash et son expérience internationale pour mener à bien le projet majeur d’agrandissement de notre aéroport au coût de Rs 4 milliards », déplore, de son côté, Jean-Mée Desveaux.

14 June 2006

Nigauds sauvés malgré eux


L’auteur accueille favorablement le budget du ministre des Finances, Rama Sithanen. Toutefois, selon lui, le grand argentier devrait garder en tête que le capitalisme est dangereux.

Par Jean-Mée DESVEAUX
L’express économie-business 
du 14 juin 2006
 
CE SERAIT injuste de ne pas reconnaître que Rama Sithanen a remporté vendredi le pari que nous lui lancions au début de l'année dans notre colonne intitulée The Wheel of Fortune. Nous y entrevoyions la descente aux enfers. L'homme est une sacrée bête politique malgré tout le bagage de technicien qu'il cultive et projette à outrance. En tant que tel, sa première considération était sa survie politique. 

Banni pendant dix ans de son élément naturel par un sort des plus défavorables, il n'a pas hésité de se joindre cyniquement à une équipe de l'Alliance sociale qui prônait sottement une philosophie économique et des mesures propres à catapulter Maurice dans le marasme économique des années 70.

Elu sur une telle plate-forme, il ne lui restait en tant que ministre des Finances, à suivre cet illogisme et devenir le fossoyeur de l'économie nationale ou de forcer une équipe de dinosaures qui, eux, étaient convaincus de la justesse de leur programme, de faire demi-tour. Cette deuxième possibilité restait improbable dans la mesure où Rama Sithanen est ni assez fort politiquement pour dicter ses termes à l'Alliance sociale, ni partisan du "hara-kiri" après dix ans de célibat politique pour menacer, coups de poing sur la table, de prendre la porte si on ne l'écoutait pas.

Qu'il ait donc réussi à convaincre Navin Ramgoolam, avec l'appui de la Banque mondiale et du Fonds monétaire i n t e r n a t i o n a l, démontre une proximité entre les deux hommes qui augure très bien pour le pays. Les mesures impopulaires prises indiquent, de plus, que le Premier ministre (PM) se considère très fort politiquement, ce qui est excellent pour un pays qui doit relever de grands défis avec des politiciens traditionnellement capons. Une autre façon de voir la chose, c'est de dire que le 3 juillet, l'attrape-nigauds a admirablement bien marché. Les nigauds se sont fait attraper bien qu'ils risquent d'être sauvés malgré eux par un retournement de veste du gouvernement en place.

Déjà, l'initiative de se débarrasser de la Development Works Corporation ainsi que des tripartites, indiquait la voie à venir et le virage vers la droite du spectre idéologique. Un pays en proie à de violentes secousses économiques se doit de panser toutes les plaies qui menacent de le saigner à blanc.

En ce qui concerne les tripartites, bien que leurs effets étaient essentiellement de hausser artificiellement le salaire de ceux qui sont au bas de l'échelle et, en ce faisant, de les vouer au chômage, l'annonce d'un marché du travail flexible et basé sur la productivité envoie le bon signal aux observateurs de la chose économique.

En plus de la baisse du prix du sucre et la fin du Multifibre Agreement, les paramètres au sein desquels oeuvrait le ministre des Finances n'étaient pas des plus commodes : d'abord, le temps faisait défaut. Des économies autrement plus fortes que la nôtre ont prouvé que tergiverser devant des problèmes profonds peut mettre un pays à genoux.

Le PM japonais a sorti son économie l'année dernière de deux décennies de performance désastreuse parce que la solution d'un problème bancaire était trop pénible à prendre. Ensuite, les caisses de l'État nécessitaient des fonds, mais donner un coup de frein trop brusque à l'économie pouvait faire plus de mal que de bien.

Il existe une stratégie anti-cyclique en économie qui consiste à presser l'accélérateur (diminution du fardeau fiscal) durant les moments de ralentissement et appliquer les freins (augmenter ce fardeau) quand la croissance s'envole. La situation cornélienne de Rama Sithanen c'est que lui devait remplir les caisses de l'Etat durant un net ralentissement économique. Enfin le cycle parlementaire ne lui permettait pas d'attendre que l'électorat ait oublié les fausses promesses avant de changer de cap.

Jetant un coup d'oeil sur la dette publique, le déficit commercial et la perte de nos préférences, nous faisions référence en début d'année dans cette colonne à la "face cachée de l'iceberg" : la Basic Retirement Pension et la pension du secteur public. "Ce sont là des bombes qui vont littéralement imploser la fabrique socio-économique de ce pays et le gouvernement qui aura prétendu ne pas le savoir gardera une place dans l'histoire du pays pour son infamie.
 Est-ce que la roue du destin a donc opéré le demi-tour fatidique sur le pays ? Le temps presse mais en sept mois, le gouvernement ne donne aucune indication sur sa volonté de se dépêtrer de la démagogie pré-électorale qui lui colle à la peau afin de prendre des mesures concrètes pour restructurer la base économique du pays. Pris au piège par son acharnement contre l'essence même de la logique économique qu'est le ciblage (targetting) , il lui sera difficile, voire impossible d'imposer des mesures aussi pénibles que nécessaires à la totalité des pensionnaires et pas juste aux plus aisés comme ce fut le cas pour le ciblage de la BRP "

Ces lignes écrites au début de l'année démontrent à quel point il était improbable alors de voir le gouvernement ravaler sa prétendue phobie pour le ciblage. Et c'est pourtant à l'hôtel du ciblage que le gouvernement a héroïquement ravalé son amour propre en se débarrassant des subsides sur le riz et la farine, économisant quelque Rs 800 millions dont la moitié sera saupoudrée sur une section indigente de la population à la raison de Rs 225 par famille.

Quant à la pension de vieillesse, c'est toute la gamme des bénéficiaires qui devra patienter cinq ans de plus à cause du vieillissement de la population. Ce sont là des mesures nécessaires. Il est encore préférable d'avoir un parti hâbleur à la barre du pays qu'un parti politique consistant qui pratique l'irresponsabilité qu'il a prônée.

Il y a beaucoup de bonnes résolutions dans ce budget. La rationalisation de l’income tax et la disparition des tax incentives, des diverses exemptions ainsi que du pouvoir discrétionnaire du ministre des Finances sont excellentes. L'automatic and silent agreement des permis, bien qu'intéressant, est dangereux pour un pays où tous croient que tout est permis. C'est donc une expérience qu'il faudra suivre de près si nous ne désirons pas faire de notre jungle de béton hérissé et des ventes de terres à la Deelchand, la norme nationale.

L'ouverture internationale est bienvenue bien que la virulence xénophobique du traitement que rencontrent messieurs Cash, Cunningham et Duff nous incite à croire que ce sont là des mesures qui ne sont pas réellement ancrées dans la conviction des dirigeants politiques.

Mais le ministre des Finances a aussi pris des paris périlleux sur lesquels seule la grande roue du temps pourra trancher. Devant une caisse vide du trésor public, il choisit l'audace à la prudence et réduit le taux du Personal income tax ainsi que celui de la corporate tax qui engrangent chacune environ Rs 3 milliards. Il le fait dans la conviction du supply sider que la baisse d'impôt va créer les conditions nécessaires pour booster l'économie. Cela amènerait selon lui, automatiquement une hausse des revenus de l'État. C'est un pari que Ronald Reagan a perdu bien que les risques étaient moindres pour lui car, à ce moment-là, les caisses des États-Unis étaient pleines à craquer !

Il y a aussi un élément d'ordre moral auquel met ainsi fin Rama Sithanen. Même les sociétés les plus capitalistes du monde pratiquent une philosophie selon laquelle la solidarité nationale demande aux mieux lotis de participer davantage au soutien de leurs concitoyens moins fortunés à travers une plus grande contribution à l'État.

Cette progressivité a disparu à Maurice car le contribuable au bas de l'échelle paiera désormais la même proportion de ses salaires que le plus grand chief executive du pays. Ce qui est encore plus fort c'est que ce taux d'imposition de 15 % du petit contribuable devient aussi celui de la corporate tax que paient Rogers et IBL.

Rama Sithanen a pour l'instant saupoudré les indigents ici et là pour essayer de rendre ces mesures moins régressives qu'elles ne le sont en fait, mais ces fanfreluches sont appelées à disparaître un jour alors que les taux, eux, sont institutionnalisés. Dans un bel exercice budgétaire qui mérite d'être salué, le grand argentier semble cependant avoir oublié que le capitalisme est le système le plus susceptible de créer la richesse nationale mais le moins apte à la partager. Les disparités ancrées dans le passé d'une île Maurice à deux vitesses sont si flagrantes que Rama Sithanen a ajouté de l'eau au moulin de ceux qui pourraient, à juste titre cette fois, clamer que nous avons pris le chemin du retour à la loi de la jungle.

07 June 2006

Haute trahison !

l'express du 07/06/2006

 Par Jean-Mée DESVEAUX

Tel un corps dont le mécanisme immunitaire serait détraqué, l’île Maurice s’acharne contre les hommes et les femmes qui se battent pour sa survie alors qu’elle ouvre ses bras accueillants aux filous de tous genres qui leur en veulent d’être hautement plus capables qu’eux.

L’ancien gouvernement avait eu une stratégie intelligente qui visait à permettre au pays de faire un bond qualitatif dans certains domaines clés en y recrutant des professionnels extrêmement qualifiés à leur tête. C’est ainsi que les compétences de Bert Cunningham à la Douane, de Donna Leclair au CEB, de Phillip Cash à l’Airport of Mauritius et de Bill Duff à La Prison, furent mises au service du pays dans le double but de réformerr l’organisme dont ils avaient la charge ainsi que de s’assurer qu’au terme de leur contrat, un enfant du sol soit suffisamment formé pour assurer la relève.

C’était un processus qui allait permettre à tout un pan important de la vie institutionnelle du pays de sortir de son statut de sous-développement pour se positionner au niveau des upper middle income countries que le pays aspire à devenir. Le grand bénéficiaire de ce processus allait sans aucun doute être le public mauricien dans son ensemble dont le niveau de vie aurait tiré profit de la transformation de ces organismes clés. Mais il y allait aussi avoir des perdants : ceux qui ayant reçu une formation sur le tas au sein du laisser-aller d’un système désuet avait rendu nécessaire la présence de l’expatrié. Il est tragique de constater que dans ce rapports de force, le manque de conviction et de patriotisme des politiques, hier et aujourd’hui, compromettent l’intérêt supérieur du pays allait transiger et en se pliant devant les frustrations de petits hommes qui ont, de par leurs actions, confirmé le manque de professionnalisme qui les excluent du poste qu’ils convoitaient.

Le bal des commissaires de prisons des six dernières années a créé une telle faiblesse au sein de notre système carcéral que chaque prison est comme autant de poudrières prêtes à exploser. Nous venons de constater que dans un pays qui veut faire du tourisme son pilier essentiel, un événement inattendu comme le chikungunya peut faire tituber même les plus grands groupes hôteliers. Les prisons de Beau-Bassin sont à vingt minutes des grands hôtels de l’Ouest. Qu’adviendra-t-il de cette destination cinq-étoiles le jour où une mutinerie dégénèrerait en prise d’otages dans un bel hôtel du littoral ? Si notre réputation devait être ternie par un tel événement combien de temps faudrait-il pour la rebâtir et à quel coût.

C’est donc avec une légèreté choquante que Navin Ramgoolam a fait partir Bill Duff . En ce faisant le Premier ministre a pris le pari d’un homme qui ne pourra pas dormir d’un sommeil tranquille pour des années à venir car le pays ne lui pardonnera jamais si ce que nous redoutons avec le départ de l’écossais s’avérait juste. Et pour compenser ce manque aigu de jugement, les décisions les plus abracadabrantes sont prises pour donner l’impression de bouger dans le bon sens. On ne peut peut-être pas s’attendre à ce que l’homme qui se débarrasse aussi négligemment d’un des meilleurs chefs de prison au monde réalise qu’amender le code pénal en vue d’instituer une peine de 60 ans pour viol est une assurance que prend le gouvernement que le violeur achève sa victime après son forfait. Comme dirait Hamlet, “ There are more things in heaven and earth than in your philosophy ”, Prime minister.

On se souvient qu’à la Mauritius Revenue Authority, une responsable avait trouvé que ni Bert Cunnigham, ni le chef de l’Interpol n’aient les qualifications nécessaires pour leur permettre d’être sur la short liste de 40 candidats. Cet exercice fut mené à bien en main de maître avec le recrutement d’un responsable des douanes d’un pays du Sud-Est asiatique où Ousama Ben Laden et ses gentils lurons entrent et sortent à volonté ce qui lui vaut du reste le titre peu enviable du case book d’une douane louche aux yeux de la Banque mondiale.

Si nous sommes donc choqués par le départ de Bill Duff, c’est que nous savons que le pays va encore une fois perdre au change. Arpentant les rues londoniennes et la prison de Brixton à la recherche d’un homme qui mettrait de l’ordre dans nos prisons, votre correspondant n’aurait jamais pensé trouver un tel candidat pour servir le pays. Il existe plus d’un douzaine de prisons à Londres et on devine ce que cela demande comme expérience, intégrité, bagage intellectuel et caractère trempé dans l’acier pour être le governor d’une de ces instituions pénitentiaires de sa majesté britannique. Eh bien, Bill Duff était le patron très respecté de tous ces messieurs ! Ce bonhomme a été en charge, parmi tant d’autres, des terroristes de l’IRA qui donneraient à nos Monstre et autres Antoine Chetty un profil d’enfant de chœur.

Mais une question vient tout de suite à l’esprit. Si Bill Duff était si doué, comment est-ce qu’il ne réussit pas à redresser la barre d’une institution bon enfant en plus de quinze mois ? Et la réponse à cette question est extrêmement grave et condamne encore une fois le gouvernement actuel qui n’a pas agit sur des renseignements qui indiquent de fortes présomptions de haute trahison dans un domaine tel que celui-ci. Chaque incident dans une prison mène potentiellement à une mort d’homme, soit dans la prison ou pire encore dans la communauté qui l’entoure.

Si certains officiers ont été responsables de jouer ainsi avec la vie humaine pour des raisons qui leur sont propre, leur place est bien à la prison mais de l’autre côté des barreaux. Il était étrange qu’une série d’événements aient eu lieu pendant tout ce temps qui pointaient à une connivence de l’intérieur même des prisons. Sans aucun démenti, Deepa Bhookun de l’express décrit la semaine dernière un scène sortant d’un roman de Kafka : Depuis des mois, le responsable de la prison de Beau-Bassin préfère laisser les prisonniers de la plus grande institution pénitentiaire du pays fainéanter pendant des heures jusqu’à ce que l’envie leur prenne de regagner leurs cellules plutôt que de se servir de la Prison Supporting Squad de M. Jacques Henri. Que l’animosité entre officiers du plus haut échelon de la MPS puisse mener à ce genre de brinkmanship où chaque fermeture frise une mutinerie potentielle est angoissant. Que le gouvernement ne fasse rien à ce sujet de peur de froisser les éternelles sociétés socioculturelles est criminel.

Mais depuis quelques jours la situation ne relève plus de l’anecdote. Bill Duff l’a mis noir sur blanc et le pays attend que le gouvernement agisse. Dans une lettre au Secretary for Home Affairs il y a quelques mois, (citée par Week-End), Bill Duff dit ceci: “Even after 16 months being in charge of prisons, I had not fully realized the capacity of the staff to bypass professional procedures and the capacity of managers to collude .” à qui profitait cette collusion? Qui a outrepassé les procédures en mettant nos vies en danger ?

La grandeur de l’homme est visible: “If you wish me to see out of my contract then i shall do so but should you wish to appoint my successor sooner rather than later then it is a decision that I shall fully respect. In the meantime I shall continue to do all I can to rid Mauritius Prisons Services of its laisser-faire attitudes and inculcate within it an ethos of professionalism, integrity, efficiency and pride.” Il semblerait que tout le monde ne soit pas aussi content de voir partir Bill Duff.

Écrit sur une page de cahier avec les ratures et fautes d’orthographe, une de ses pensionnaires à la prison des femmes lui a écrit cela : “I would just like to say from my heart that No matter what happend and there was a lot of mis understandings aspecially with the language barrier , that we appreciate everything you did for us big and small and we know you tried your atmost Best to reform this prison , but when things are out of your hands , then its God's way of telling you you have done your Best. And we are thanking you with tears in our eyes , to see you leave is taking a piece of our heart. And we want to wish you the Best of success for where you are going and for your career to florish wherever you may be. Thank you and Good Bye , may God Bless you Mr Duff.”

04 June 2006

Si c'était…

Par Josie Lebrasse
Le Week-end du 4 juin 2006

Jean Mée Desveaux a été traité de super conseiller, son nom a été jeté en pâture dans les réunions et autres meetings ciblés durant la campagne électorale parce que son patronyme, associé à celui de ce qu'il appelait lui-même son patron, l'ancien Premier ministre, cela cadrait parfaitement avec la stratégie raciste de l'Alliance sociale. Aujourd'hui encore, lorsque le gouvernement essaie de justifier l'injustifiable, lorsqu'il s'agit de faire croire que les "conseils" de Dinesh Ramjuttun et de Gilbert Philippe - dont le passé est éloquent - sont indispensables pour la bonne marche du pays, le plat est haineusement resservi. Pas parce qu'il a été averti d'une allégation de maldonne autour d'un pot de vin de Rs 50 millions qu'il aurait omis de référer sur le champ à l'ICAC, pas parce qu'il était "on duty" à Pailles en pleine journée du jeudi saint se vanter d'avoir eu des "relations sexuelles protégées", pas parce qu'il a été accusé de viol sur mineur et encore moins d'avoir suscité le courroux d'un ambassadeur, pour qui l'allocation des contrats est tronquée. Parce qu'il s'appelle Jean Mée Desveaux. Et que certains amalgames sont commodes. 

Son salaire était, paraît-il, considéré comme mirobolant mais, à la comparaison, le cachet de Lucien Finette, cinq ans de cela, n'y était pas très éloigné. Le débat n'est évidemment pas là, il se situe au plan de l'épiderme. Notre propos est, d'ailleurs, renforcé, accrédité même, par ce qui se passe aujourd'hui. Vous avez entendu Ali Mansoor ? Il était censé prendre son poste depuis la fin de l'année dernière mais comme les prévisions avaient été mal faites et que la Banque Mondiale n'est pas la boutique d'à côté, il a dû terminer son contrat et, dans une réponse à l'Assemblée nationale, Rama Sithanen, lui-même, est venu le reconnaître et annoncer qu'il ne prendra son poste que le 1er juillet 2006. Or, cela ne l'a pas empêché d'aller parler économie à la radio et, mieux encore, celui qui est présenté comme le "financial secretary designate" a été formulé la politique gouvernementale en matière des droits de douane. Vous imaginez le tollé que cela aurait soulevé si Jean Mée Desveaux avait publiquement évoqué des "policy decisions" à la place d'un quelconque ministre avant ou… après avoir été nommé. Ç'aurait été un crime de lèse république. 

Mais ce genre de vrais "superconseillers" commence à devenir légion. Depuis sa nomination, Dinesh Ramjuttun se comporte comme le ministre - bis des Terres - il connaît bien, il est vrai pour avoir été l'heureux bénéficiaire des biens de l'Etat, notre patrimoine à tous - et le quatrième député de Pamplemousses/Triolet. Après avoir organisé des réunions pour le Premier ministre plusieurs samedis de suite, cette semaine, il a été un peu plus loin. Il a participé à la remise de clés de logements sociaux, construits par l'ancien gouvernement, à Cottage et à Notre Dame et s'est même permis de prendre la parole et de critiquer le régime MSM/MMM. Vous savez si Jean Mée Desveaux avait osé parler politique dans une fonction officielle, quel scandale cela aurait représenté. Un conseiller, comme son nom l'indique, est recruté pour conseiller, c'est un contractuel choisi selon un critère strictement partisan. Comme il n'a pas de mandat électif au même titre qu'un ministre, un député ou même un conseiller municipal ou de village, il se doit de s'en tenir à ce pour quoi il a été recruté. Mais les conseillers de l'ère ramgoolamienne sont spéciaux. Ils ont tous les droits. C'est normal, ils n'ont pas de problème de naissance… 

Pour rester dans le domaine du "ne fais pas ce que je fais", il faut aussi relever cet appel touchant et répété du Premier ministre pour que la question de "law and order" ne soit pas considérée comme une affaire partisane. Il aurait été entendu s'il n'avait pas, alors qu'il était leader de l'opposition, parlé, semaine après semaine, de "lawlessness and disorder" et fait croire, avant les élections, qu'il avait une solution à tous nos problèmes de société. Il peut faire dire ce qu'il veut aux chiffres mais la réalité est qu'il y a de plus en plus de crimes atroces et de sévices sur les mineurs qui sont tout à fait inédits. Si c'était un de ses prédécesseurs qui avait enregistré un tel record en si peu de temps, c'est facile de deviner ce qu'on aurait dit. Comme il est facile d'imaginer ce qu'aurait été la réaction de l'opposition si Sir Anerood Jugnauth ou Paul Bérenger avaient traité les syndicalistes d'irresponsables, Jack Bizlall aurait fouillé dans ses manuels idéologiques pour traiter le Premier ministre de tous les noms et ses collègues syndicalistes auraient fait queue devant les micros de toutes les radios pour réclamer leur départ. 

Voyez-vous SAJ ou Paul Bérenger venir annoncer la mise à mort de la DWC, cette créature de Sir Seewoosagur Ramgoolam dont Nando Nodha rappelait, avec raison hier, que c'est ce qui a permis que les collèges soient construits dans les délais. Cela aurait été un crime, une insulte à la mémoire du père de la nation. Au lieu de fermer la DWC et de procéder à sa refonte, Rama Sithanen serait bien inspiré de se pencher sur le Domaine les Pailles que le gouvernement travailliste avait cru utile d'acquérir en 98 pour la somme de Rs 480 millions alors que des Singapouriens étaient intéressés par le rachat de ce parc hôtelier situé sur des terres privées. Mais on est dans une période de volte-face et de retournement spectaculaire après l'escroquerie du dernier scrutin. Le bal des imposteurs qui trompent le peuple avec un rare cynisme ne fait que commencer…

01 June 2006

L’Etat : servir ou se servir

l'express du 01/06/2006

Par Jean-Mée DESVEAUX

L’intérêt quasi obsessionnel que nous porte le Premier ministre (PM), Navin Ramgoolam, devrait nous flatter. Il est un fait notoire que pas une réunion nocturne ni un meeting travailliste durant les dernières élections n’était considéré comme ayant atteint son apogée si le spectre de l’ancien “super conseiller” de Paul Bérenger n’était brandi devant un parterre déchaîné.

C’est ainsi qu’à la veille des élections, nous avons vu cet humaniste et rassembleur de PM “rappeler” à une assistance issue de la campagne qu’“un vote pour Pradeep Jeeha est un vote pour Jean-Mée Desveaux.” Il y avait aussi pendant les années de braise de l’opposition les jérémiades interminables quant au fait que le chef de l’opposition touchait moins que le “super conseiller”.

Le dernier tic de ce syndrome obsessionnel compulsif du PM a eu lieu la semaine dernière au Parlement. Essayant de tirer profit d’une question parlementaire sur le recrutement de messieurs Ramjuttun et Philippe, le chef du gouvernement a rappelé que les conditions de ces messieurs sont “bien moins intéressantes que celles octroyées à l’ancien conseiller” de l’ex-PM qui touchait Rs 126 000, mais dont la rémunération additionnelle pour siéger sur les conseils d’administration amenait à Rs 175 000. Le PM devait aussi se féliciter qu’aucun de ses conseillers ne siège sur les conseils d’administration et ne reçoit donc pas de rémunération additionnelle.

C’est une chose somme toute légitime pour un chef du gouvernement de s’assurer que les cadres qui travaillent pour le pays créent la valeur ajoutée que la nation attend d’eux. Mais on comprend mal l’arithmétique de Navin Ramgoolam quand tous les journaux du pays relatent sans cesse (et sans mise au point aucune) que le Dr Ramjuttun a retiré ses services du Mouvement socialiste mauricien parce que sir Anerood Jugnauth lui a refusé un terrain qu’il convoitait sur le littoral, le même que Ramgoolam a récemment décidé de lui allouer.

L’opinion publique mauricienne préfère peut-être un processus de troc, moyen par lequel un contractuel du gouvernement se fait rémunérer en terres de l’Etat à des dizaines de millions de roupies, optant ainsi par la suite pour un salaire nominal qui en tiendrait compte. Il faut cependant avouer que cela n’était ni dans les mœurs de l’ancien PM ni dans les miens. C’est avec une certaine fierté qu’après avoir joué un rôle important au niveau de l’Etat, l’ancien conseiller qui obsède tant le PM peut assurer la nation qu’il n’a de terrain ni au bord du littoral ni nulle part ailleurs.

Navin Ramgoolam devrait de plus savoir qu’il existe deux genres de conseil d’administration au sein des corps parapublics : d’abord, celui où on entasse les fonctionnaires au bas de l’échelle (la Wastewater Management Authority (WMA) , le Central Electricity Board (CEB), etc.) et ensuite, celui où figurent les grosses cylindrées du service civil qui sont bien rémunérées : Airports of Mauritius Limited (AML), Mauritius Revenue Authority (MRA).

J’ai œuvré pendant plus de quatre ans au sein de la WMA et du CEB touchant une moyenne de Rs 1 000 par mois par conseil d’administration. Je ne crois pas me tromper en disant que c’est là que j’ai livré les batailles les plus rudes de ces cinq ans et c’est aussi là que j’ai reçu les plus grandes cicatrices de ceux qui me trouvaient sur leur chemin. Le board d’AML a donc été le seul où je recevais une prime non-dérisoire de Rs 12 000 mensuellement, pendant quatre ans. Puis, moins d’un an avant les élections, vint le conseil d’administration de la MRA, sous la présidence de Maya Hanoomanjee où les directeurs touchaient la coquette somme de Rs 30 000 mensuellement.

Il est aujourd’hui de notoriété publique que l’objet obsessionnel du PM a offert sa démission au board de la MRA après seulement trois mois, quand il a réalisé qu’il y avait deux personnes des plus puissantes sur le board qui, pour des raisons inavouables, avaient la stratégie de frustrer Bert Cunningham et l’inciter à quitter le pays. Le fait que le jeton de la MRA représentait 70 % de ses salaires de base n’était pas une raison suffisante de continuer à y siéger et d’y voir, impuissant, des êtres sans scrupules hypothéquer l’avenir du pays et le sort de ses enfants.

Ce que la petite histoire ne savait pas encore, c’est qu’au moment de donner cette démission à l’ex-PM, conscient de lui donner du fil à retordre dans la mesure où c’était la seconde fois qu’il démissionnait d’un board pour cause de conscience, son conseiller spécial lui offrit de “put his job on the line” et de soumettre sa démission en tant que conseiller au Prime Minister’s Office. Dans l’impasse dans laquelle se trouve le pays, je souhaite à Ramgoolam d’être entouré de conseillers qui émuleraient cet exemple. Le pays serait alors entre de bonnes mains.

Comme l’intérêt du PM est omniprésent, nous lui rappellerons aussi notre démission de la WMA qui fut le sujet d’une question de l’honorable Jeetah, celui-là même qui occasionna le transfert punitif de l’inspecteur Tuyau qui eut l’outrecuidance de le prendre la main dans le sac aux jeux illégaux ne sachant pas que “gouvernma dan (so) la me”.

Paul Bérenger, le Premier ministre : “As I said, my Adviser, after doing great work there, has selected to no longer sit on that Board for different reasons. Mr Jean-Mée Desveaux works very hard; he is a genuine patriot et honnête jusqu’au bout des ongles, but he is not strong in diplomacy, Mr Deputy Speaker, Sir, nul n’est parfait en ce monde, the work will continue.”

Dr Boolell : “Is it precisely because he is an honest and decent man that he had a row with the Minister of Public Utilities in respect of the choice of the firm that had to be chosen?”

Que le docteur Boolell, ce Gordon Brown de Navin Ramgoolam, soit du même avis que Paul Bérenger dans un débat Parlementaire, est chose rarissime. Ce qui est remarquable dans cet échange, c’est que les deux côtés de la chambre semblent être d’accord sur le caractère de celui qui envahit la pensée de Ramgoolam d’une préoccupation maladive. Devant l’effervescence de recrutement qui a lieu ces jours-ci, le pays tout entier pourrait souhaiter au PM de pouvoir un jour tenir au Parlement, et sans rougir, les propos de l’ex-PM sur n’importe lequel de ses conseillers.