JM et les chefs coutumiers de la République démocratique du Congo

22 September 2003

Le Top Team de Bérenger connu

l'express du 22/09/2003

Le voile est levé sur la composition de l’entourage immédiat du futur Premier ministre, Paul Bérenger. Ses nouveaux collaborateurs seront répartis en trois équipes. Il s’agit des hauts fonctionnaires qui seront affectés au bureau du Premier ministre (PMO), des professionnels, qui auront un statut de conseiller spécial, et des conseillers politiques.

Quatre secrétaires permanents seront affectés au PMO. Les deux plus hauts fonctionnaires à ce bureau, Harry Ganoo et Suresh Chandre Seeballuck, respectivement secrétaire au cabinet et secrétaire aux Affaires intérieures sont maintenus à leur poste.

Toutefois, Harry Ganoo aura désormais un secrétaire permanent pour l’aider dans sa tâche. C’est Marie-Thérèse Jacqueline Brunel qui assumera cette responsabilité. Krishnawtee Beegun demeure le secrétaire permanent aux Affaires intérieures.

Vijaya Lutchmee Ramsamy est mutée au département du Private Office and Ceremonials. Elle s’occupera de l’agenda du Premier ministre au quotidien et de ses relations avec les institutions locales et étrangères. Nizam Bundhun sera le quatrième secrétaire permanent au PMO.

Parmi les special advisers qui seront appelés à épauler le nouveau Premier ministre, on relève les noms de Jean-Mée Desveaux , Kéwé Cheung et Vishnu Bassant qui étaient déjà à ses côtés au ministère des Finances. Deux conseillers de l’actuel Premier ministre, Sir Anerood Jugnauth, intègrent cette équipe. Ils sont Prem Nababsing et Tamas Saha.

Celui-ci aura la responsabilité spécifique du secteur des nouvelles technologies de l’information et des communications. Swalay Kasenally est nommé envoyé spécial du Premier ministre dans le Golfe. L’actuel secrétaire financier, Ayub Hussein Nakhuda, fera aussi partie de l’équipe des conseillers spéciaux.

Avec la nomination de Nakhuda au PMO, c’est Krishnanand Guptar qui assumera le poste de secrétaire financier. Il est actuellement le directeur des Finances publiques et, en cette capacité, il a participé activement à la préparation des deux derniers budgets.

L’équipe des conseillers politiques de Paul Bérenger reste largement inchangée. Marie-Josée de Robillard, Ravin Lochun, Deotam Santokhee et Issa Asgarally demeurent à leurs postes. Villa Seenyen, qui faisait jusqu’ici partie de l’équipe des proches collaborateurs de Sir Anerood Jugnauth, conserve un poste de conseiller au PMO. En revanche, Christian Ithier, conseiller en communication du Premier ministre sortant suivra celui-ci au Réduit.

La composition du nouveau cabinet ne sera connue qu’après la partielle de Rivière-du-Rempart qui aura vraisemblablement lieu le 21 décembre. 

31 August 2003

"La CTS va utiliser une vieille chaudière !"


Jack Bizlall, le président du Mouvement 1er mai, dénonce les accords signés entre le CEB et l'industrie sucrière. Selon lui, la Centrale thermique du Sud (CTS) va utiliser une vieille chaudière à St Aubin pour produire de l'électricité.

Muhammed HOSSENBACCUS
L’Hebdo du 31 août 2003

Est-il vrai qu'il y a actuellement des cadres qui travaillent sur un projet à la station de St Louis ?

 Il y a deux projets en chantier, dont l'installation de trois moteurs de 12 mégawatts à St Louis. C'est un projet sur lequel ont travaillé les haut cadres du CEB, à savoir le General Manager, le Production Manager et son adjoint.

On parle ici de Paul van Niekerk, Hebrard et Fakim. Ils ont proposé un projet au board of directors. On aurait dû entrer dans l'application, mais le gouvernement a apparemment confié l'étude du projet à Donna LeClair. Elle favorise la présence du secteur privé et de l'industrie sucrière dans le CEB. Je souhaite qu'il n'y ait pas manipulation des dossiers de St Louis. Je pense que les consommateurs doivent veiller à ce que ces dossiers ne soient pas détournés de leurs objectifs.

Mais qu'en est-il de la plainte de Norland Suzor ?

Depuis que Suzor a perdu son affaire, le champ est libre pour que le CEB signe un contrat avec la CTS. La plainte de Suzor comporte plusieurs aspects qu'il n'a pas soulevés en Cour, c'est très criticable. Le jugement de la Cour suprême est bon en principe, dans la mesure où Suzor était dans l'illégalité. Il ne peut pas venir en Cour et demander à ce que l'illégalité des autres soit condamnée.
Il était parti prenante d'un processus; il n'est pas passé par un tender ni par le Central Tender Board. Mais il faut réaliser que dans le document de Suzor, il y avait d'autres éléments sérieux - entre autres, la fiabilité de la Centrale Thermique du Sud. Suzor savait que le projet de la CTS n'était pas techniquement viable mais il n'a pas soulevé ce point là en Cour. Le management a refusé de nous dire si effectivement la CTS va installer une unité de production. Je tiens à souligner qu'il était inconcevable d'approuver un projet de cette envergure avec une boiler (chaudière) de seconde main.

Seconde main ?

Nous avons actuellement une situation où la CTS, qui s'est substituée à SUDS, va utiliser une vieille chaudière ! Elle a été démontée en Europe et transportée à Maurice. Elle est restée sans protection pendant plusieurs années dans la cour de St Aubin. Je trouve inacceptable qu'on compte quand même signer un accord avec la CTS.

Est-ce que vous comptez prendre des actions ?

Les travailleurs du CEB auront à s'organiser pour résister à la corporatisation et la privatisation. Pour s'opposer à la menace qui pèse sur 340 à 400 employés du CEB qui travaillent dans les stations. Le Mouvement 1er mai aura à mobiliser la population pour qu'elle ne paye pas l'électricité, en protestation contre les accords entre le CEB et l'industrie sucrière.

Avant, on pense à une campagne préliminaire : demander à la population de couper un jour d'octobre, de 20 heures à 20 h 15, l'électricité chez elle. Si une telle action est prise, le load va baisser considérablement en proportion avec le nombre de personnes qui adhéraient à ce projet. Alors nous pourrons organiser une grande manifestation en novembre avec le refus de payer la facture pour forcer le gouvernement à revoir son projet.

Que reprouvez-vous au CEB?

Je regrette amèrement qu'avec le contrat qu'on leur a accordé, ils remettent la main sur l'électricité, et qu'à travers le CEB, quinze familles s'enrichissent de façon inacceptable. Les bénéfices qu'elles vont tirer de la production d'électricité ne vont pas aller à l'ensemble des planteurs, mais uniquement aux quinze familles qui contrôlent les stations IPP, notamment Belle- Vue, FUEL, Beau-Champ, éventuellement St Aubin et SUDS. Et probablement, demain, l'usine de St Pierre et celle de Médine. On est en train de réinstaller ces quinze familles qu'on avait affaiblies à force de les combattre depuis les années 40.

Je constate que dans quelques semaines, on aura Paul Bérenger comme PM et que cet homme qui a tellement milité dans le passé contre l'oligarchie sucrière et en faveur de la nationalisation, va faire totalement le contraire de ce qu'il avait proposé dans les années 70 et 80. Les gens vont, quand même, accueillir sa nomination comme PM sur la base de ce qu'il a proposé dans le passé, alors que c'est le contraire aujourd'hui. C'est intellectuellement aberrant.

Bérenger a retourné sa veste de militant ?

Il y a quelque chose qui ne marche pas dans la société mauricienne. 

Est-ce que le gouvernement se laisse influencer par la Canadienne Donna Leclair ?

Jean-Mée Desveaux détient plus de pouvoir qu'un ministre parce qu'il est le conseiller de Bérenger et demain celui du PM. Il détient trop de pouvoir et je pense que c'est lui qui contrôle Donna Leclair. Cette dernière n'est pas une fonctionnaire du CEB mais une conseillère de Jean-Mée Desveaux. C'est l'exécutante de l'exécutant de Bérenger. Alan Ganoo n'a aucun pouvoir sur le dossier du CEB.
D'après mes informations, Donna LeClair était venue au CEB comme cadre et puis graduellement Jean-Mée Desveaux lui a demandé de soumettre des papiers d'analyses pour le besoin du ministère des Finances. Elle a délaissé ses responsabilités au CEB et elle a commencé à écrire des documents uniquement pour le ministère des Finances.

Revenons à Leclair. Est-ce que vous connaissez le "background" de cette dernière ?

Donna Leclair a une mentalité et une façon de faire qui ne sont pas conformes à notre manière de voir les choses dans le pays, d'où le clash. Les étrangers commencent à atterrir dans le pays. Je pense que le gouvernement actuel, Bérenger surtout, favorise le recrutement des étrangers. Graduellement, à la tête de nos corporations et dans le service civil, nous aurons des étrangers. A la douane, cela crée déjà des problèmes. A l'ICAC, on sait quelle est la situation. Mais je pense qu'il ne faut pas trop tomber sur Donna Leclair. C'est un choix du gouvernement de la recruter. Il faut revoir la politique de recrutement des étrangers. La loi mauricienne ne favorise pas leur recrutement quand nous avons des cadres formés pour assumer ces responsabilités. La loi prévoit que si nous récrutons un étranger, qu'il forme un counter part pendant une période de deux ans et qu'il y ait passation après.

Il y a des rumeurs sur une "Australian connection" à Maurice...

Cela ne m'étonnerait pas. Jean Mée Desvaux est avec le MMM depuis longtemps. Il était conseiller à l'époque où Ramgoolam était PM. Il est ensuite parti à Madagascar et puis il est retourné. C'est quelqu'un qui est organiquement lié au MMM. Emotionnellement et économiquement à Bérenger. Il contrôle Bérenger car ce dernier n'a pas la formation nécessaire pour s'occuper des dossiers techniques. Chacun dépend de l'autre.

Jean-Mée Desveaux est-il si important que ça ?

Paul Bérenger a été élu. Jean-Mée Desveaux n'a jamais été confronté aux élections. C'est pour cela que je lui ai dit que s'il a une vision pour l'île Maurice, qu'il démissionne comme conseiller et qu'il pose sa candidature aux élections. Il y aura des partielles à Rivière-du-Rempart, il pourrait bien être candidat là-bas. S'il pense que la 7 n'est pas appropriée pour lui, les élections générales vont venir dans deux ans. Qu'il ait le courage de se porter candidat et de ne pas se cacher derrière Bérenger comme il le fait actuellement.

Il y a eu une réunion tripartite. On peut savoir ce qui en ressort ?

L'Union of Employees of the Central Electricity Board (UECEB) avait demandé qu'une réunion tripartite soit tenue. Une réunion entre le syndicat, le CEB et le ministre Alan Ganoo a bien eu lieu. Le ministre est d'accord pour qu'un technical committee soit mis sur pied afin que les partis concernés puissent donner leur opinion. Ce technical committee a siégé en cinq occasions et le secrétaire de ce comité prépare présentement le rapport final devant être soumis au ministre.

Quelle a été la teneur des discussions ?

La corporatisation du CEB. Les trois syndicats reconnus au CEB et le management du CEB soumettront leurs points de vue respectifs à travers ce rapport. Le ministre devra nous rencontrer dans les semaines à venir et nous serons fixés sur cette corporatisation.

Le gouvernement va, semble-t-il, mettre en place un régulateur ?

Oui. Dans beaucoup de pays, il y a des régulateurs. Je pense qu'il faudrait un régulateur, qui pourrait régler les problèmes entre les consommateurs et le CEB, ce sera à l'avantage du CEB. Je sais que le régulateur aura à réviser les tarifs d'électricité chaque année. Cela voudrait dire qu'il y a une grande possibilité pour que finalement le régulateur soit un outil pour augmenter chaque année le tarif d'électricité. C'est dangereux. Les syndicats concernés ont soumis leur position sur tous les aspects concernant la corporatisation et la privatisation éventuelle du CEB.

07 August 2003

La cour rejette la demande de bloquer le projet St.-Aubin

l'express du 07/08/2003

Un jugement rendu par la Cour suprême hier ouvre la voie à la construction d’une nouvelle centrale thermique à St.-Aubin à un coût d’environ Rs 1,2 milliard. La demande faite auprès de la justice par un consortium mené par l’homme d’affaires Norland Suzor pour bloquer le projet a été rejetée par le chef juge Ariranga Pillay et le juge Keshoe Parsad Matadeen.
C’est en décembre 2002 que le Central Electricity Board (CEB) a lancé un appel d’offres restreint pour la construction d’une centrale de 30 MW. Après une évaluation des offres des deux soumissionnaires, le consortium SWE Fort-George Sugar and Power Ltd. et la Compagnie thermique du Sud (CTDS), un comité technique avait porté son choix sur cette dernière. Néanmoins la signature de l’accord (Power Purchase Agreement ) avec la CTDS a été suspendue en attendant que la cour statue sur la demande d’injonction du groupe Norland Suzor.

“Consumable goods”

Le jugement rendu hier rejette les deux principaux arguments avancés par les avocats de Norland Suzor, Mes Guy Ollivry et Reza Uteem. Ces derniers avaient soutenu que l’aval du Central Tender Board (CTB) était indispensable avant que le CEB n’aille de l’avant avec la signature de l’accord avec CTDS. Selon la cour, l’énergie électrique n’appartient pas à la catégorie des “capital goods” mais à celle des “consumable goods” , ce qui fait que le CTB n’a pas un droit de regard sur l’achat d’électricité.

Les plaignants avaient également soutenu que le projet d’accord peut être assimilé à une commande pour une centrale “clés en main” et qu’il est donc soumis à l’approbation du CTB. En effet, une clause de “buy-out”, prévue dans l’accord, stipule que le CEB se réserve la possibilité d’acheter la centrale et ses équipements au cas où une nouvelle technologie lui permettrait d’obtenir de l’électricité à un prix plus avantageux ailleurs. Les juges ont qualifié de “speculative” la thèse d’un achat hypothétique de la centrale évoquée dans le “buy-out option ” . De toute façon, fait ressortir le jugement, les plaignants ont seulement affirmé que cette option aurait pour but de contourner le Central Tender Board sans jamais faire des allégations de fraude, de corruption ou de mauvaise foi. Me Désiré Basset défendait les intérêts du CEB.

Il reste une étape à franchir avant la signature d’un accord avec CTDS. Un comité inter-ministériel, présidé par Guy Wong So, haut cadre du ministère des Services financiers, travaillera d’arrache-pied pendant les jours qui suivent pour examiner la question d’une garantie de l’Etat à CTDS. Il s’agit d’offrir au producteur d’électricité l’assurance que l’Etat paiera la facture de tout achat d’énergie fait à la centrale de St.-Aubin au cas où le CEB arriverait à faire faillite.

Nécessité d’une nouvelle centrale

Le dénouement juridique intervenu hier survient quelques jours après que le gouvernement a donné son feu vert à une proposition du CEB d’installation de nouveaux moteurs à St.-Louis. Cette solution a été retenue parce qu’une incertitude pesait sur la construction de la centrale de St.-Aubin dans les délais nécessaires. Des consultants sud-africains de PB Power avaient estimé que l’entrée en opération d’une nouvelle centrale de 30 à 40 MW était une nécessité absolue avant juillet 2005.
Jean Mée Desveaux, conseiller spécial du vice-Premier ministre et membre du conseil d’administration du CEB, confirme que si la date fatidique de juillet 2005 est atteinte sans que nous ayons une nouvelle centrale “le CEB ne pourra plus subvenir aux besoins énergétiques du pays durant les heures de pointe de 17 a 22 heures.” Or, la construction d’une centrale à charbon prend au moins deux ans, et au 31 juillet 2003 aucun accord n’avait encore été signé avec CTDS.
“Nous attendons le signal du CEB pour pouvoir signer le contrat pour l’achat de l’électricité. De notre côté, nous sommes prêts”, déclarait récemment Raymond Rivalland, administrateur d’Union St-Aubin. Cette sucrerie du Sud est l’un des principaux actionnaires de la CTDS. Les deux autres partenaires sont la Société industrielle pour le développement de l’énergie charbon et de la cogénération (SIDEC) de France et le Sugar Investment Trust (SIT). Pour sa part, le président du conseil d’administration du CEB, Swalay Kasenally, affirmait hier que le CEB n’attendait que le signal de la cour pour conclure les accords avec le sous-traitant.

01 August 2003

Le CEB sort un nouveau projet de son chapeau

l'express du 01/08/2003

Le cabinet examinera ce matin un projet de construction par le CEB d’une centrale thermique alors que celui du groupe privé mené par St.-Aubin est mis au frigo.

Une solution de fortune a été trouvée pour contourner l’obstacle juridique qui bloque le projet de construction d’une centrale thermique par un consortium privé à St.-Aubin. Le CEB compte installer lui-même trois nouveaux générateurs, d’une puissance totale de 36 MW à St.-Louis. Cette décision sera présentée au cabinet ce matin par le ministre des Services publics, Alan Ganoo.

La décision du CEB d’entreprendre une nouvelle activité de production va à l’encontre de l’annonce faite par le gouvernement que l’organisme parapublic ne s’occupera que de la transmission d’électricité désormais. C’est mardi que le conseil d’administration du CEB a pris connaissance d’un rapport, présenté par le directeur général, Paul Van Niekerk, et deux techniciens, au sujet de l’installation de nouveaux moteurs à St.-Louis. Un consultant sera désigné pour en faire une étude de faisabilité et un expert nommé pour préparer une étude de l’impact du projet sur l’environnement.

C’est en décembre 2002 qu’un appel d’offres restreint fut lancé pour la construction d’une centrale de 30 MW. Le Central Electricity Board (CEB) avait alors reçu des offres d’un consortium dirigé par Norland Suzor, la SWE Fort-George Sugar and Power Ltd, et de la Compagnie thermique du Sud (CTDS). Un comité technique avait retenu l’offre de cette dernière. Elle offrait le kWh à moins cher que son concurrent. Le CEB n’a cependant pas pu signer l’accord prévu avec la CTDS, un Power Purchase Agreement, parce que Norland Suzor a contesté en Cour suprême ce choix du CEB.

Outre l’action judiciaire, il y a un autre facteur qui a compromis les chances d’un aboutissement rapide de la signature d’un accord avec CTDS. Un comité inter-ministériel, présidé par Guy Wong So, haut cadre du ministère des Services financiers, et chargé d’approuver une garantie de l’Etat à CTDS, n’a toujours pas statué sur la question. Certains membres du comité seraient favorables au projet Suzor.

Si la solution de St.-Louis a été retenue, c’est parce que la construction d’une nouvelle centrale de 30 à 40 MW d’ici juillet 2005 est considérée comme une nécessité absolue. C’est du moins l’avis des consultants sud-africains de PB Power. Or, comme la construction d’une centrale prend au moins deux ans, et qu’au 31 juillet 2003 aucun accord n’avait encore été signé avec CTDS, son projet ne pourra pas se concrétiser dans les délais. Ainsi, si le CEB avait persisté dans son choix de ne pas se lancer dans de nouvelles unités de production, cela aurait bénéficié à Norland Suzor, dont le projet, à base d’huile lourde,nécessite moins de temps pour être opérationnel.



L’urgence de la situation

Pour Jean Mée Desveaux, conseiller spécial du vice-Premier ministre et membre du conseil d’administration du CEB, si la date fatidique de juillet 2005 est atteinte sans que nous ayons une nouvelle centrale “le CEB ne pourra plus subvenir aux besoins énergétiques du pays durant les heures de pointe de 17 a 22 heures”. Pour lui Norland Suzor, est un “sore loser” qui a fait appel a la cour pour gagner du temps. “Le candidat malheureux qui a saisi la cour peut, lui, arriver au jour, même s’il prend quatre ou cinq mois de retard de par la technologie qu’il a choisie.”

Le projet de St.-Louis, qui va à l’encontre de la politique du gouvernement, est une idée qui émane du département de la production du CEB. Les responsables de ce département n’ont jamais apprécié l’idée de confier la génération d’électricité au privé. Leur proposition “s’est toutefois avérée être une manne pour les décideurs”, affirme Jean Mée Desveaux. “Elle nous enlève une épine du pied” car autrement Suzor aurait été une option inévitable.

Jean Mée Desveaux regrette néanmoins une conséquence de la tournure des événements. “Depuis les dernières unités de Fort George dans les années 90, les gouvernements qui se sont succédé ont estimé que si le privé est disposé à investir dans l’infrastructure du pays, l’Etat ferait des économies qu’il pourrait canaliser vers des secteurs où le privé ne souhaite pas investir”. Le coût d’une centrale s’élève à environ Rs 1,5 milliard.

Pour autant, il souligne que le projet de St.-Louis a des avantages évidents. “Il y a d’abord la proximité du réseau du CEB car cela peut coûter près de Rs 100 millions pour une centrale de se raccorder au réseau. Ensuite il existe sur place le système de stockage de l’huile lourde. Enfin le CEB possède un terrain qui est un prime real estate pour ce genre de projet”. Malgré tous ces avantages, “et avec beaucoup d’hypothèses un tant soit peu over optimist, les analyses du projet de St.-Louis (avec des chiffres très approximatifs à ce stade) situent la compétitivité du projet au même niveau que celui du green field CTDS”, conclut-il.


22 June 2003

Affaire Suzor: Les documents qui incriminent

Bunwaree se dit victime d'un ''acharnement politique''. Ong Seng est aujourd'hui posté à Washington.

C'est sur la base des notes et correspon­dances consignées dans le dossier officiel par le "Senior Financial & Management Analyst" du ministère des Finances, que le Conseil des ministres a référé l'affaire du projet du consortium SWE Fort George Sugar and Power Ltd à la police. Seraient mis en cause : l'an­cien ministre des Finances, Vasant Bunwaree et l'ancien secrétaire financier, Philippe Ong Seng.

Par Rajen Bablee
L'Hebdo du 22 juin 2003

Le 4 août 2000, le Senior Financial et Management Analyst du ministère des Finances, Koomansing Dawonauth, rédige une correspon­dance à l'intention de Norland Suzor, Managing Director de SWE Fort Georges Sugar à Power Ltd. Elle porte la référence CF/50/10/50/40. Quatre clauses y figurent. Il y est précisé que par rapport au projet de raffinerie sucrière et de centrale électrique dans le port-franc, le ministère des Finances n'a aucune "objection in entering into a Project Implementation Agreement with your company with regards to the above project".

Dans la troisième clause, Koomansing Dawonauth pré­cise que le ministère veut bien inclure certaines provi­sions dans l'accord d'implémentation du projet. "We are, in principle, agreeable to the inclusion of the following key provisions".

La quatrième clause est la plus importante. La mise en application de l'accord néces­sitera l'aval du gouvernement. "The Project Implementation Agreement with SWE will be subject to Government approval". Cette clause sera le grain de sable dans le moteur du SWE de Norland Suzor. Selon nos recoupements, elle aurait provoqué une certaine réti­cence des agences de finance­ment que l'homme d'affaires avait sollicitées pour réaliser le montage financier de son pro­jet. C'est ainsi que selon la ver­sion de Koomarsing Dawoonauth , le 29 août 2000, alors que la campagne électorale battait son plein, les promo­teurs de SWE auraient sollicité le ministre des Finances d'alors, le Dr Vasant Bunwaree, et le secrétaire financier Philippe Ong Seng, afin que la dernière clause soit enlevée de la lettre du 4 août.

Toujours selon la version de Koomarsing Dawonauth, le secrétaire financier d'alors lui aurait demandé d'émettre une nouvelle lettre sans la clause qui gênait tant les démarches des promoteurs.

"CE SONT DES DIRECTIVES"

Le comptable, selon ses dires, aurait émis des réserves face à une telle directive. "Vous n'avez rien à craindre. Ce sont des directives. Le min­istre et moi-même nous allons l'approuver", aurait dit Philippe Ong Seng. C'est du moins la version de Koomarsing Dawoonauth.

Sur ce, il aurait officielle­ment consigné les directives de Philippe Ong Seng dans une "minute" que ce dernier aurait approuvée et signée. Toutefois, au lieu d'une lettre, le fonctionnaire devait en envoyer deux à SWE Fort Georges Sugar & Power Ltd. Les deux correspondances por­tent la même référence que celle du 4 août. L'une d'entre elles est en tout point sem­blable à celle du 4 août et fait référence à une lettre de Norland Suzor en date du 24 juillet 2000. Cependant, la quatrième clause n'y figure pas.

La deuxième lettre émise le même jour et portant la même référence, toujours signée par Koomansing Dawonauth, est en réponse à une lettre de Norland Suzor en date du 8 août 2000. Le Senior Financial Et Management Analyst du ministère des Finances est formel : l'ébauche du Project Implementation Agreement (PIA) est actuelle­ment à l'étude. Les facilités demandées par SWE ont des implications financières et légales importantes pour le gouvernement et tout accord entre le gouvernement et la compagnie SWE Fort Georges Sugar & Power Ltd sera sujet à l'approbation du gouverne­ment. "In view of the above, the proposed Project Imple­mentation Agreement between Government and SWE will be subject to Government approval".

Au ministère des Finances, l'on explique que le fonction­naire avait émis la deuxième lettre afin justement de protéger les intérêts de l'Etat con­tre une éventuelle réclamation sur la base de la deuxième let­tre qui omettait la clause con­cernant l'aval du gouverne­ment.

"La nouvelle lettre exigée par les promoteurs de la raf­finerie et la centrale ther­mique devait seulement être utilisée pour faciliter la réalisa­tion du montage financier auprès des agences étrangères. Il appartiendra maintenant à la police de décider à la lumière de leur enquête si les promoteurs et ceux qui avaient donné les directives à Koomarsing Dawoonauth n'ont pas commis des infractions au code pénal", nous a déclaré une source au ministère des Finances.

Dans les milieux proches de Norland Suzor, l'on récuse une quelconque entente délic­tueuse. "Il est peut-être vrai que cette clause a été enlevée pour faciliter la compagnie de Norland Suzor à convaincre les financiers, mais qu'est-ce que cela implique réellement ? Est- ce que le Dr Vasant Bunwaree aurait pu passer outre le con­seil des ministres pour avaliser personnellement un projet de cette envergure ? Cette clause vient simplement dire que l'ac­cord entre le gouvernement et la SWE se ferait seulement si le gouvernement était d'accord. Cela va de soi", affirme-t-on dans les milieux proches de Norland Suzor.

Dans ces mêmes milieux, on soutient que la clause impli­quant une garantie par le gou­vernement mauricien, telle qu'elle a été consentie pour le projet de centrale thermique et d'une raffinerie de sucre à travers le consortium SWE Fort George Sugar and Power Ltd, n'est pas unique. On cite la réponse du CEB à une question des soumissionnaires pour le projet de centrale thermique. A la question : "Will the Government of Mauritius guarantee CEB's obligation under the PPA ?", la réponse est : "The Ministry of Public utilities has informed the CEB that the Government of Mauritius has agreed, in principle, to guarantee CEB's obligations under the proposed Power Purchase Agreement (PPA). The Ministry of Public Utilities has further advised that the Governement's approval would have to be sought when the CEB's actual payment obligations in the final PPA are determined.''

Pour leur part, les proches de l'ancien ministre des Finances, le Dr Vasant Bunwaree, parlent d'une "manœuvre politique initiée pour embarrasser" ce dernier. Selon ces sources, l'actuel gouvernement était au courant de tout ce que contenait ce dossier depuis son arrivée au pouvoir en 2000. Elles trouvent "bizarre" que le dossier ait dormi dans les tiroirs durant quatre ans pour faire surface après que Norland Suzor eut contesté le choix du Central Electricity Board (CEB).

Selon un membre du conseil d'administration du CEB, c'est effectivement l'affidavit de Norland Suzor qui a tout déclenché. "En effet, c'est en consultant le dossier officiel que les hommes de loi chargés de défendre le ministère des Finances ont découvert la supercherie organisée dans le but de tromper des agences de financement", nous a-t-il déclaré.









09 June 2003

Eclairage sur les contrats du CEB

Jean-Mée Desveaux répond aux interrogations du syndicaliste Jack Bizlall concernant l'octroi du contrat pour la nouvelle centrale thermique.

L’express du 9 juin 2003
D'ici 2010, sept autres centrales thermiques, comme celle de Fort George (photo) devraient être construites.


Je reprends les soucis de Jack Bizlall sous forme de questions:

• L'industrie sucrière a-t-elle un rôle à jouer dans la production de l'électricité à Maurice ?

Nous avons établi précédemment qu'en ce qui concerne les producteurs privés d'électricité, le Central Electricity Board (CEB) s'est évertué, depuis presque trois ans, à tout faire pour obtenir le meilleur prix possible des Independent Power Producers (IPP) et des Continuous Power Producers (CPP). Nous pensions que notre interlocuteur partageait cet objectif. Mais, il devient clair que le meilleur prix n'est pas un critère satisfaisant pour Jack Bizlall. Il cite son opus magnum et réitère que ce qui le gêne au sujet de l'accord avec les IPPs c'est que "the CEB consumers are financing the sugar sector and contributing to the enrichment of the sugar magnates".

Pour suivre la logique de cette assertion, on doit comprendre le lien synergique entre la centralisation de l'industrie sucrière (IS) et la production d'énergie. La pression du prix mondial du sucre force l'IS à consolider ses moyens de production. Le prix préférentiel que nous recevons des Européens est plus que le double du prix mondial qui nous guette dans un avenir pas trop lointain. Donc la centralisation est inévitable pour la survie de l'IS. Elle repose elle-même sur la production de l'énergie.

Le Sugar Sector Strategy Plan (SSSP) le dit clairement : "Some 50% of the investments in a factory are linked to the boiler and turbo alternator. In the context of power generation, the investment costs for these equipments are amortised via the power purchase agreement. Consequently, the sugar factory obtains for free, steam and electricity required for efficient operation, in return, the power plant obtains bagasse for free."

A partir de là, nous faisons quelques constats : L'industrie sucrière emploie près de 15 000 personnes. Avec toutes ses composantes, elle représente 5,3 % du Produit intérieur brut (PIB) mauricien et fait entrer entre huit et neuf milliards de roupies par an en devises. Des accords mutuellement avantageux peuvent être obtenus entre l'industrie sucrière et le CEB pour la production de l'énergie électrique.

Mais, nous fait ressortir Jack Bizlall, si vous adoptez une telle stratégie, vous m'ôtez toute possibilité de voir réaliser mon rêve le plus cher : celui de mettre tous les magnats de l'industrie sucrière sur la paille ! Qu'importe les facteurs susmentionnés. Empêcher un milliardaire de s'appauvrir ; pire, lui permettre de s'enrichir n'a aucune excuse même si le résultat final est l'enrichissement global de l'économie. C'est là où la réflexion de l'idéologue et celui de l'économiste divergent fondamentalement.

Pour ce dernier qui n'attend pas à ce que l'industrie sucrière fasse preuve d'altruisme, il s'agit seulement de s'assurer que le deal soit effectivement mutuellement avantageux.

Je plaide donc coupable quand Jack Bizlall accuse : "Jean-Mée Desveaux ignore délibérément l'élément idéologique et s'attache uniquement aux aspects économiques." Comme il est friand de saints, je lui citerai saint Paul : "Quand j'étais enfant je raisonnai comme un enfant, mais maintenant que je suis un homme, je raisonne comme un homme."

 Pourquoi le CEB a-t-il été "exclu de l'appel d'offres"?

La réponse précédente pourrait laisser croire que le CEB est parfaitement capable de subvenir à ses besoins d'unités de production et qu'il fait une fleur à l'industrie sucrière en la laissant développer des centrales à sa place. La réalité est tout autre. Le vrai win-win provient du fait qu'alors même que la production de l'électricité par l'industrie sucrière lui permet de se refaire une santé, cela se passe au moment même où le CEB est acculé financièrement.

Une centrale coûte environ Rs 1,5 milliard, c'est-à-dire plus que le prix de la Cyber Tower et de son infrastructure. Après la centrale qui se discute en ce moment et qui sera prête en 2005, il faudra au CEB deux unités en 2006 et une chaque année jusqu'en 2010. Cela fait Rs 10,5 milliards qui dépasse le coût du métro léger.

Le CEB peut-il se permettre une telle dépense ? La question fut posée à Jack Bizlall à la radio, me dit-on, et il a répondu que cet argent peut être trouvé. Il a, semble-t-il, postulé l'existence de bailleurs de fonds qui seraient prêts à prêter de l'argent au CEB pour la construction de nouvelles centrales électriques. Comme il ne peut comprendre le rôle pourtant évident de ceux qui veulent assainir le CEB et demande leur départ, je lui promets ceci. Le jour où Jack Bizlall apporte au CEB un bailleur de fonds sérieux (BEI, KFW, AFD, BAD, BADEA, Kuwait Fund, OPEC Fund, DBSA, CHINA Exim, INdia EXim, etc.) qui s'engage formellement à lui prêter de l'argent pour la construction d'une seule des sept centrales électriques qu'il nous faut jusqu'à 2010, je lui promets de lui présenter mes excuses et de ne plus jamais m'occuper de ce dossier.

Arrête rêver Kamarad ! Le dernier Annual Report lui apprendra que sur des dettes de Rs 989 millions que devait le CEB au gouvernement, des instalments de Rs 198,5 millions étaient dus en 2001 que le CEB n'a pu honorer. A la fin de 2001, la dette totale du CEB s'élevait à Rs 5,6 milliards dont Rs 4,3 milliards en generation assets. Le repaiement de cette dette en 2001 s'élevait à Rs 838 m. L'état de la situation qui s'était amélioré cette année replonge à Rs 810 millions de déficit l'année prochaine pour atteindre, une nouvelle fois, un déficit de Rs 1,5 milliard en 2006. Quand vous avez un secteur privé, qui se trouve dans une situation cornélienne où il est de son intérêt de vous éviter de nouveaux investissements, il ne reste, à tout homme sensé, qu'un seul souci, celui de s'assurer que the price is right. D'où notre brief au CEB.

Comme le réalisme économique de Jack Bizlall le pousse à vouloir payer les investissements du CEB des deniers publics plutôt que de permettre à l'industrie sucrière de reprendre son souffle en investissant dans ces centrales, je le référerai à un principe qu'il ne rencontrera pas dans l'analyse du capitalisme de Paul Sweezy ; c'est une petite perle qui pourrait changer le cours de sa réflexion économique et qui s'intitule l'opportunity cost.

Le gouvernement pourrait effectivement emprunter ces Rs 10,5 milliards qui viendraient ainsi s'ajouter à notre sovereign debt. Le debt servicing n’est que de Rs 8,4 milliards annuellement, ce qui représente le quart du Government recurrent expenditure. Cela veut dire que le quart de chaque roupie que dépense le gouvernement dans son budget récurrent va au repaiement de la dette. C'est donc 25 sous de chaque roupie que nous enlevons en termes de médecins de nos hôpitaux, de professeurs de nos écoles, de maisons de vieux, de Information Technology Training etc. Quand notre interlocuteur répond de façon péremptoire : "Casse éna !" c'est à cet argent-là qu'il se réfère. La question essentielle à laquelle Jack Bizlall se doit de répondre est celle-ci : "Jusqu'où êtes-vous disposé de grever la roupie des dépenses gouvernementales pour assouvir votre passion idéologique ?" Une nouvelle école coûte environ Rs 75 m. Un hôpital nous coûte environ un million par lit. Le petit pactole que vous voulez faire dépenser au gouvernement à la place du privé équivaut donc à 140 nouvelles écoles ou à 10 500 lits ; six Midlands Dams ou tout un métro léger avec Rs 3,5 milliards de small change. Opportunity cost, mon cher Jack !

• Les contrats sont-ils sacro-saints et doivent-ils être rendus publics ?

En ce qui concerne les contrats déjà négociés, il est clair que Jack Bizlall est prêt à faire de Maurice une république bananière en remettant en cause des contrats en bonne et due forme. C'est un choix de société que je lui accorde.

La nouvelle équipe au CEB ne peut divulguer la teneur des contrats du passé là où la loi ne le permet pas. Conspiracy theory mis à part, il y a des clauses commerciales qui sous-entendent tout contrat de ce genre. Les investisseurs ne sont pas intéressés à ce que ces informations tombent entre les mains de leurs concurrents. Les Power Purchase Agreements ne sont jamais au grand jamais publiés dans les pays développés pour ces raisons. Comme Jack Bizlall démontre un faible pour le candidat malheureux, peut-on lui rappeler que c'est dans cette même logique commerciale que le CEB a refusé d'accéder à la requête de la Société usinière du Sud (SUDS) qui avait officiellement demandé que soit divulguée l'offre financière de son concurrent.

Cela dit, les clauses de confidentialité ayant effectivement l'effet de donner un halo conspirateur à une démarche commerciale, je conçois très bien que le Board du CEB demande au Auditor General de parcourir ce document en vue de faire un résumé des points saillants pour le Conseil des ministres, ce qui n'a jamais été fait jusqu'ici.

• Y a-t-il eu appel d'offres ? Les candidats ont-ils été traités avec « fairness » ? Si oui, pourquoi permettre l'usage de vieilles chaudières ?

Les termes Request for Proposal (RFP) et appel d'offres sont pratiquement interchangeables dans la mesure où tous deux sont des moyens de faire du public procurement. Alors que l'appel d'offres se cantonne généralement au marché de biens, le processus d'achat d'électricité se pratique à travers un RFP. Si Jack Bizlall nie cela, il nie l'évidence.

Il y avait parmi ceux qui se sont penchés sur le modus operandi de ce RFP, deux camps bien tranchés. Un groupe au sein du Steering Committee (SC) était tout bonnement en faveur de l'octroi du contrat à SWE (projet Suzor). Je suis on record pour avoir opposé cette manoeuvre pour les raisons qu'on a pu lire durant l'interview. Je ne voyais pas en quoi le consommateur mauricien serait mieux loti à faire du grés à grés avec Monsieur Suzor qu'il n'était à le faire avec les barons du sucre. Sans concurrence, l'un comme l'autre nous aurait coûté la peau des fesses. Je penchais vers l'autre extrême, celui de permettre à toutes les parties intéressées (locales et internationales) à participer au RFP. Le Chairman du SC a consulté le gouvernement en vue de préciser les attributions de ce comité à cet égard et il a été informé qu'en raison du facteur temps, il était préférable de s'arrêter aux trois candidats qui jusqu'ici, sous une forme ou une autre, avaient montré de l'intérêt pour un tel projet. Cette compétition restera une première dans nos annales pour l'energy procurement.

Mais Jack Bizlall ne cesse de me surprendre. "Les dés étaient pipés" dit-il "parce qu'on a permis à St-Aubin d'utiliser des équipements de seconde main". Voyons cette argumentation. Admettre des critères au sein du RFP qui annuleraient automatiquement l'un ou l'autre des candidats relèverait tout simplement d'une volonté scélérate de court-circuiter le processus de compétition. Ainsi, une soudaine passion pour la bagasse exclurait le SWE d'office; si certains avaient voulu descendre ce candidat, c'est à ce niveau que ce sombre dessein se serait révélé. Les notes of meetings sont là pour démontrer que ce ne fut jamais le cas. Par contre, c'est là que certains malins ont concocté le besoin de ne voir en lice que des équipements neufs pour des raisons évidentes. Tout le monde savait depuis des années que l'Union St-Aubin avait acheté une chaudière d'occasion. C'est cette même chaudière qui allait être utilisée quand la SSSP note en 2000 qu'une des prochaines centrales serait celle de St-Aubin. Beau-Champ avait aussi fait le choix d'équipements d'occasion achetés de la Réunion. Forcer St-Aubin à acheter une chaudière neuve aurait été, de facto, le forcer à majorer le prix auquel il offrirait son électricité au CEB. Etait-ce là le but du CEB qui n'achetait ni chaudière ni centrale et qui ne voulait, en fin de compte, obtenir qu'une seule chose : le meilleur prix de l'électricité pour le consommateur. C'est Jack Bizlall, le pourfendeur des magouilleurs, qui vient dire aujourd'hui qu'on aurait dû tomber dans cette magouille pour rendre la vie facile au candidat que certains avaient déjà choisi et qui allait, la preuve en est faite, faire le consommateur payer plus cher son électricité. Jack Bizlall est tout triste aujourd'hui qu'une chaudière de seconde main offrira un des prix de fonctionnement les plus compétitifs de notre grid ! On aura tout vu.

J'avais posé une question à Jack Bizlall dans mon interview. Il l'a esquivée. La morale de l'histoire serait-elle que St Jack n'était qu'un leurre. En tant que citoyen d'un pays étouffant sous le poids de la corruption, j'avais mis beaucoup d'espoir dans cet homme. Si le sel s'affadit, avec quoi le salera-t-on?

•Le document d'appel d'offres n'accorde-t-il aucune valeur à la bagasse ?

Le document est catégorique : Il offre 16 sous par kWh pour la bagasse en accord avec la politique gouvernementale. Rien de change donc de ce côté, le RFP n'a nullement enlevé la bagasse transfer price de l'agriculteur. Le grief des IPP est qu’il ne suffit pas de payer l’agriculteur. Un paiement devrait être fait, selon eux, à la centrale pour brûler cette bagasse qui ne lui coûte rien. Puisque nous voulons aérer ce débat, il s'agit de comprendre ce qui se passe. Je le disais lors de l'interview et le répète. Une bagasse qui est déposée devant la porte de la Centrale thermique et qui n'a aucune autre vocation que d'ensevelir sa centrale ne devrait pas être remunerée. Son economy cost est alors zéro alors que son financial cost est les Rs 0,16 que le CEB paye aux planteurs. L'actionnaire de la centrale ne peut être à ce point anti-patriotique de préférer brûler le charbon pour lequel le CEB doit lui payer un pass through cost plutôt que de brûler une bagasse gratuite qui permet au CEB d'économiser sur l'utilisation du charbon. Ceci est clair.

Là où les choses se compliquent c'est que rien n'est statique dans la vie. Au fur et à mesure que la centralisation se poursuit, il y aura de moins en moins de bagasse qu'on voudrait jeter au-delà des brisants. Un jour arrivera où pour construire une nouvelle centrale IPP bagasse charbon (roulant toute l'année avec la bagasse en coupe et le charbon en entrecoupe) il faudra se servir de la bagasse utilisée par les Continuous PowerProducers (CPP) qui ne produisent qu'à partir de la bagasse en coupe). Il est évident qu'aucun agent économique rationnel ne fermera une centrale CPP où la bagasse est payée le fameux Rs 1,32/kWh pour alimenter un IPP où il n'est pas payé un sou sur cette même bagasse.

Contradictions ? Pas du tout. La bagasse qui avait jusque-là un economic cost de zéro acquiert avec cette pénurie une valeur économique de Rs 1,32. Elle a dorénavant une utilité alternative dans les centrales CPP et il faudra donc se pencher sur son financial cost qui ne peut plus rester à Re 0,16/kWh.

La question est de savoir quand nous serons à ce stade où toute nouvelle centrale bagasse charbon devra automatiquement amener à la fermeture d'une CPP donc à un manque à gagner de Rs 20 millions annuellement pour la compagnie en question. Ici les intérêts divergent ; il est de l'intérêt de l'IS de nous dire qu'on y est déjà alors que le CEB gagnerait à dire le contraire. Il est heureux que cette question peut être répondue de façon fiable par la Sugar Authority.

Quel prix donner à cette bagasse à ce moment-là ? Il ne faut pas revenir au fameux "avoided cost principle" qui a, dans le passé, mené à jauger la bagasse avec l'aune de l'huile lourde. Cet excès avait, on se rappelle, poussé le prix des CPP à Rsl,68 kWh. Jauger la bagasse avec le "avoided coal cost" pourrait mener au même excès. La solution à ce problème est simple.

Laisser le marché trouver un equilibrium price pour la bagasse. Seule la compétition entre les sucriers pour les prochaines centrales permettra de baisser au minimum la prétention du prix de la bagasse. Entre Re 0,16 kWh et Rs 1,32 KWh, il y a toute une palette de prix que seul le marché devrait déterminer.

Comme c'est le point final de ce débat en ce qui me concerne, il serait intéressant de faire ressortir que ce n'est pas très ingénu de la part de SUDS de faire appel au principe de zero bagasse value pour motiver son choix de charbon pour la nouvelle centrale. Ce choix technique qui était tout à fait légitime dans le contexte du RFP, provenait du fait que la chaudière existante ne pouvait tout simplement pas assurer au CEB les 30 MW minimaux en produisant l'électricité de la bagasse durant la coupe. Dire le contraire c'est vouloir précipiter la conclusion du débat au sujet du prix de la bagasse.