JM et les chefs coutumiers de la République démocratique du Congo

07 December 2008

Chances… inégales au CEB

Assemblée nationale
Le Week-End

Il a été beaucoup question de chances égales, mardi dernier, à l'Assemblée nationale, d'abord, durant la tranche dévolue à la Private Notice Question du leader de l'opposition qui était consacrée à la nomination de Chavan Dabeedin à la direction du Central Electricity Board alors qu'il n'est que septième dans la hiérarchie et, ensuite, lors des débats sur l'Equal Opportunity Bill lorsque, mis en présence des documents qu'il a demandé et qui ont déposés par le Dr Rashid Beebejaun, Paul Bérenger est venu révéler que c'est sur proposition du président du CEB, Patrick Assirvaden que le nouveau directeur a été nommé le 20 novembre, après avoir indiqué avoir tout simplement reçu une lettre de l'intéressé. Un cas flagrant de chances inégales…

Voici les extraits y relatifs des procès verbaux de la réunion du conseil d'administration du CEB du 20 novembre dernier: "The Chairman further informed Board members that a letter has been adressed to his person by Mr. C. Dabeedin showing interests in the post of General Manager". Et sans discussion aucune sur le procédé, le conseil d'administration devait aussi prendre connaissance de la lettre de M. Dabeedin à Patrick Assirvaden et de sa carrière de 16 ans au CEB. C'est juste après que le président devait formellement proposer la nomination de M. Dabeedin, laquelle a été acceptée.

Le nouveau directeur qui remplace l'ancien Financial Secretary, Krishna Guptar, aura droit aux même conditions de service que son prédécesseur, un salaire de Rs 100 000 par mois, une prime annuelle de 25%, une "entertainment allowance" de Rs 7 000 par mois, deux billets d'avions en classe affaires sur le trajet Maurice/Londres/Maurice, une couverture médicale mensuelle de Rs 2 500, une allocation de transport de Rs 8 350 par mois et une voiture de 2 200 cc. Tous ces détails ont été fournis suite à la PNQ du leader de l'opposition.

C'est alors qu'il parlait de "viol permanent de la méritocratie, la politique des petits copains et de la politisation à outrance des institutions" lors de la conclusion de son intervention sur l'Equal Opportunity Bill que Paul Bérenger a évoqué les conditions de la nomination du nouveau directeur du CEB. C'est contraire au principe même de chances égales et ce n'est pas équitable du tout, a-t-il dit. Ce point avait également été martelé plus tôt lors de la PNQ, le leader de l'opposition soulignant que, dans ce cas de nomination interne, la possibilité de postuler aurait dû être donnée à d'autres plus qualifiés et comptant plus de temps de service. Le vice-Premier ministre et ministre des Infrastructures Publiques avait lui- même reconnu qu'il y a pas moins de six cadres qui étaient les "senior most" dont Gérard Hébrard, l'actuel directeur adjoint qui compte 42 ans de service au CEB.

Expulsion d'Ajay Gunness

Pour justifier la nomination de Chavan Dabeedin, Rashid Beebeejaun était aussi longuement revenu auparavant sur la nomination des directeurs canadiens du CEB et d'un externe, Ravin Dajee, sous le précédent gouvernement MSM/MMM avec des salaires plus élevés que M. Dabeedin auquel il a attribué un "impressive record" en 16 ans de service au CEB, tandis que le leader de l'opposition a insisté sur son argument à l'effet que la désignation ayant été faite de manière interne, la chance aurait dû être donnée à tous les cadres qualifiés et avec l'expérience requise pour postuler.

La PNQ s'est déroulée dans une ambiance électrique, des accrochages opposant Rajesh Bhagwan au Premier ministre, le député du MMM accusant le gouvernement d'avoir récompensé le nouveau directeur "ki fine travaille pour l'Alliance sociale dans Quatre-Bornes". La tension devait monter d'un cran lorsque Nita Deerpalsing adressera une question au Dr Rashid Beebeejaun sur Jean Mée Desveaux. Levée de boucliers des rangs du MMM, avec des élus de la rangée partant d'Ajay Gunness à Rajesh Bhagwan, en passant par Françoise Labelle et Jean-Claude Barbier, lançant "raciste, to malade toi".

Le Speaker est intervenu pour demander à Ajay Gunness de retirer le mot "raciste" mais ce dernier, après consultations avec le leader de l'opposition devait sèchement dire : "I maintain". Kailash Purryag l'a alors invité à se retirer de l'hémicycle, ce qu'il fit. Toujours est-il que cet incident devait susciter son lot de commentaires, Paul Bérenger soutenant que les travaux se sont déroulés sans anicroche lors de précédentes séances et en l'absence de la députée de Quatre-Bornes. "Ti ploré, ti vine rode ticket ar nou, li ti pé zoure toi, kan pa gagné, ine allé dan PTr", devait lancer un Jayen Cuttaree visiblement exaspéré par la conduite de Nita Deerpalsing.

15 September 2008

Goodbye Bert. Welcome narco paradise !

l'express du 15/09/2008

Par Jean-Mée DESVEAUX

Bert Cunningham (à g.), ancien directeur des douanes, avec son avocat Me Herve Duval au quartier général de la police. Il aurait fait perdre des milliards aux malfrats de tout acabit.

Cette note est rédigée de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC), ancien Congo belge, où je travaille depuis deux ans. La RDC est un pays grand comme l’Europe de l’Ouest et elle contient un des sous-sols les plus riches du globe. C’est pourtant ici que naissent et meurent des milliers d’enfants dans la rue, et c’est ici où 60 millions d’êtres vivent dans une indigence si pathétique qu’ils semblent n’avoir conservé de leur condition humaine que l’enveloppe extérieure. La cause de ce paradoxe est palpable dans tous les recoins de la vie en RDC : les Congolais ont cru pendant 45 ans que la corruption, le tribalisme et le népotisme que pratiquaient leurs gouvernants allaient leur profiter individuellement en leur donnant un avantage stratégique sur les autres. Ils n’avaient pas réalisé que ce mode de gouvernance allait, au contraire, les condamner à l’enfer qu’ils vivent aujourd’hui collectivement.


Inversion des valeurs morales

C’est d’ici donc que j’ai appris que le secrétaire du Parti travailliste a traité de «batchiara» l’homme qui a eu le courage de relever l’immense défi que pose la douane mauricienne à un Etat de droit. C’est d’ici que j’ai suivi le harcèlement de Bert Cunningham par l’appareil d’Etat alors même qu’il a fait perdre des milliards aux malfrats de tout acabit pendant ses six ans à la tête de la douane. Et c’est d’ici que j’ai constaté que l’inversion des valeurs morales a atteint son niveau culminant à Maurice : le contrat de Bert Cunningham est résilié pour insubordination et incapacité de se soumettre aux provisions légales alors que la meute de douaniers pris la main dans le sac à détrousser l’Etat vaquent sereinement à leurs occupations. L’île Maurice a moralement atteint le nadir de la tragédie shakespearienne : Chez nous «fair is foul and foul is fair».


«C’est un fait hautement
révélateur de la trempe d’hommes
dont s’entoure l’actuel
Premier ministre
que pas un seul d’entre
eux n’ait eu la force de
caractère nécessaire
de défendre
un expatrié au service
du peuple mauricien.»



Le ministre de l’Agriculture, l’honorable Arvin Boolell a récemment rappelé que Bert Cunningham était proche du conseiller spécial de Paul Bérenger que j’étais. Il aurait pu avoir fait le même rapprochement avec d’autres experts étrangers de haut niveau tels que Donna LeClair (CEB), Philippe Cash (AML), Bill Duff (Prisons) pour ne mentionner que ceux-là. Il est un fait connu que pour permettre à ces professionnels d’optimiser leurs compétences au service du pays, je les défendais contre la mesquinerie des petits esprits à qui ils faisaient de l’ombre au sein de leur spécialisation. C’est un fait hautement révélateur de la trempe d’hommes dont s’entoure l’actuel Premier ministre que pas un seul d’entre eux n’ait eu la force de caractère nécessaire de défendre un expatrié au service du peuple mauricien.


Recrutement de Cunningham

Une histoire des institutions mauriciennes retiendra peut-être un jour la relation dont faisait allusion Arvin Boolell entre Cunningham et le conseiller du Premier ministre Bérenger. Elle se résume ainsi : A la première réunion de Paul Bérenger avec son staff du ministère des Finances en 2000, le vice Premier ministre (VPM) distribua à ses collaborateurs une gamme de dossiers pressants pour analyse et conseil. Le sort a voulu que personne d’autre n’ayant montré d’intérêt pour le dossier de la douane, j’allais me porter candidat pour ce travail. La tâche allait être aisée car depuis PriceWaterhouseCoopers jusqu’à DCDM, toutes les études s’accordaient sur le besoin d’une réforme en profondeur de la douane mauricienne. Tous ces consultants s’accordaient également sur le fait qu’il n’y avait personne au sein du département de la Douane à pouvoir mener à bien ces réformes essentielles. Ce message passé, le secrétaire financier Ong Seng fut instruit par le VPM de mener une campagne de recrutement aux niveaux national et international qui allait déboucher sur l‘embauche de Bert Cunningham.



«Le hic était que le ‘dead wood’
ainsi que les ‘rotten eggs’
qui faisaient Cunningham dire
qu’il était à la tête de
la douane la plus corrompue
au monde, étaient protégés
par les conditions du service civil.»



Premiers ennuis pour Cunningham

Les malheurs du Canadien n’allaient pas tarder à s’abattre sur lui. M. Bissessur, contrôleur par intérim depuis un certain temps déjà, allait tenter de revendiquer des droits qu’il considérait lésés, en menant un «legal challenge» au recrutement d’un étranger à la tête de la douane. Cette démarche n’ayant pas abouti, le syndicat des douaniers, qui dès le départ épousa la cause du numéro deux de la douane, déclencha une grève illégale pour coïncider avec l’atterrissage de l’avion de Cunningham à Plaisance.

Après plus de deux ans à la tâche, bien que réussissant à colmater les brèches énormes qui existaient jusque-là dans les recettes douanières du pays, il devenait évident que Cunningham n’allait pas pouvoir mener à bien sa mission de réformer le Customs Department dans les conditions administratives qui prévalaient alors au sein du département. Le hic était que le «dead wood» ainsi que les «rotten eggs» qui faisaient Cunningham dire qu’il était à la tête de la douane la plus corrompue au monde, étaient protégés par les conditions du service civil. Pour échapper à ces contraintes archaïques et repositionner la douane sur une base saine, moderne, transparente et où prévaudrait enfin le principe de l’«accountability», il n’y avait qu’une solution possible : l’institution d’une Mauritius Revenue Authority. La MRA engloberait naturellement non seulement la douane mais aussi tous les autres bureaux du fisc tels le VAT, l’Income Tax, etc au sein d’une organisation où la flexibilité et l’efficience du secteur privé primeraient. Le principe fondamental de cette institution allait être : «ability to hire and fire», de recruter les meilleurs talents et de résilier le contrat des employés non performants ou corrompus.


La bataille de la MRA

Allait alors commencer la rude bataille de la Mauritius Revenue Authority (MRA). Le conseil d’administration de la MRA allait être constitué vers fin 2004 sous la présidence de Madame Hanoomangee, une PS proche de Pravind Jugnauth, alors VPM. Le Solicitor general, représentant le State Law Office, beau-frère de Monsieur Bissessur, numéro deux de la douane, ainsi que le conseiller du PM Bérenger étaient membres de ce board. Les autres membres furent choisis sur le volet avec le brin de fonctionnaires assez bien placés pour prétendre aux Rs 35 000 par mois que représentait le jeton de présence de cette instance. La première tâche du board était de recruter le directeur de la MRA parmi les nombreux candidats qui avaient postulé, dont Bert Cunningham et le chef d’Interpol. Les qualités intrinsèques et le track record de «leadership for change» de ces deux hommes faisaient que s’ils passaient l’obstacle des qualifications académiques et expérience, l’un d’eux aurait été automatiquement choisi pour la position de directeur général. Ce DG aurait eu alors la personnalité et l’expérience nécessaires à pousser la réforme de la douane jusqu'à sa conclusion logique d’un assainissement des ressources humaines de la douane de haut en bas. L’histoire doit retenir qu’aucun de ces deux hommes ne fut nommé en raison des objections des deux membres les plus puissants du board : Cunningham et le chef d’Interpol n’avaient pas selon eux les qualifications ou l’expérience requises.


Démission du Conseiller du PM

La scène de la présidence du board de la MRA, flanqué du chef du SLO, en conflit ouvert avec le conseiller spécial du Premier ministre à la veille des élections était de la dynamite politique. Ayant en vain insisté que les critères étaient pervertis pour faire le jeu du syndicat et du numéro deux de la douane, n’ayant reçu aucun support, refusant de cautionner l’adultération grossière d’un recrutement sur lequel dépendait l’avenir du pays, je soumis ma démission au Premier ministre. Le reste est connu….

La MRA hérita d’un DG rêvé en ce qui concerne le syndicat des douanes. J’avais lancé un S.O.S. aux Mauriciens dans une interview à l’express en 2005. J’avais correctement anticipé la tournure qu’allaient prendre les choses : le tri qui devait se faire en vue d’enlever les éléments indésirables de la douane avant qu’ils ne soient recrutés au sein de la nouvelle MRA fut relégué aux oubliettes. Tous eurent la hausse salariale du nouveau système sans que personne toutefois ne subisse les inconvénients d’une plus grande rigueur. En d’autres mots, la tâche pénible de trier le bon grain de l’ivraie, toujours en foison au sein de la nouvelle douane, allait échoir à nul autre que Bert Cunningham, celui-là même qui a finalement été relevé de ses fonctions pour incapacité de travailler sereinement avec ses pairs au sein d’une douane bien à la mauricienne. Fait étrange que dans un Etat de droit comme le nôtre, personne jusqu’ici n’a pu questionner le lien de parenté qui veut que l’adversaire le plus acharné de Bert Cunningham au sein de la MRA fut le beau-frère du numéro deux de la douane, celui-là même que le contrôleur des douanes Cunningham jugeait indigne de ce poste et dont il voulait à tout prix se débarrasser. Cet état de choses ne peut que donner de la crédibilité aux pires critiques qui n’aient jamais été proférées des institutions de notre pays par un homme respectable et internationalement respecté.

Mais devant l’indifférence de la population mauricienne face à la résiliation du contrat de Bert Cunningham, le gouvernement en place a déduit que : “Qui ne dit mot consent.’’ Bien que pernicieuse, la logique du gouvernement est impeccable car c’est en fait avec un consentement effarant que les habitants d’un des pays les plus ravagés par la drogue au monde ont cautionné les sanctions à l’encontre du dernier rempart contre ce fléau qui afflige les enfants de toutes nos communautés. Pas une seule mère du pays n’a trouvé bon de venir implorer le gouvernement de retenir le seul homme qui avait la volonté et la capacité de se battre contre la porosité meurtrière de nos frontières. A l’instar de son gouvernement, on pourra aussi dire de Maurice, dorénavant, qu’elle a les frontières poreuses qu’elle mérite.

24 August 2008

Rapport du Fact Find Committee sur BPML: Le Speaker y fait annexer le jugement de la Cour


Le Week-End

Après avoir été sollicité par le leader de l'opposition, le 12 août dernier, le Speaker a, dans une déclaration à la Chambre, mardi, annoncé avoir ordonné qu'un copie du jugement de la Cour suprême du 25 juillet 2008, soit annexée au rapport du Fact Finding Committee sur Business Parks of Mauritius Ltd, déposé par Etienne Sinatambou le 31 octobre 2006. Ce jugement, a dit Kailash Purryag, devra être considéré comme partie intégrante du rapport.

Ce jugement avait statué que les passages incriminant Pravind Juganuth, Jean Mée Desveaux et le coupe Saha doivent être retirés du rapport.

22 August 2008

Cunningham accusé d’être l’agent du MMM

l'express du 22/08/2008

Arvin Boolell, un des dirigeants du Parti travailliste (PTr) a accusé le Mouvement militant mauricien (MMM) d’être derrière les accusations de corruption de Bert Cunningham, ancien directeur des douanes. Il estime que cela fait partie d’une campagne «bien orchestrée» des mauves pour déstabiliser le pays.

Il a rappelé la proximité de Cunningham avec l’ancien conseiller de Paul Bérenger, Jean Mée Desveaux de même que l’épisode Sheik Hossen. C’était hier soir lors d’une réunion du PTr à Curepipe.

Arvin Boolell a rappelé qu’en Grande Bretagne, quand Mohamed Al Fayed avait fait des allégations contre la famille royale, «il y a eu des sanctions.» «Ici, une personne recrutée par la Mauritius Revenue Authority, qui fait preuve d’insubordination, vient parler de fraude sans pouvoir le prouver, attaque toutes les institutions du pays, poussant même le chef juge et le Directeur des poursuites publiques à réagir...»

Arvin Boolell a rappelé : «Dans le passé, Navin Ramgoolam a sanctionné des coupables de corruption mais on ne peut pas procéder par hearsay, par palabres et à ce stade, c’est tout ce qu’il y a.»

Deva Virahsawmy et James Burty David ont été beaucoup plus virulents dans leurs propos contre Bérenger et Cunningham. «Pa enn bachiara etranze, pa kone kot sorti kinn vinn la pou fer enn konplo ki pou ebranl nou bann institisyon», a dit le secrétaire général du PTr. Ils estiment que Bert Cunningham doit être condamné parce qu’il essaye d’entacher ces institutions alors qu’il ne peut prouver ce qu’il avance. Une tactique à la Bérenger, disent-ils, en rappelant des épisodes où Bérenger aurait porté des accusations non fondées «pour déstabiliser le pays».

«Dir li al insilte institisyon dan lamerik ek gete si zot na pa fou sa dan kaso», a dit Deva Virahsawmy. Ont aussi pris la parole, Nita Deerpalsing, Sheila Bappoo, Indranee Seeburn et Monique Ohsan-Bellepeau.

28 July 2008

Le désaveu

l'express du 28/07/2008

Edito par Raj MEETARBHAN

Le gouvernement avait cru sortir un squelette du placard mais c’est au musée des affaires foireuses qu’il devra ranger le dossier BPML. La Cour suprême a en effet ordonné que des paragraphes entiers soient enlevés du rapport rédigé par un «Fact-Finding Committee» (FFC) sur cet organisme.

Le BPML a été créé en 2001 pour développer et gérer des parcs informatiques. Il a conçu et géré la première cybercité du pays à Ebène. Le 13 janvier 2006, le Conseil des ministres décide de mettre sur pied un comité pour faire la lumière sur ce qu’il estime être des pratiques de «mauvaise gestion» à BPML. Harris Balgobin, Raj Busgeeth et Bruno Dumazel sont nommés pour siéger au comité. Dès le début, la composition de cette instance est contestée par les partis d’opposition. Ils craignent une manipulation politique. En octobre 2006, les conclusions du FFC sont rendues publiques. Le gouvernement exulte : il parle de rapport «accablant» et menace d’intenter des poursuites.

Vendredi dernier, la Cour a accédé à la requête de quatre personnes incriminées dans le rapport du FFC et a ordonné que tous les passages les concernant soient biffés. La cause a été vite entendue puisque les représentants de l’Etat n’ont pas pris longtemps pour reconnaître la faute. Ils concèdent qu’il y a eu «denial of natural justice in this case in not allowing the parties to present their point of views». Séance tenante, le chef juge Bernard Sik Yuen et le «Senior Puisne Judge» Keshoe Parsad Matadeen ont ordonné que les remarques déraisonnables soient enlevées du rapport.

Ce verdict prompt et tranchant de la Cour suprême met fin à une saga qui sera retenue comme un exercice exemplaire de communication politique maladroite. Examen au Conseil des ministres, approche dramaturgique pour vendre l’événement, crises d’exubérance à l’annonce des conclusions du comité, quatre ministres alignés derrière une table donnant trois conférences de presse en une semaine pour célébrer le rapport… Tout était calculé pour donner une dimension de scandale à l’affaire. Le véritable scandale, on le sait aujourd’hui, c’est que dans sa précipitation le comité Balgobin n’a pas respecté les règles de justice naturelle.

On a du mal à comprendre les raisons pour lesquelles le comité n’a pas entendu les témoignages de Pravind Jugnauth, de Jean Mée Desveaux et du couple Tamas et Vijaya Saha alors qu’ils sont mis en cause dans le rapport. De plus, il faut tirer au clair les circonstances de la visite infructueuse du comité Balgobin en Inde. Ses trois membres s’y sont rendus en août 2006 pour écouter le premier «Managing Director» de BPML, Devendra Chaudry, mais n’ont jamais pu procéder à son audition !

Au vu de ce qui vient de se passer, on peut se demander s’il ne serait pas opportun de demander une enquête sur l’enquête du FFC.

26 July 2008

La Cour modifie le rapport Balgobin sur BPML

l'express du 26/07/2008

Le rapport de Harris Balgobin sur le Business Park of Mauritius (BPML) a été modifié par la Cour suprême. Pravind Jugnauth, ancien ministre des Finances, Jean Mée Desveaux, ancien conseiller spécial de Paul Bérenger, et le couple d’architectes Tamas et Vijaya Saha avaient réclamé une révision judiciaire du rapport. Ils soutenaient que certains commentaires de ce rapport leur étaient injustement préjudiciables. Le chef juge Bernard Sik Yuen et le Senior Puisne Judge Keshoe Parsad Mata-deen leur ont donné raison. Ils ont ordonné hier matin que les commentaires et les remarques jugés déraisonnables soient enlevés.

Un Fact-Finding Committee avait été institué par le gouvernement pour étudier les allégations de malversations et d’irrégularités chez BPML. Ce comité était présidé par Me Harris Balgobin et avait pour membres Raj Busgeeth et Bruno Dumazel.


Allegations

Dans son rapport, le comité avait noté qu’en 2005, soit quelques mois avant les élections, le gouvernement avait annoncé le développement des terrains de l’Etat à Rose-Belle.

Rs 135 millions ont été dépensées en travaux d’infrastructure pour le Rose-Belle Business Park sans étude de faisabilité préalable. Le rapport mentionnait que le projet BPML se situait dans la circonscription No 11, où Pravind Jugnauth était candidat.

La demande de révision judiciaire a été appelée hier. Me Gheereesa Topsy-Sonoo, Pricipal State Counsel, qui représentait le comité Balgobin, réclamait l’autorisation de la Cour pour se retirer de l’affaire, n’ayant reçu aucune instruction de la part de Me Harris Balgobin. Me Raymond D’Unienville, QC, et Me Ravind Chetty, s’y sont opposés.

Me Topsy-Sonoo a admis que le comité Balgobin avait eu tort de n’avoir pas appelé les quatre plaignants. Ces derniers auraient dû avoir la possibilité de donner leur version des faits suite aux allégations faites à leur encontre. La représentante du parquet a ajouté que cela constituait une infraction à la justice naturelle.

Me Mohamad Oozeer, qui représentait l’Attorney General, n’a pas objecté à ce que la demande des quatre plaignants soit agréée.

Dans son affidavit rédigé par Me Girish Nunkoo, avoué, Pravind Jugnauth soutient que les commentaires le concernant dans le rapport Balgobin sont de pures fabrications.

Il estime que les commentaires le concernant dans les paragraphes 51 à 57 sont faux et irrationnels. Il ajoute que le comité est allé au-delà de ses attributions («ultra vires»). Pravind Jugnauth soutient que les commentaires du rapport veulent faire accroire qu’il soutenait le projet BPML afin d’obtenir des votes.




Jean Mée Desveaux :

«Rien à faire avec la Cybercité»

Réagissant au jugement prononcé hier, Jean Mée Desveaux a fait le commentaire suivant : «C’est une gifle magistrale que la Cour suprême a assénée à ce gouvernement lâche et à sa chasse aux sorcières d’une très grande bassesse. Pendant cinq ans, j’ai défendu les intérêts du pays sur des dossiers très importants. Je n’ai rien eu à faire avec le projet de cybercité, et c’est pourtant là que ce gouvernement de jouisseurs tente de salir ce qu’un homme a de plus précieux : son intégrité.»

19 April 2008

Il l’a échappé belle

l'express du 19/4/2008

Une semaine avant le crash, un Mauricien a voyagé à bord du DC-9 qui s’est écrasé mardi dans la République démocratique du Congo. Jean Mée Desveaux avait voyagé par cet avion pour un déplacement à Mbandaka la capitale de la Province de l'Equateur la semaine dernière. Il travaille au Congo pour le compte de la Banque mondiale.







18 February 2008

«Maurice n’a pas la volonté de s’attaquer à la corruption»

l'express du 18/02/2008

QUESTIONS A JEAN-MEE DESVEAUX

Vous êtes le conseiller du ministre des Finances de la République démocratique du Congo (RDC) sur le Projet multisectoriel d’urgence de réhabilitation et de reconstruction (PMURR) financé par la Banque mondiale (BM) à hauteur de $ 700 millions. Peut-on présumer que les risques que les fonds octroyés par les organismes internationaux dans le but de réaliser les projets de développement dans ce pays soient détournés et mal utilisés sont réels ?

L’ancien Zaïre (Congo belge) était exsangue après 35 ans de gouvernance catastrophique sous Mobutu (avec le soutien direct des pays occidentaux) quand l’avènement de Laurent Désiré Kabila au pouvoir, à la fin des années 90, a plongé le pays dans dix ans de guerre où étaient impliqués la dizaine de pays qui entourent la RDC. Il y a eu 5 millions de morts depuis 1997 causés par ce conflit et en ce moment même 45 000 civils meurent encore chaque mois. Toute la région des grands lacs s’en trouvait menacée.

Cette situation explique deux choses : d’abord la communauté internationale ne pouvait fermer les yeux devant une catastrophe humanitaire d’une telle ampleur, d’où l’organisation des élections de 2006 et l’Accord de Don et de Prêt entre la RDC et la BM, unique en son genre de par son mode de fonctionnement et son envergure. Ensuite, il n’existait pas, au sein de l’Etat congolais, une structure administrative viable qui pouvait entreprendre, de façon efficiente, un projet de reconstruction du pays. La fonction publique était dans un état de délabrement avancé, avec des salaires impayés qui se comptaient en années et des fonctionnaires réduits à la mendicité.


En quoi ce programme est-il unique ?

Ne pouvant s’appuyer sur le secteur public pour entreprendre ces travaux de construction et de réhabilitation dans la production d’électricité, l’adduction en eau potable, la navigabilité fluviale, la construction de quelque 1 000 km de routes, la BM et le gouvernement de la RDC ont lancé un appel d’offres international pour une Project Management International Firm qui agirait en tant que maître d’ouvrage délégué en lieu et place du ministère des Finances. Une firme internationale, Louis Berger SAS, a remporté ce contrat et ma fonction est de faire le monitoring financier et technique de cette dernière pour le compte du ministre des Finances, en m’assurant que les contrats et paiements faits aux entreprises, aux maîtres d’œuvre et autres acteurs du PMURR sont conformes aux règles de passation de marché et de déontologie de la BM, ceci dans l’intérêt de la RDC.


De par cette expérience internationale, pensez-vous que nous avons à Maurice le mécanisme et les institutions indispensables pour combattre la corruption ?

Maurice pourrait donner des leçons au monde en ce qui concerne les mécanismes institutionnels pour combattre la corruption. Malheureusement, ce ne sont là que des fanfreluches, des habits qui, loin de faire le moine, cachent les vampires qui s’abreuvent du sang du peuple et l’appauvrissent davantage. Maurice ressemble au reste de l’Afrique qui abonde en édits, en décrets et autres arrêtés ministériels contre la corruption. Ce qui manque cruellement cependant, c’est la volonté de s’y attaquer sérieusement pour le mieux-être des Mauriciens. Nous connaissons les déboires de la version originale de l’ICAC et de son commissaire indéboulonnable. J’avais honnêtement espéré, pour le pays, que la nouvelle mouture marcherait, mais la volonté du gouvernement est clairement absente. L’épisode des Rs 50 millions de M. Rountree et les ministres et notables mêlés dans les comptes des bookmakers ont démontré que l’ICAC était mort-née. Ceux qui pensent qu’«un peu de corruption aide au développement» devraient venir jeter un coup d’œil en Afrique. La corruption est un cancer qui s’accroche à l’organisme et le ronge jusqu'à ce que mort s’ensuive.


Quel est le plus grand danger qui guette le pays ?

Il se situe au niveau des contrats faramineux du gouvernement, octroyés sans aucun appel d’offres, dans des conditions d’opacité qui défient la mauvaise gouvernance des pires élèves du Continent noir. Vous avez, par exemple, un incinérateur qui va être construit à des milliards de roupies et dont la survie économique dépend de la qualité du déchet qui y sera brûlé. J’avais mis les promoteurs au défi, dans vos colonnes, de prouver que le volume et la qualité des déchets du pays suffiraient pour que le projet soit financièrement viable. Ils ont prétendu être surpris par ce que j’ai relevé d’inconsistant dans leur projet. Aujourd’hui, ce contrat est fait de telle sorte que si les déchets ne sont pas suffisants ou de bonne qualité (ce qui est un fait), le ministère des Administrations locales déboursera environ cent ou deux cent millions par an pour compenser les promoteurs et ce, pendant 20 ans. Quand on réalise que j’avais œuvré pour la mise en place du mega landfill à Riche-en-Eau, qui satisferait les besoins du pays en termes d’enfouissement technique de déchets pour 30 ans, à une fraction du prix de l’incinération, on peut se poser des questions. Je me suis battu bec et ongles entre 2000 et 2005 pour empêcher cette façon d’hypothéquer des générations futures, mais il est difficile de se battre quand la population se plonge dans une indifférence suicidaire. Le gouvernement, en agissant ainsi, est anti-patriotique. Il hypothèque la manne que nous attendons de la Communauté européenne - qui nous arrose des deniers de ses contribuables - pendant que nous-mêmes gaspillons nos propres ressources financières.


Pensez-vous qu’il faille continuer à maintenir le système d’Etat providence en encourageant la gratuité des services publics tels la santé, l’éducation, le transport ?

Je n’ai jamais caché que j’ai le cœur fermement à gauche. Mais pour me permettre ce luxe, je garde froidement ma tête à droite, si on comprend par là une gestion économique rationnelle des ressources limitées de l’Etat. Sans vouloir tomber dans une partisannerie qui fatiguerait vos lecteurs, le gouvernement actuel a été élu sur la base de son opposition au ciblage de certains des avantages dont vous parlez. Politique que prônait le gouvernement précédent. Le dernier ministre des Finances, Pravind Jugnauth, a eu le courage d’introduire un means test pour la pension de vieillesse. C’était courageux et patriotique quand on sait que d’une situation où sept membres de la population active supportaient économiquement trois pensionnaires, la pyramide des âges renversait cette équation quasi symétriquement. On ne peut taxer les générations futures à 70 % pour supporter les personnes âgées. La pension de vieillesse coûtant plus de Rs 3,5 milliards, dans un budget déjà déficitaire, il fallait cibler ceux qui en avaient vraiment besoin. Mais la politique de la «bouche doux» a primé avec l’appui actif d’une classe syndicale dont la maîtrise des principes économiques de base scorerait un F au CPE.


«Une fiscalité qui ne fait pas de
différence entre les économiquement
forts et ceux au bas de l’échelle menace
le tissu social. Et sur ce tissu social,
repose l’économie du pays.»




Le Plan national de pension n’a-t-il pas d’avenir ?

Les plans de pension se suivent et se ressemblent car, contrairement à ce que nous croyons, nous autres Mauriciens, il n’y a pas une loi économique pour le reste du monde et une autre pour nous. Pour la pension dite de vieillesse, il faut se battre sur trois fronts simultanément : le targetting, qui réduit le nombre de bénéficiaires, est le premier pas. Au début, ce processus a peu d’effet mais avec le temps, l’effet de ce tri se fera sentir. Un seuil de Rs 20 000 à Rs 30 000 de revenus mensuels serait acceptable. Ensuite, il y a l’extension de l’âge de la retraite de 60 à 65 ans d’abord, et plus ensuite. Ici, il est impératif de donner un préavis d’une demi-douzaine d’années aux pensionnés avant qu’ils ne soient touchés. Troisièmement, il faut légiférer pour empêcher les ministres des Finances de berner les personnes âgées durant le budget speech en augmentant irrationnellement leur allocation de vieillesse au-delà d’un barème lié à l’inflation. Enfin, il faut se débarrasser de tous les «age brackets» : pension pour centenaire, pour quinquagénaire, pour octogénaire etc. Tout plan qui ignorerait un de ces aspects devra se montrer si violent sur les autres qu’il risquerait de capoter. L’avenir du pays dépend, entre autres, de la gestion rationnelle de notre plan de pension. Même les pays riches n’octroient pas une pension véritablement universelle sans tenir compte de la richesse des personnes âgées.


Cela devrait-il s’appliquer aussi à la pension dans la fonction publique ? Devrait-elle être contributive ?

Le Pay Research Bureau de juin 2003 avait déjà décrété qu’un système de contribution allait être introduit au sein de la pension des fonctionnaires. La seule question était de savoir si cela commencerait avec les nouvelles recrues ou s’appliquerait immédiatement. Je pense qu’il est trop tard, vu le poids de la fonction publique dans le Recurrent Expenditure, d’opter pour le système hybride. Il faudrait avoir le courage de demander au fonctionnaire de contribuer à sa pension comme tous les autres employés des secteurs économiques. Pas pour punir le fonctionnaire, bien sûr, mais pour s’assurer que le gouvernement puisse continuer à honorer une juste contribution à leur retraite.


Quel est votre regard sur notre économie ?

C’est encore la question du verre à demi-vide ou à demi-rempli. L’effort vers une balance fiscale est bien. Mais une fiscalité qui ne fait pas de différence entre les économiquement forts et ceux au bas de l’échelle menace le tissu social. Et sur ce tissu social, repose l’économie du pays. Une death duty ou taxe sur la richesse transmise par succession ne devrait pas faire peur aux dirigeants, car elle existe dans les pays les plus capitalistes. Seuls les hommes d’extrême droite comme le président français s’en émeuvent.

D’autre part, je remarque que Maurice atteint une accélération de la croissance au prix d’une inflation a deux chiffres. C’est la chose la plus aisée, après une période où l’inflation a été retenue pendant des années, que de produire une croissance factice en relâchant les rênes de l’inflation. Les under graduates en économie se rappelleront l’Expectation Augmented Phillips Curve : une croissance basée sur un choc inflationniste perd du momentum, une fois que l’agent économique tient en compte les données inflationnistes.

Le tourisme est notre planche de salut en ce moment. Mais le littoral n’est pas élastique et, à les empiler les uns sur les autres, les touristes abandonneraient nos lagons. Une fois que cet invisible trade perd de la vitesse, disons dans dix ans, avec quoi compenserons-nous le déséquilibre de notre visible trade, qui a atteint 43 milliards en 2007. De façon similaire, le resource gap est effrayant à 10 % du produit intérieur brut et on voit mal comment on peut continuer ainsi. En ce qui concerne le taux de chômage, il caresse toujours la barre des 10 %.

Ceci dit, j’aurais souhaité que l’opposition fasse preuve du patriotisme que le présent gouvernement n’a pas su démontrer à la veille des dernières élections. Qu’elle ne critique pas, juste pour des raisons électorales, les initiatives impopulaires mais nécessaires que pourrait prendre le gouvernement en place. Mais là encore, nous tombons dans le concept du prisonner’s dilemma : si les deux parties jouent le jeu selon les règles (ici du rationalisme économique), elles sortent ex aequo (et le pays gagne). Si l’une triche alors que l’autre adhère aux règles, celle qui a triché gagne (et, doit-on ajouter, le pays perd). L’avenir nous dira le reste.


Propos recueillis par
Nico PANOU