JM et les chefs coutumiers de la République démocratique du Congo

25 May 2004

Manque de retenue de l'ambassadeur de France

l'express du 25/05/2004

• Vous avez démissionné du conseil d’administration de la Wastewater Management Authority (WWA) vendredi dernier. Vous aviez souvent été contesté en tant que dirigeant de cet organisme…

Comme vous devez le deviner, conseiller un homme comme le PM n’est pas une tâche de tout repos. Mais de tous les dossiers que j’ai suivis au jour le jour, celle de la WMA est de loin, celui où je me suis le plus investi et où l’enjeu était à mon sens le plus grand pour le pays.

Nous parlons d’une vingtaine de projets totalisant Rs 11 milliards. A partir du moment où le gouvernement travailliste signe la Sector Policy Letter avec les bailleurs de fonds en 1998, les dés étaient jetés. Quand le gouvernement MSM-MMM vient au pouvoir en 2001, la WWA – un simple département du ministère des Utilités publiques – était un organisme chancelant qui n’arrivait pas à jouer son rôle de maître d’œuvre délégué pour mener à bien des contrats complexes de centaines de millions de roupies. C’est ce qui expliquait les retards atteignant en moyenne trois ans sur l’exécution du National Sewerage Programme.

A chaque contrat où les zéros s’amoncellent, vous avez devant vous un ou plusieurs entrepreneurs et consultants étrangers aussi bien que Mauriciens dont le souci majeur semble être de chercher le moyen de soutirer plus d’argent que ne leur permettraient les conditions d’octroi du marche d’origine. A partir de là, il y a deux attitudes que peut prendre un responsable de la WMA : se conduire comme si cet argent sortait de sa propre poche et se battre jusqu’au bout, ou alors penser à l’effort nécessaire à contrecarrer ces demandes et se dire que de toute façon ce n’est pas son argent qui est en jeu. Le pire est qu’on peut facilement imaginer une situation où la docilité d’un officiel à céder aux pressions des entrepreneurs et autres consultants peut devenir une activité très rémunératrice en soi : le bakchich de la complaisance.


• Ainsi, vous n’étiez pas très aimé dans ce milieu...

Aussitôt arrivé au Board de la WMA, j’ai tourné toutes les vis pour bien faire comprendre que les jours du easy money étaient révolus. Les demandes de cost-overrun étaient passées à la loupe et seuls ceux qui pouvaient démontrer le bien-fondé de leur requêtes étaient payés. Ce régime dure depuis trois ans et cela m’a créé énormément d’ennemis. Mon bon ami le ministre Bhagwan me décrit comme l’homme le plus détesté de Maurice. Je sais qu’il n’a pas tort. Si je vous dis qu’un directeur de la WMA touche 700 roupies par mois vous me direz que je suis masochiste. Cela m’a forcé, en outre, de porter plainte pour diffamation dans une dizaine de cas contre des malfrats qui descendent ceux qui les opposent dans leurs sales boulots.

Il est évident que la prééminence que je possédais au niveau du Board découlait, comme tout le reste, de celui que je représentais en son sein. Mais il ne faut pas croire que cela peut se faire par un seul homme. J’ai tissé autour de moi des liens professionnels qui faisaient qu’à tout moment je savais vers quoi ce chantier complexe naviguait et quels étaient les écueils qu’il fallait à tout prix éviter en temps réel.


• Avez-vous un exemple concret de ces manœuvres suspectes que vous venez d’évoquer ?

Précisément, je quitte la WMA content d’avoir réussi à déjouer toutes les manœuvres d’un faux “moins-disant” (lowest bidder) pour la station de Montagne Jaquot. Si on avait accepté les conditions rajoutées après coup, cela aurait coûté au pays environ Rs 50 m de plus que sa soumission initiale. Comme le deuxième moins disant n’était plus cher que de Rs 20 m, cela aurait été une perte nette de Rs 30 millions pour la WMA. S’il avait réussi, cela aurait donné raison à ceux qui pensent qu’il suffit, pour gagner un contrat, d’offrir le prix le plus bas pour attacher ensuite des conditions à son offre, ce qui peut la rehausser d’un montant atteignant jusqu’à Rs 100 millions. Le signal était aussi important que la somme concernée. Laisser passer cela serait de la mauvaise gouvernance dans son état le plus pur.


• Vous avez gagné la bataille. Pourquoi quittez-vous néanmoins la WMA ?

On pourrait dire que c’est de l’usure ou alors “ matter of leaving while you are still ahead”. J’ai demande au PM de me relever de mes fonctions. Il a eu l’amabilité, au sein d’une réunion de ses top advisers, de me demander si je ne voulais pas “ reconsider” mais je l’ai prié de me remplacer. Apres avoir écoute tout un chacun, le PM a décide que mon ami et collègue Kewe Chung me remplacerait à la WMA. Je ne peux imaginer un homme dont la droiture et la capacité seraient aussi utile que ceux de Kewe au sein de la WMA. Il est comme moi, de cette race de gens qui ont été bannis de notre pays pendant de très très longues années par des circonstances qui nous dépassaient. Pendant ces années nous n’avions qu’un rêve : celui d’être utile à notre patrie.


• Mais pourquoi votre démission intervient-elle maintenant ?

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase ou “the straw that broke the camel’s back” est arrivée pour moi devant le manque de retenue de certaines ambassades qui, en s’immisçant dans les affaires de la WMA, oublient un peu trop facilement leur devoir de réserve et le respect de la bonne gouvernance.

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