JM et les chefs coutumiers de la République démocratique du Congo

19 February 2014

Excès de liquidités : Une route monétaire pavée de bonnes intentions...

Par Jean-Mée DESVEAUX
l'express du 19 février 2014 

L’auteur rebondit sur un des facteurs qui défraient la chronique – l’excès de liquidités – sur l’horizon économique. Il nous livre également ses opinions autour de ce sujet.

Analysant  la foire d’empoigne sur le repo rate entre le gouverneur de la Banque de Maurice (BoM) et Ali Mansoor dans une colonne intitulée «Rational expectations and irrational behaviour» dans l’express du 25 septembre 2013, nous exprimions le fait que l’analyse de l’ancien Financial Secretary (FS) était déroutante. «Comment peut-on logiquement dire, sur la même plateforme et le même jour que 1) Le Monetary Policy Committee (MPC) n’a aucune crédibilité et que son policy rate, le repo, laisse le marché superbement indifférent et 2) dire que ceux qui prônent une révision à la hausse du repo rate engagent l’économie dans une voie suicidaire ; que ‘the spectre of unemployment is worrisome and the MPC should think very carefully about its responsibility... To history’. Ceci démontre que le rôle que joue le MPC au sein de notre économie n’est pas compris par le FS et, ça, c’est dangereux pour lui et pour nous.»

Citant les chercheurs du Fonds monétaire international (FMI), nous faisions ressortir que le «policy rate pass-through to the lending rate is about 80% in Mauritius, one of the highest among sub-Saharan African countries» démontrant ainsi une amélioration du mécanisme de transmission durant la dernière décennie du fait que la BoM ait choisi le repo (au Lombard rate) comme «policy instrument», ce qui est bien plus orienté au marché. Nous faisions ressortir, cependant, que l’effet du repo rate sur les «market determined rates» tels l’interbank overnight borrowing rate et le 91 day treasury bills (tous deux au-dessous du key repo rate depuis 2009) restait négligeable.

Ce «misalignment» dû à la forte liquidité excédentaire au niveau des banques (Rs 3 milliards ou 1 % du GDP par jour en 2012, Rs 11 milliards ces jours-ci et menaçant d’atteindre les Rs 18 milliards dans un proche avenir ) engendre des taux très faibles au sein du «money market» et explique la faiblesse de la transmission monétaire, entre autres effets néfastes, sur notre économie dont la distorsion de la motivation des banques au niveau des emprunts et des prêts. Le FMI a, il y a plus d’une année, suggéré que la BoM devait éponger cet excès à travers des«Repurchase operations» mais que cela effriterait la profitabilité de la banque centrale, obligeant le gouvernement de recapitaliser la BoM avec des «Government Bonds» (un chèque en blanc selon XLD) afin d’augmenter ses actifs collatéraux en repo et permettre ainsi au marché de bénéficier d’un «increased supply of liquid assets».

Notre proposition que le FS et le gouverneur se mettent autour d’une table pour discuter de cet excès de liquidités sur le marché ne put jamais se réaliser car Ali Mansoor reçut sa feuille de route quelques semaines après la parution de cette colonne. Depuis, rien n’a changé dans la guérilla psychologique entre la BoM et le MoF alors que cet excès de liquidités, lui, ne cesse de s’accroître, exacerbant les effets pervers qu’on a constatés. Mais ce problème d’ordre macro-éco économique doit, pour être démêlé aujourd’hui, être analysé sur les registres psychologiques, institutionnels aussi bien qu’économiques.

Les excès du ministre des Finances vis-à-vis du gouverneur ne peuvent être appréhendés autrement qu’en termes d’un «severe bout of displaced aggression». C’est un phénomène psychologique bien documenté qu’on rencontre souvent dans le milieu familial quand, un homme ayant souffert des excès tyranniques de son patron tout puissant, rentre à la maison et rabroue cruellement sa femme pour une peccadille. XLD ne peut s’en prendre à Navin. Il se défoule sur Manou Bheenick. XLD n’est pas le seul à déplacer ainsi ses impulsions agressives sur ceux moins aptes à se défendre. Le PM, excédé par son ministre des Finances, n’avait-il pas lui-même cherché une victime électoralement moins dangereuse en infligeant la claque destinée à Xavier au pauvre Ali Mansoor qui fut prié de plier bagage.

Du point de vue institutionnel, ce problème nous retourne au pathétique manque de leadership dont nous parlions dans notre dernière colonne. Aucun PM digne de ce nom ne songerait à permettre un tel débordement entre la Banque centrale et son ministère des Finances, les deux«vitrines» les plus en vue de nos partenaires internationaux. Ensuite, une banque centrale a sa mission qui ne coïncide nullement avec celle du politicien à la tête du ministère des Finances. À la BoM incombe la lutte contre l’inflation ainsi que la stabilité de la devise nationale, alors que la motivation première du politicien qui s’affuble le rôle de Grand argentier, reste le souci de se faire réélire… coûte que coûte. Les politiciens, de par le monde, ne comptant pas parmi les êtres les plus courageux du pays, la tentation toujours présente à leur esprit de jouer au Père Noël, de créer le «plein-emploi» et de déprécier «compétitivement» la devise nationale pour aider un secteur manufacturier en panne etc, a fait qu’au sein des pays où règnent une certaine gouvernance et un respect des institutions, une Banque centrale indépendante est instituée pour parer à tous débordements monétaires qui se solderaient par une inflation calamiteuse. Un gouverneur est choisi sur la base de sa capacité et de son indépendance. 

Il n’y a pas trop longtemps, au Royaume-Uni, un MPC a été institué pour donner une certaine représentativité à la décision cruciale de la Banque centrale de réguler le loyer de l’argent, c’est-à-dire à voter l’équivalent de notre repo rate. L’île Maurice a cru bon d’imiter cet exemple. Mais, comme les multiples institutions d’inspiration étrangère que nous singeons, le MPC est une cacophonie institutionnelle car, en son sein, le poids des membres choisis par des politiciens reflète un désir de surseoir systématiquement au jugement du gouverneur en ce qui concerne sa mission première et sacrée de protéger l’économie du fléau Inflationniste. À chacun son métier et les vaches seront bien gardées. Ce modèle où le ministre des Finances pèse de tout son poids sur la finalité des décisions monétaires rapproche notre système ironiquement de celui que nos voisins africains éclairés viennent tout juste d’abandonner : la route qui mène à la planche à billets est pavée de bonnes intentions.

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