JM et les chefs coutumiers de la République démocratique du Congo

10 October 1978

Les compagnies d'assurances confrontées aux besoins de l'île Maurice d'aujourd'hui


QUESTIONS à Guy Lagesse, président de l'IACM

 Le Insurance Advisory Council of Mauritius (IACM) qui regroupe les quelque 20 compagnies d'assurance du pays, s'est restructuré ces derniers six mois en différentes sous-commissions permanentes, afin d'analyser les problèmes qui affectent le monde de l'assurance.
Il va de soi que le renouveau des idées qui en découlera et la prise de conscience par tous les assureurs, des problèmes qu'ils doivent affronter aujourd'hui, est conçu comme étant l'approche idéale pour solutionner certaines de ces difficultés.
C'est dans cet esprit que le Council tiendra, les 8 et 9 novembre, son premier séminaire. A l'occasion de cette restructuration, l'express, tirant à profit le temps que les compagnies d'assurance ont eu pour analyser l'ampleur et les conséquences possibles des critiques du ministre des Finances, lors du discours du budget, interroge aujourd'hui M. Guy Lagesse, président de l’IACM.

Propos recueillis par Jean-Mée DESVEAUX
l'express du 10/10/1978

 Q: Il y a eu un changement très net dans l'activité des assurances durant la dernière décennie. Elles veulent s'étendre au-delà des confins du domaine de l'assurance proprement dit. Parlez-nous de la signification de ce changement de perspective.

R: Vous faites référence ici aux investissements effectués par les compagnies d'assurances dans des secteurs qui ne relèvent pas de l'assurance elle-même. Ceci est une chose tout à fait normale et c'est une pratique qui n'est pas propre aux compagnies d'assurances; c'est ce que font toutes les compagnies. Il faut savoir diversifier ses investissements afin d'obtenir une certaine balance. On ne doit pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. Il est évident que ces investissements se font après que les réserves exigées par l'assurance elle-même aient été effectuées. Toute compagnie d'assurance possède des réserves et, à plus forte raison, celles qui offrent des assurances-vie. Ceux qui gèrent ces fonds, ont le devoir de protéger leur client en investissant à bon escient dans les secteurs public ou privé ou encore en aidant des particuliers à construire leur maison.
En ce qui concerne le facteur changement, il est un fait que les compagnies ont beaucoup évolué depuis l'indépendance. Nous avons maintenant dépassé le stade où il ne s'agissait que d'offrir des assurances "conventionnelles" du genre protection contre le feu, les cyclones et les accidents de travail. Celles-là sont évidemment très nécessaires, mais nous évoluons vers des assurances plus techniques comme celles qui protègent l'assuré contre les pertes de revenus qui proviendraient par exemple d'une défaillance d'une machine industrielle. Dans ce même ordre d'idées, il y a aussi les assurances offertes aux membres des professions libérales contre les fautes professionnelles.
Il y a, d'autre part, les besoins créés par l'ouverture de la zone franche. Nous  devons maintenant travailler avec des industriels étrangers qui sont habitués à des compagnies d'assurances européennes fournissant un éventail de services diversifiés et sophistiqués. Ces personnes s'attendent à un niveau de traitement très élevé de notre part ainsi qu'à un service conseil très développé.

Q: Qu'entendez-vous par un service-conseil?

R: Les assureurs mauriciens n'ont pas été de très bons conseillers dans le passé. Ils se contentaient de procurer un contrat d'assurance là où le client voulait être assuré sans lui expliquer les ramifications possibles des problèmes que pouvait rencontrer ce client. Nous essayons de plus en plus de mettre le client au courant des assurances qui peuvent couvrir ces contingences afin de pouvoir choisir ce qui convient le mieux, en connaissance de cause.

Q: Revenons sur le premier point que nous avons abordé ensemble, c'est-à-dire la diversification de vos activités. Cela vous a valu des critiques du ministre des Finances qui, lors du discours du budget, avait même remarqué que cette évolution amenait certaines compagnies à perdre leur identité d'assureur, au détriment des assurés. Qu'en pensez-vous?

R : Cette critique n'est pas justifiée, pour les raisons que j'ai mentionnées plus haut. Les "few insurance compagnies", que le ministre mentionne, sont celles qui ont  accumulé plus de revenus provenant des investissements qu'il n'était nécessaire pour faire face, à court terme, à leurs engagements. Elles ont investi sainement ce surplus en vue de maximiser les revenus provenant de ces investissements. N'oubliez pas que beaucoup des contrats d'assurances-vie sont souscrits "with profits" et c'est cette maximisation des fonds qui permet aux compagnies d'assurances de payer un maximum de bonus à ses assurés.


Q : Référence a aussi été faite à un manque de coopération de la part des compagnies d'assurances dans le développement général du pays. On vous a reproché de ne pas investir suffisamment dans les government securities et d'investir plutôt dans les secteurs non productifs à des fins de spéculation. Qu'avez-vous à répondre à cela?

R: Il n'est pas juste de dire que les investissements des compagnies d'assurances sont improductifs et spéculatifs. Il y a peut-être une certaine proportion des investissements qui, sans être tout à fait spéculatifs, ne sont pas vraiment productifs. Quant au désir qu'aurait le ministre des Finances pour que plus d'investissements soient dirigés vers les government securities, c'est un point auquel le Insurance Advisory Council a donné toute sa considération. Nous acceptons le fait que nous devrions investir une plus grande proportion de nos réserves dans ce domaine. Du reste, cet effort est déjà en cours et nous espérons pouvoir donner au ministre, d'ici le 8 novembre, date à laquelle nous devons tenir le premier séminaire des assureurs, des nouvelles satisfaisantes à cet effet.

Q: Vous parliez tout à l'heure des investissements qui ne sont pas "tout-à-fait spéculatifs". Que comprenez-vous par cela?

R: Un investissement spéculatif est un peu comme jouer à la loterie, aux courses et au casino. Il est évident qu'aucune compagnie d'assurance qui se respecte, ne songerait à s'engager dans de telles activités. Je pense que le ministre avait en tête, en faisant cette déclaration, les investissements dans l'achat de terrains et de real estate. Or, cela n'est pas tout à fait spéculatif, car quand une compagnie d'assurance investit dans le real estate, il le fait avec beaucoup de discernement et aussi dans le but de promouvoir au développement  résidentiel qui contribue au bien-être du pays. Il en va de même pour les projets de morcellement où les compagnies espèrent trouver un gain au moment de la revente.

Q: Cette réaction du gouvernement a dû causer un certain choc dans le milieu des assureurs. Pensez-vous qu'une telle ingérence soit déplacée?

R: Quand la critique du gouvernement est justifiée, elle est tout à fait normale. Par exemple, comme je l'ai dit plus haut, je considère justifié l'appel du ministre des Finances pour qu'il y ait des investissements dans les government securities. Je pense même que sous le régime le plus libéral possible, il est normal que le gouvernement d'un pays veuille suivre de près l'évolution d'un secteur aussi important que celui dont nous parlons. Le gouvernement doit être parfaitement satisfait que les assureurs ont les moyens et les structures requis pour pouvoir dédommager n'importe quelle réclamation qui leur serait faite. Et dans ce contexte, les mesures qui existent ne sont pas adéquates. C'est là que notre association qui a été restructurée tout dernièrement et qui forme à ce jour une excellente équipe, pourrait suggérer les mesures nécessaires au gouvernement ainsi que l'aider à les mettre en place.

Q: Et quelles sont ces mesures?

R: La loi actuelle permet à n'importe qui de former une compagnie d'assurance après avoir payé une caution de Rs 500 000 au gouvernement. Vous avouerez que cette somme est dérisoire. Remarquez que je ne suggère pas que cette caution soit augmentée car quel que soit le montant de cette caution, elle ne pourra jamais être une garantie suffisante à couvrir toutes les contingences qui peuvent survenir dans ce domaine. Ce qui compte ici est le programme de réassurance de la compagnie qui démarre. Tout  assureur, même les plus gros, ont besoin de réassurance, c'est-à-dire, qu'ils doivent répartir les risques qu'ils ont acceptés de couvrir chez d’autres assureurs que nous appelons donc des réassureurs. Plus la compagnie est petite, plus il devient vital qu'elle soit convenablement réassurée car, sans cela, elle ferait bien vite banque­route.
Imaginez qu'il y ait dans un hôtel de l’île, 20 personnalités étrangères de haute importance et qu’un accident grave survienne à la suite d'un incendie dont la responsabilité incomberait entièrement à l'hôtelier. Supposons que ce dernier soit assuré en ce qu'il s'agit de sa responsabilité civile envers des tiers et que la réclamation totale atteigne Rs 100 millions, ce qui est encore un chiffre conservateur sur le plan international. Il est évident qu'aucune compagnie locale ne pourrait payer une telle somme sans l'aide de ses réassureurs. Ce n’est donc pas la caution actuelle, ni même l'augmentation de cette caution dans une grande proportion, qui pourrait venir en aide aux compagnies qui se trouveraient dans une telle situation. D'où la nécessité pour le gouvernement de s'assurer que toute compagnie qui démarre, ait un programme adéquat de réassurance.
La législation actuelle ne prévoit pas ceci mais elle prévoit que le Registrar of Insurance vérifie, tous les ans, les comptes des compagnies d'assurances pour contrôler l'équilibre entre leur actif et leur passif. Si ceci est adéquat pour les compagnies déjà opérationnelles, il ne l'est pour les nouvelles compagnies car le Registrar devra attendre un an d'exploitation avant d'exercer le contrôle voulu.

Imaginez qu'il y ait un hôtel de l'île, 20 personnalités étrangères de haute importance et que survienne un accident grave...

Q: Nous nous sommes jusqu'ici cantonnés au rôle de l'assureur en tant qu'investisseur de ses fonds. Voyons maintenant son rôle en tant qu'assureur vis-à-vis de la communauté. Certains sont convaincus que, dans l'éventualité d'un sinistre, l'assurance n'a d'autres soucis que de trouver les moyens de payer le moins. Qu'en pensez-vous ?

R: Je ne pense pas ce jugement soit fondé, et s'il l'était, je m'empresse de dire qu'il ne devrait pas être ainsi.
L'assureur, plus que n'importe qui, peut-être, doit avoir un code de conduite irréprochable. Il perçoit une prime d'assurance pour couvrir des risques qui pourraient ou pourraient ne pas arriver. Mais si ces risques arrivaient, il se doit de payer avec justice ce qui est dû.
Il est malheureusement courant de voir un Iitige survenir entre l'assureur et  l'assuré en cas de sinistre, parce que ce dernier n’est pas au courant de telle ou telle exclusion de son contrat.
Là encore, le code éthique de l'assureur doit tenir compte du fait qu'il lui appartient d'expliquer à l'assuré ce qui est couvert et ce qui ne l'est pas lors de la signature d'un contrat.

Q: Vous faites allusion au "small print", n'est-ce pas?

R: Oui, je me réfère à ce qu'on appelle souvent le small print. C'est la maladie de tous les contrats et pas seulement ceux des assuran­ces. Avez-vous déjà essayé de lire un connaissement maritime? Ou quand vous voyagez en avion, savez- vous dans quelles conditions vous le faites? C'est pourtant écrit à l'arrière de votre billet d'avion. On ne peut pas éviter le small print, car il y a beaucoup de conditions dans n'importe quel contrat et si ces conditions devaient être en bigger print, le document prendrait des dimensions embarrassantes.
Il est clair que l'assureur ne peut pas tout couvrir. Sans conditions, il couvrirait jusqu'à la malhonnêteté. Mais il n'est pas moins vrai de dire que certains de ces small print contiennent des conditions et des exclusions très importantes et que l'assuré doit être prévenu des implications qui en découlent. D’ailleurs, la tendance parmi les compagnies qui évoluent, est de faire ressortir, en caractères plus gras, les conditions et les exclusions importantes et de les expliquer avant la signature du contrat.
Avant de conclure sur ce point, je voudrais répondre à la question que vous m'avez posée plus haut relativement au rôle de l'assureur dans la société. Il a un rôle primordial sur le plan national: celui de protéger la communauté contre les risques de la vie de tous les jours, de prendre, à sa charge, le fardeau de ces risques. C'est, du reste, pour ces raisons, qu'il se doit d'être juste et équitable.

Q: Le domaine de l'assurance est très vaste et nous ne pouvons toucher à tous les secteurs concernés. Mais dans l'esprit de beaucoup de Mauriciens, le mot assurance veut surtout dire assurance automobile. Ceux-là se plaignent souvent des primes qu'ils considèrent très élevées. Pourrait-on dire que c'est là une des sources principales de vos revenus?

R : Hélas, trois fois hélas, nous aurions bien voulu qu'il en soit ainsi. Traditionnellement, l'assurance automobile est la bête noire des assureurs. Il est très difficile de joindre les deux bouts dans ce domaine. Les réclamations sont nombreuses et souvent importantes. Plusieurs facteurs contribuent à cette situation et je vais essayer d'énumérer quelques-uns au hasard:
1.L'irresponsabilité et le manque de formation des conducteurs qui ne sont du reste pas suffisamment pénalisés;
2.Le caractère défectueux de notre réseau routier ainsi que la mauvaise signalisation qui prédispose aux accidents;
3.L'inflation qui augmente le coût des réparations et des pièces de rechange
4.La tendance durant la dernière décennie à la hausse des compensations pour les dommages corporels subis par les tiers.
Devant une telle situation, comment peut-on ne pas augmenter les primes en conséquence car, en ce moment même, les primes perçues n'arrivent pas à couvrir les sinistres en ce domaine.

La bête noire des assureurs.

Q : M. Guy Lagesse, il y a eu plusieurs rumeurs de nationalisation des compagnies d'assurances. Pourriez- vous nous parler de l'attitude des assureurs dans ce domaine?

R: Le sujet est complexe et de très grande importance, mais comme notre association n'a encore aucune vue d'ensemble sur la question, permettez-moi de vous répondre en mon nom personnel.
Sous le régime actuel, l'Etat est déjà "actionnaire" de chaque compagnie d'assurance, à raison de 50% pour les compagnies publics, et de 60% pour les compagnies privées. C'est-à-dire que les profits non distribués des compagnies d'assurances, sont sujets à l'income tax, à raison de ces pourcentages.
Quant aux profits distribués aux actionnaires, ils font partie de la totalité de leurs revenus pour les besoins de l'income tax et ils sont donc également assujettis, dans certains cas, jusqu'à concurrence de 75%. C'est une notion qu'il ne faut surtout pas perdre de vue. On pourrait arguer que, tout en étant actionnaire de cette façon, l'Etat ne peut diriger effectivement la marche des entreprises des assurances, mais elle peut le faire en prenant les mesures de contrôle dont je parlais plus haut. Ceci fait, il ne devrait y avoir aucune autre ingérence de l'Etat. Je suis un partisan de la libre entreprise qui permet à tout un chacun, de toujours mieux faire au sein d'une juste et saine compétition. Je ne vois vraiment pas comment une étatisation ou une nationalisation des compagnies d'assurances pourrait améliorer le développement du pays et mieux servir les intérêts de la communauté.

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