JM et les chefs coutumiers de la République démocratique du Congo

26 May 2003

‘’Empêcher le CEB d’être une vache à lait’’


QUESTIONS A JEAN-MÉE DESVEAUX, SPECIAL ADVISER, MINISTÈRE DES FINANCES

Propos recueillis par
Raj MEETARBHAN
L’express du 26 mai 2003


 • Jack Bizlall a demandé votre retrait du board du Central Electricity Board (CEB). Comment réagissez-vous à cela?

 -Jack Bizlall m'étonne et me déçoit. Voilà quelqu'un qui veut éradiquer la corruption dans le pays mais il tire en premier sur ceux qui ont le même objectif que lui sans s'être donné la peine de se renseigner correctement sur ce dossier complexe. Jack Bizlall s'inquiète que le consommateur mauricien ne soit pénalisé par des contrats trop juteux entre les fournisseurs privés d'électricité et le CEB. Ceci est intéressant car, sans partager l'analyse marxiste de Jack Bizlall sur les "oligarques et autres magnats du secteur sucrier’’, non seulement je partage son inquiétude mais je m'évertue depuis bientôt trois ans à m'assurer que ce scénario ne se produise pas sur le terrain. Mon inquiétude est basée sur une analyse économique et non sur une idéologie. Une industrie sucrière qui voit le prix préférentiel de son sucre approcher inexorablement du très faible prix mondial avec la disparition des préférences de Lomé serait tentée de chercher un substitut mauricien pour la vache à lait européenne disparue. Vu du point de vue national, c’était une perspective peu réjouissante pour la santé de l'économie aussi bien que pour l'équilibre socioéconomique du pays. Ce serait une parfaite redistribution des richesses nationales dans le mauvais sens. Le mode d'octroi de ces contrats avait augmenté mon inquiétude.

 • Comment avez-vous fait pour éviter ces dangers ? 

- Le VPM m'avait saisi du dossier électricité au sein d'un comité interministériel, ce qui explique mon intérêt pour l'électricité. Quand vint le premier test du gouvernement en matière énergétique, la stratégie était donc déjà toute prête. Le document de Mauritius Sugar Authority intitulé le Sugar Sector Strategic Plan (SSSP) fut publié en mai 2001 couvrant la période 2001 à 2005. Ce document suggère ceci : "The CEB could accommodate two further firm power supplies from the sugar industry by 2005’’. Une de ces centrales, nous dit le SSSP, serait à Union St-Aubin (USA) tandis que l'autre serait à Médine. Le SSSP fait d'autres projections pour une demi-douzaine d'autres centrales bagasse-charbon. 

Ce qu'il faut retenir ici, c'est que Union St-Aubin que la SSSP préconise comme prochaine centrale à mettre sur pied avant 2005 est grosso modo le même groupe qui a remporté le Request for proposals du CEB ; les mêmes chaudières étaient impliquées dès le départ. Donc, l'USA aurait eu son aval du SSSP depuis deux ans et sans concurrent pour le forcer à donner le meilleur prix au CEB.

Je fis ressortir au VPM qu'on ne maîtrisait pas suffisamment le cost-benefit analysis de ce que nous apportait l'industrie sucrière en matière énergétique pour aller de l'avant à l'aveuglette. Je voyais déjà qu'un exercice d'appel d'offres comme cela se pratique dans tous pays avancés pour le procurement of electricity devrait avoir lieu. Mais préalablement, il nous fallait définir le rôle de l'industrie sucrière au sein de notre politique énergétique. Seule une étude professionnelle dans ce sens pouvait répondre aux questions qui se posaient. Quand le Cabinet donna son aval au SSSP, la décision fut prise de mettre les deux centrales d'Union St-Aubin et de Médine au frigo jusqu'à ce que le gouvernement obtienne l'étude détaillée de la situation que j'avais préconisée.

 • Comment cette étude allait-elle éclairer votre lanterne?

 -Les auteurs de cette étude, Parsons and BRickenhoff Africa (PB Power) furent chargés de faire un Audit of Optimal Generation Capacities in Mauritius. Deux des questions cruciales sur lesquelles s'est penché cet audit étaient: Determine the most appropriate form of power generation for expanding the Mauritian generation system ; What is the next type of generation units that should be introduced to Mauritius and when ?  Les questions posées démontraient clairement la philosophie du gouvernement. Il y eut là un changement subtil de l'approche gouvernementale vis-à-vis de l'industrie sucrière. Partant du principe des années 90 de "save the Sugar Industry at any cost", ce qui aurait pu impliquer des cross subsidies des consommateurs à l'industrie, nous étions parvenus à trouver une balance qui pourrait être décrite comme : Accommodate the needs ofthe sugar industry in a difficult international environment as far as such needs are compatible with the economic well-being of the country as a whole. Je me souviens même que le vice-Premier ministre avait élaboré ce principe au cours d'une réunion avec le secteur privé à Clarisse House vers fin 2000. Est-ce la peine de demander si un gouvernement ou un conseiller à la solde de l'industrie sucrière agirait ainsi ? Mais ce n'est pas tout.

• II y a donc un changement de philosophie. Quelles autres initiatives allaient démarquer la nouvelle administration du CEB?

- Quand la nouvelle équipe arriva au CEB, nous fûmes confrontés à une bavure monumentale de la part de l'équipe précédente. Ces mêmes officiers qui avaient jusque-là négocié tous les contrats passés entre le CEB et l'industrie sucrière avaient, dans un paroxysme de sagesse, trouvé que le prix de l'électricité produite par les centrales bagasse (CPP-coupe seulement) devrait être indexé au prix de l'huile lourde, qui n'a pourtant rien à faire avec le coût de la production de ces centrales. Le prix payé par le CEB pour l'électricité produite par ces centrales était sorti d'environ une roupie le MW en 1996 pour atteindre Rs 1,68 (augmentation de près de 70 %) en 2001. Cela faisait que l'électricité de ces centrales devenait plus coûteuse que celle produite par les IPP (all year round), ce qui était un non-sens technique et économique. L'équipe de négociation du CEB parvint, malgré ce contexte extrêmement défavorable, à faire l'industrie sucrière accepter le nouveau coût de Rs 1,30, près de 25 % en faveur du CEB. Du beau travail dont on est fier. Savez-vous qui a mené ces négociations ? Donna LeClair dont Jack Bizlall veut aujourd'hui dessaisir du dossier électricité parce qu'elle est "financée par les barons sucriers". Si, dû à mon manque de maîtrise d'un dossier, j'avais commis une injustice aussi infecte que celle-là, l'honnêteté intellectuelle m'aurait forcé à m'excuser platement. Jack Bizlall est réputé pour avoir un système de valeur très développé ; son comportement confirmera bientôt, et de façon irréfutable, si cette réputation est méritée.

• Des allégations ont été faites à l'Independent Commission against Corruption (Icac) contre la façon dont le groupe St-Aubin vient d'obtenir le contrat pour la production de 30 à 40 MW. Etes-vous satisfait, au CEB, que l'exercice s'est déroulé correctement ?

- Absolument. Regardons d'abord le côté ubuesque de la situation. De 1996 jusqu'à l'exercice en cours, il y a eu du côté gouvernemental, un groupe de fonctionnaires qui se sont assis et ont octroyé aux propriétés sucrières pas moins de neuf Power Purchase Agreements (PPA) : Beau-Champ, FUEL et la centrale thermique de Belle-Vue (CTBV) parmi les IPP (all year round bagasse-charbon) et Riche-en-Eau, Savannah, Union St-Aubin, Mon-Trésor-Mon-Désert, Mon-Désert-Alma et Mon-Loisir parmi les CPP (bagasse en coupe seulement). Ces exercices n'ont connu aucun appel d'offres, de Request for proposal; aucune compétition n'a été instaurée pour mettre de la pression sur le prix offert par ces candidats afin d'obtenir un meilleur deal pour le CEB; aucun critère et aucune méthodologie ne furent élaborés auxquels les parties en concurrence devraient adhérer. Pourtant, les revenus annuels (2001) en jeu étaient de taille : Rs 584m pour CTBV, Rs 263 millions pour FUEL, Rs 164m pour Beau-Champ et en moyenne Rs 20 millions pour chacun des CPP. Et pendant tout ce temps, l'île Maurice resta béatement sereine. Personne ne s'est soucié du fait que ce genre d'''energy procurementprocess" péchait par manque de transparence et d'accountability. On prévoyait même, comme je le citais tout à l'heure, d'en faire une demi-douzaine de grandes centrales bagasse-charbon procédant de la même façon opaque. 

Arrive la nouvelle équipe. Elle considère que le genre de concentration de pouvoir décisionnel exercé jusqu'alors pour l'allocation des contrats d'énergie est hautement préjudiciable aux intérêts du CEB. Elle conclut que cela enfreint aux règles les plus élémentaires de la bonne gouvernance. Pour la première fois dans les annales de Maurice, un processus compétitif est instauré dans le domaine ultra stratégique de l'énergie ; un request for proposals est soumis aux trois candidats qui avaient jusque-là montré un intérêt pour construire une centrale thermique ; les critères sont établis d'avance ainsi que la méthodologie d'évaluation ; l'exercice suit un tracé préalablement instauré de strict respect pour les règles établies ; à l'équipe d'une demi-douzaine de professionnels aguerris du Corporate Affairs Department du CEB, on ajoute un universitaire respecté et un officier du Management Audit Bureau. Deux étapes d'évaluation ont eu lieu, l'une technique et l'autre financière. A la fin de l'exercice, les membres de l'équipe d'évaluation s'accordent à l'unanimité à trouver un candidat nettement supérieur à l'autre tant sur le volet technique que sur celui de l'offre financière. Cette analyse est présentée au Board du CEB où la dizaine de directeurs donne leur aval à la décision du comité d'évaluation. On voudrait maintenant faire accroire que c'est ce nouveau système qui encourage les magouilles alors que durant la loi de la jungle qui prévalait jusqu'ici, tout était clair comme l'eau de roche. C'est dire donc que ce sont les garde-fous de transparence et d'accountabïlity que nous avons érigés qui sont aptes à encourager les magouilles ! C'est vraiment prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages! En ce qui concerne le prix que le pays obtiendra de cet exercice, le même raisonnement bancal veut nous faire accroire que le CEB aurait été mieux loti de faire du grés à grès avec le candidat battu sans aucun appel d'offres alors que même sous la pression d'un appel d'offres, son prix était de loin moins attrayant.

• Promettez-vous de jouer la transparence si l'Icac décidait d'enquêter sur le dossier ?

- Le CEB se ferait un plaisir d'ouvrir à l'Icac toutes les pièces justificatives et toutes les analyses qui ont mené vers le résultat obtenu. Ce serait une occasion pour la commission de convaincre qui de droit qu'aucun contrat de centrale énergétique ne devrait être conclu sans un tel exercice de transparence. Il n'y a pas l'ombre d'un doute qui sont ceux qui espèrent profiter de la campagne de dénigrement qui est autour de cet exercice. Il y a plusieurs parties qui, sans aucune honte, avaient démontré une volonté de ne pas procéder par un système compétitif pour les raisons qui leur sont propres ! L'intensité de cette campagne avait pour but non seulement de décourager l'exercice en cours mais aussi de démontrer ce qui arrive à ceux qui s'érigent pour barrer la route aux magouilleurs. J'irais plus loin. La vocation de l'Icac ne lui permet pas d'ignorer l'assaut systématique et coordonné qui a été monté ces jours-ci pour décourager et discréditer ceux qui se battent pour instaurer un processus transparent d'évaluation au sein du CEB comme ailleurs à la Waste Water Management Authority (WMA). Les lettres anonymes et autres immondices qui apparaissent dans la gutterpress ont des tell tales qui permettraient aux limiers de l'Icac de les retracer sans trop de difficulté. Si ces filous ne sont pas des corrupteurs alors il n'y a pas de corruption chez nous. Il suffit de se demander à qui profite le mud-slinging exercise.

• Diriez-vous que les contrats conclus entre les trois IPP et l'Etat sont équitables (fair) ?

- De toutes vos questions celle-ci est la plus apte à être mal interprétée des deux côtés du ideological divide. La réponse brutale est non. Il y a eu beaucoup d'erreurs commises dans le passé venant de ceux qui auraient dû mieux défendre le dossier de l'Etat. L'explication est très simple. Vous avez d'un côté une société énergétique dont l'objectif est de générer des bénéfices et de l'autre les représentants de l'Etat qui sont censés protéger le consommateur. Saisissant parfaitement les enjeux du contrat ainsi que sa grande durée, le privé arrive à la table de négociations avec la meilleure équipe de Contract Lawyers qu'ils peuvent trouver sur le marché londonien. Nos mandarins à nous, avant que la nouvelle équipe n'arrive, faisaient des économies de chandelle. Ne réalisant pas qu'il est absurde d'économiser sur la qualité du conseil légal quand on négocie un contrat de plusieurs centaines de millions de roupies par an, ils ont commis la bêtise stratégique de faire appel à nos vieux juges à la retraite pour faire face aux colosses auxquels faisait appel l'industrie sucrière. Dès lors, les résultats étaient prévisibles. Notre conseil juridique nous laisse entendre que les contrats IPP ont un clair biais anti-CEB.

Il faut cependant faire très attention. Il est préférable pour un pays d'économie libérale comme la nôtre de vivre avec un ou plusieurs mauvais contrats plutôt que de cesser d'honorer les contrats signés par le gouvernement en vue d'améliorer post hoc les conditions qui s'y trouvent. Opter pour une telle stratégie nous mettrait à dos toute la communauté de bailleurs de fonds, feraient fuir tout investisseur étranger et ferait du phare des économies africaines que nous sommes, une petite république bananière.

Ce n'est pas cette approche que nous voulons prendre. Le CEB va essayer d'inspirer la confiance nécessaire chez les sucriers afin qu'ils viennent volontairement à une table de négociation où nous pourrions passer en revue, sans contrainte aucune, les éléments des contrats qui pourraient être changés de commun accord en vue d'avoir le fameux win-win situation.

Cela dit, pour les besoins de notre futur Power Purchase Agreement (PPA) avec la Société usinière du Sud, l'équipe du CEB se fait conseiller par C M S CameronMcKenna, un des meilleurs cabinets londoniens en matière de contrat d'énergie. Ce nouveau PPA établira le nouveau model des futurs contrats avec le privé. Il remplacera les caractéristiques contraignantes des contrats précédents tels que les take or pay provisions. A cause de cette clause contraignante, le CEB doit, à certaines heures, réduire la production de ses centrales plus qu'il n'est économiquement raisonnable de le faire dans le but de laisser la place à l'énergie contractuellement achetée des centrales privées. Le nouveau contrat qui est clairement un PPA de la deuxième génération contiendra, à la place du take or pay, une structure de paiement en deux segments : un paiement de l'investissement dans la centrale qui couvre les coûts fixes (capacity payment) et un autre qui rémunère les coûts variables couvrant les opérations.

•Pourquoi le gouvernement ne favorise-t-il pas la production d'un maximum d'électricité à partir de la bagasse, un combustible produit localement ?

- Le gouvernement encourage l'utilisation de la bagasse dans la production d'électricité depuis le début des années 90 quand le bagasse transfer price a été constitué pour encourager l'agriculteur. Depuis l'introduction du Bagasse Energy Development Program (BEDP), le CEB a payé Rs 360 millions aux planteurs pour la bagasse ainsi fournie.

En 2001, des 332 Gigawatts heure (GWh) que le CEB a achetés de la CTBV, 26 % étaient produits à partir de la bagasse durant la coupe. En ce qui concerne FUEL sur 157 GWh, 34 % des ventes au CEB proviennent de la bagasse tandis que pour Beau-Champ, une proportion encore plus forte de bagasse a été affichée en 2001,soit 44%. Il faut comprendre que les trois centrales IPP ne se servent de la bagasse que durant la coupe car la bagasse ne se conserve pas. Les sociétés énergétiques répartissent leur ratio bagasse-charbon selon le volume de bagasse dont ils disposent dans leur région car le transport de la bagasse n'est pas économique. En ce qui concerne les 7 CPP qui ne produisent qu'à partir de la bagasse, nous avons obtenu 113 GWh en 2001.

Passant en revue toutes les technologies qui sont à notre portée, PB Power conclut que "dual fired coal-bagasse plant is the preferred choice based on very robust assumptions." Cependant, "Based on the current pricing arrangements with the firm IPP suppliers, the dispatch of these plants is not optimal." Cela veut dire qu'alors que cette technologie ainsi que la libre disponibilité de la bagasse aurait dû rendre leur coût plus attrayant au CEB, le prix pratiqué a un effet contraire.

On peut postuler deux raisons pour la cherté de l'énergie bagasse-charbon : 1) le manque de concurrence durant l'octroi des contrats IPP. C'est une raison qui, j'espère, appartient dorénavant au passé. 2) le bagasse transfer price.

Expliquez-nous ce concept de "bagasse transfer price".

- Ce bagasse transfer price conçu à l'occasion du BEDP par la Mauritius Sugar Authority au début des années 90 avait l'objectif somme toute rationnel d'optimiser l'énergie produite à partir de la bagasse. La bagasse n'a aucune utilité alternative à Maurice, ce qui est défini par le terme "no economic value" qui a fait tiquer certains. Si on ne le brûlait pas, les usines seraient littéralement ensevelies sous le poids de leur bagasse. Il est donc tout à fait à l'avantage du pays de s'en servir pour faire de l'électricité. Mais rémunérer cette matière autrement inutile jusqu'à ce que le prix de l'énergie ainsi produite excède le prix de l'énergie provenant du charbon importé est un excès qui ne fait que gonfler le prix de l'électricité au-delà du raisonnable.

Mais arrivons au plus comique de toutes les situations. Le bagasse transfer price est payé par le CEB (le consommateur) aux agriculteurs. C'est-à-dire que le planteur donne de la bagasse gratuitement à la centrale électrique. Celui-ci tire un avantage commercial en brûlant cette bagasse pour produire de l'électricité que paye grassement le CEB. On aurait pu s'attendre dans un climat économique rationnel que ce soit l'IPP qui paye le planteur pour cette manne qu'est pour lui la bagasse qu'on vient lui déposer devant sa porte. Non, l'usinier ne paye pas un sou pour cela et, tenez-vous bien, il demande maintenant, à travers son syndicat d'employeur (qui comme tout bon syndicat n'a de souci que l'intérêt de ses membres au mépris du consommateur) d'être additionnellement rémunéré pour utiliser une matière gratuite qui lui permet de produire de l'électricité à un prix intéressant. Je suppose que c'est comme ça qu'on va faire baisser le prix de l'électricité à Maurice et attirer les investisseurs.

• Le prix auquel le CEB achète l'énergie des producteurs indépendants (Belle-Vue, Beau-Champ et FUEL) a été qualifié d'exorbitant par des spécialistes. Comment se comparent ces prix par rapport au coût de production du GWh dans les centrales à huile lourde du CEB ?

- Exorbitant est un concept relatif qui comporte aussi des jugements de valeur. Je vais donc m'abstenir et vous donner plutôt en ordre de cherté celui dans lequel les unités au service du CEB se classent sur l'unit energy generation cost. Cet ordre, rappelons-le, devrait déterminer le dispatch order du CEB pour l'entrée en action sur l’electricity grid de chacune de ces unités. Dans un système idéal, le CEB devrait utiliser le maximum d'énergie provenant de la centrale dont le coût variable est le moins élevé avant de passer à une centrale où ce coût est plus élevé. C'est ce qu'on appelle le least-cost dispatch order. On remarque un certain nombre de choses extrêmement intéressantes dans la liste qui suit : 

1. Alors qu'on pourrait s'attendre à ce que les IPP produisant en mode de bagasse devraient être tout juste après les centrales hydro du CEB, on les voit aux huitième, dixième et onzième places loin derrière l'énergie produite par ces centrales à partir du charbon importé (quatrième, cinquième et sixième).

2. Comme le fait ressortir PB Power, alors que les centrales bagasse-charbon ont un avantage économique qu'on connaît, elles se situent après Fort George et même Fort Victoria 2.

3. Les unités que certains voudraient déjà voir en scrap metal tels Fort Victoria 2 et St-Louis ont une place que devraient envier d'autres unités situées plus loin sur la liste. Cette confusion sur les vieilles unités est due au fait qu'on ne distingue pas parfois la différence entre ces vieilles unités encore très utiles au CEB et Fort Victoria 1 qui sera decommissioned avec l'arrivée de la future centrale.

Cet ordre est donc le suivant : 1. Hydro, 2. Fort George, 3. Fort Victoria 2, 4. Beau-Champ (Coal), 5. FUEL(Coal), 6. CTBV (Coal) 7. St-Louis, 8. Beau-Champ(bagasse), 9. C PP utilisant la bagasse en coupe, 10. FUEL (bagasse), 11. CTBV (bagasse), 12. Nicolay et 13. Fort Victoria 1. C'est là l'ordre qui existait selon les prix de 2001.

• Avec la mise en opération de la centrale de St-Aubin en 2005, le CEB est-il certain de pouvoir satisfaire la demande en énergie électrique pendant les prochaines années ?

- Cela dépend de l'horizon que vous couvrez dans ce terme. Entre 2005 et 2010, PB Power estime que le Peak Demand nécessitera l'addition de 224 MW. A la raison de 32 MW par centrale, cela nous fait sept nouvelles centrales jusqu'à 2010. Donc après Société usinière du Sud (SUDS) (si les négociations au sujet du contrat sont un succès), il nous faudra deux unités en 2006 et une nouvelle centrale chaque année jusqu'à 2010. Pour vous donner un ordre de grandeur de ces chiffres, une centrale coûte environ Rs 1,5 milliard soit ce que coûte la Cyber Tower et son infrastructure. Les sept centrales qu'il nous faut jusqu'à 2010 nous coûteront Rs 10,5 milliards, c'est-à-dire bien plus que le projet métro léger dans son ensemble.

Qui peut vouloir laisser un tel marché être attribué sans la concurrence, la discipline, la transparence et l’accountability d'un Request For Proposal ? Quel Mauricien peut préférer retourner au régime où des fonctionnaires mal équipés s'asseyaient autour d'une table avec l'industrie sucrière pour savoir qui serait le prochain à tirer le jackpot sans que personne ne comprenne par la suite sur quel critère d'évaluation.

Il est tout à fait évident qu'un exercice d'appel d'offres comme celui que nous avons institué n'est pas à l'avantage du secteur sucrier car il lui impose une concurrence qui affecte sa marge. Il aurait été de son intérêt de continuer la chaise musicale that keeps it smiling all the way to the bank. C'est ce qui explique du reste le silence éloquent des organisations patronales et leur pleutre manque de prise de position sur ce dossier brûlant. Et ce, malgré leur passion ineffable pour la transparence.

Je suis extrêmement fier d'avoir aidé à changer cette ineptie qui ne peut qu'encourager la corruption. Que des tracts infâmes proviennent de ceux qui ont tout à perdre avec le nouveau système ne devrait nullement nous étonner mais Jack Bizlall n'étant pas de ceux-là, il devrait savoir de quel côté se ranger. Au jour d'aujourd'hui, dans ce dossier, il a fait le jeux des crapules et des magouilleurs.