JM et les chefs coutumiers de la République démocratique du Congo

27 December 2023

Silence, on exécute à Gaza!


Par Jean-Mée DESVEAUX
l'express du 27 décembre 2023

Si le problème de la Palestine est un problème existentiel, ce n’est pas seulement parce que nous assistons à ce qui présage indubitablement la disparition de ce qui reste de ce peuple qui a souffert stoïquement depuis trois quarts de siècle sur son sol. Ils sont 5,5 millions à Gaza et au West-Bank sur les 14,3 millions éparpillés, souvent sous des tentes, de par le monde. Ce problème est existentiel pour chacun de nous parce que nous sommes aux premières loges à assister, sans lever le moindre doigt, à l’éradication de ce peuple méprisé et de son territoire réduit à peau de chagrin.

Je m’étais longtemps demandé quelle position j’aurais prise si j’avais vécu dans les années trente, lors de l’exécution systématique des juifs européens par l’infect régime nazi. Quelle attitude adopter face à une machine inexorable qui, de facto, transforme notre silence en lâcheté, quelles qu’aient pu être les dispositions morales et philosophiques que nous pensions être les nôtres jusque-là.

Il existait bien sûr une solution qui pouvait séduire les âmes bien trempées car on y risquait sa peau, celle de son conjoint, si ce n’était de toute sa famille : joindre le maquis et aider la résistance ! Les nombreux Mauriciens qui ont arpenté les rues de Paris auront sans doute remarqué ces centaines de plaques murales qui jonchent les murs à la mémoire des résistants abattus sur place sans autres formes de procès par la Gestapo durant l’occupation de la France par l’armée allemande. Ces hommes et ces femmes servent aujourd’hui de bouclier à l’honneur de la France et sauvent la face aux « résistants de la dernière heure » et à tous ceux qui, au moment crucial où on embarquait les victimes comme du bétail sur les camions à destination des chambres à gaz allemandes ou polonaises, détournaient le regard ou changeaient de trottoir. Mais, qu’on se le dise : quoi qu’on fasse, cette tare demeure de façon indélébile, quelle que soit sa tolérance personnelle à la mauvaise foi.

Ici, cependant, s’arrête toute comparaison entre ces deux génocides. Les lobbies qui encadrent immanquablement les nouveaux bourreaux ont mené une campagne savamment orchestrée au niveau international pour que toute sympathie avec les victimes d’aujourd’hui soit immédiatement accompagnée d’opprobre et de lourdes sanctions pénales à travers l’Europe et le monde occidental. Les rôles et les valeurs sont inversés. Comme dirait l’autre, « Fair is foul and foul is fair ». L’Occupant est encensé, alors que lui opposer la moindre résistance devient du terrorisme. Les défendre se transforme en « apologie du terrorisme » qui entraîne de lourdes charges pénales si ce n’est l’emprisonnement . « Tsahal », à qui référence est faite comme à une entité domestique bienveillante et une force héroïque, attire l’admiration. Aujourd’hui, quand c’est Israël qui tue, persécute, exécute et torture à sa guise près de six millions (chiffre fatidique) de Palestiniens, toute critique s’apparente à une tendance toxique, appendage d’un islamogauchisme intolérable.

Exagération ? Voyons voir. Un préfet français qui a eu le courage d’énoncer une vérité de la Palice selon laquelle Israël est le seul pays au monde où on ne torture pas durant le Sabah, se vit démettre de ses fonctions de façon instantanée. Plusieurs Américains qui ont récemment osé « like » le sarcasme du Facebook de The Onion sur le toupet de ces Palestiniens qui ont omis de faire les éloges d’Israël pendant leurs dernières heures d’agonie ont eux aussi été démis de leurs fonctions.

Mais cela va jusqu’au niveau national. Avant qu’ils ne soient honteusement désavoués par leurs institutions nationales, le gouvernement de Rishi Sunak et celui d’Emmanuel Macron avaient tout bonnement interdit toute manifestation populaire en faveur de La Palestine durant le « carpet bombing » israélien de Gaza que Tsahal retournait à « l’âge de pierre ». Oubliées la Magna Carta et la Charte de la liberté d’expression sacrosainte où dessiner le prophète Mohamed représentant un chien devient un droit fondamental et inaliénable de tout Français et Française. De plus, quand on organise une grande marche pour protester contre les excès commis à Gaza, ce n’est pas contre la disproportionnalité excessive entre l’acte et le carnage aveugle de la rétribution de l’armée israélienne. On ne marche pas pour protester contre le fléau du racisme ou de l’islamophobie qui menace de faire tache d’huile dans l’Hexagone mais contre l’antisémitisme, la seule cause qui vaille la peine qu’on se déplace. Cette mentalité discriminatoire se traduit en pratique à travers l’exemple du Franco-Israélien Giliad Shalit, citoyen français à double nationalité qui, en bon Israélien, joignit Tsahal pour se faire la main aux armes et se fit malencontreusement capturé par le Hamas. La France, les USA et Israël remuèrent ciel et terre pour le libérer au bout de cinq ans en grande pompe et festivités. Serait-ce trop insolent de s’enquérir sur le nombre d’années de villégiature carcérale qui aurait accueilli le compatriote Franco-Palestinien de M Gilad Shalit à son retour en France après avoir accompli son devoir patriotique au sein du Hamas en se battant contre l’armée d’occupation de la Palestine ?

Mais il y a mieux en ce qu’il s’agit de parti pris international en faveur d’Israël. Les USA, le pays qui ne peut se permettre le luxe de donner aucune couverture médicale à sa population de 50 millions d’indigents qu’on laisse mourir sous les ponts, peut cependant se permettre d’octroyer, bon an mal an, la coquette somme de $3,8 milliards d’aide militaire à Israël, le seul pays de la région doté de la bombe atomique et seul pays au monde à partager les bombardiers les plus sophistiqués des USA. Pris de panique par le récent refus de Hamas de retourner à la niche rejoindre l’autorité palestinienne devant les exactions de l’occupant en Cisjordanie et Gaza, les USA ont démontré leur solidarité indéfectible à Israël en lui fournissant 15 000 bombes de plusieurs tonnes et en lui octroyant une nouvelle aide militaire de $14 milliards. L’Amérique a par ailleurs opposé trois vetos au Conseil de Sécurité pour donner libre cours à la fureur et la haine génocidaire d’un Israël assoiffé de sang palestinien. Le secrétaire d’Etat, Anthony Blinken, qui se confirme d’extraction juive, a jugé qu’Israël avait le « devoir de se défendre ». Il avait précédemment rejeté toute mesure de boycott BDS contre Israël qui n’était pas, selon ses critères moraux, un envahisseur. Ce très proche collaborateur de Joe Biden gobe toutes les statistiques que lui passe Israël et qu’il répercute en public, comme le fait du reste son patron dont l’autre proche conseiller est Mons Chuck Schumer, Président du Sénat américain. Ces messieurs n’auront jamais la grandeur d’âme, ni l’objectivité d’un Bernie Sanders. Mais Israël a compris le message 5/5. Le signal est donné pour le bombardement débridé de Gaza, suivi d’attaques meurtrières en Cisjordanie où les colons armés jusqu’aux dents en profitent pour expulser et tuer encore plus de voisins palestiniens gênants et les exproprier. Les statistiques qui découlent de ce fait sont périmés aussitôt publiés :

15 000 civils morts en trois semaines, broyés sous les bombardements meurtriers des chasseurs israéliens. 1 200 Israéliens tués durant l’attaque du Hamas, dont 300 soldats qui défendirent chèrement leur peau en neutralisant 1 500 combattants du Hamas lors de l’affrontement initial.

Un enfant tué et deux autres blessés toutes les 10 minutes.

6 500 enfants massacrés parmi les civils précités.

900 enfants avec des jambes et des bras estropiés par une merveille de bombe, ingénieuse à souhait, qui en explosant projette horizontalement des disques aiguisés en acier ressemblant à des CD à 200 km/h.

32 enfants morts dans leurs incubateurs à cause du manque de courant et d’oxygène, des centaines d’autres exilés en Égypte.

80 médecins tués ainsi que 202 infirmiers et aide-soignants.

108 professionnels de l’équipe des Nations Unies sur place sacrifiés (leurs collègues ne seront du reste plus admis sur le territoire car le patron des Nations Unies a osé faire le lien causal entre les événements du 7 Octobre et les 75 ans d’occupation et 17 ans de blocage hermétique de Gaza devenu la plus grande prison à ciel ouvert du monde.

60% des maisons détruites et 50 000 familles ayant perdu leurs demeures.

Crime de guerre des plus barbares : plus de 36 hôpitaux et autres institutions sanitaires mis hors service dans le nord et centre de Gaza, éventrés par les bombes et rendus inutilisables par des chars d’assaut qui les assiègent et leur tirent dessus. Une centaine de patients survivants éjectés manu militari de leurs salles de soins intensifs. Les milliers de sans-abris ayant pris refuge dans les couloirs des hôpitaux subissant le même sort. 

Un millier de malheureux emprisonnés sous les décombres de leurs habitations détruites sans aucun espoir d’être secourus.

73 journalistes tués bien souvent intentionnellement par des snipers israéliens.

Plus d’une trentaine d’écoles des Nations Unies, où s’agrégeaient des milliers de sans-abris, gommées de la surface de la terre. 

5,500 femmes qui devront accoucher dans la rue durant le mois prochain avec la certitude de complications obstétriques dues au stress causé par les bombardements.

3 000 Palestiniens arrêtés en Cisjordanie depuis le 7 octobre (en sus des centaines d’autres tués par les colons armés) ce qui rend totalement saugrenus les échanges de prisonniers qui deviennent instantanément dérisoires puisque les geôles israéliens se remplissent, aussitôt les anciens locataires remis « en liberté ». Cela ne devrait pas nous étonner dans le seul pays au monde où un enfant qui jette des pierres aux soldats de l’occupation encourt jusqu’à 20 ans de prison devant une cour militaire, s’il n’est pas tué sur le champ par un soldat qui n’aura aucun compte à rendre sur l’« incident ».

Dans ce kaléidoscope de meurtres atroces, on ne peut éviter d’arrêter un instant le regard sur ces héroïques pilotes israéliens qui orchestrent ce massacre. En plus des 15 000 Palestiniens abattus de sang-froid dans ce « carpet bombing » qui rase tout sur son passage, près de 70 otages israéliens ont succombé à leur frappe fratricide, dont récemment une mère, un enfant et un bébé de la même famille. Il est utile dans ce contexte de se rappeler que dans le sillage de la première guerre du Golfe en Irak dans les années 80, les pilotes américains avaient brandi la menace d’une mutinerie, refusant de tirer lâchement dans le dos des milliers de soldats irakiens en fuite, une tâche qu’ils considéraient ignominieuse pour leur profession. Il faut croire que le recrutement pour se joindre à cette profession chez Tsahal depuis, requiert une obéissance aveugle quel que soit le sale boulot qu’on leur assigne même si c’est de leur « propre sang ». 

Dans ce même ordre d’idées, les « innocent bystanders » que nous sommes ne pouvons écarter le soupçon que n’était-ce la pression de la rue en Israël, Benjamin Netanyahu aurait refusé toute pause au carnage des Palestiniens afin de déclencher une boucherie de tous les otages israéliens (par leurs propres munitions) et ainsi déclencher en Israël et aux USA une fureur vengeresse ingérable et insensible à tout appel aux considérations humanitaires. Les Palestiniens seraient incontestablement conçus comme des bêtes et mériteraient d’être traités comme tel. Dès lors, nonobstant les objections de l’Egypte inféodé aux USA par le petit milliard d’aide militaire annuel qui lui permet de rester l’armée la plus puissante au Moyen Orient après Israël, en deux tours de mains, ce qui resterait des 2.2 millions de Palestiniens entassés à la barrière de Rafah auront le choix d’être évaporés sous les bombes américaines de Tsahal ou s’installer en permanence dans le désert du Sinaï ou encore rejoindre les millions de leurs compatriotes de par le monde. Gaza, où même Ariel Sharon se cassa les dents en 2005, deviendrait alors la côte d’Azur d’Israël sur la Méditerranée. Qui sait ? Bibi pourrait se refaire une virginité politique ?

Est-ce là de la géopolitique fiction bâtie sur ce territoire de 40 par 13 kms? L’identification d’une « safe zone » où le civils palestiniens pourraient y mettre leur famille en relative sécurité a été jusqu’ici un jeu sadique du haut commandement israélien. Les militaires israéliens ont d’abord forcé les Gazaouis de quitter le nord et le centre de Gaza pour le sud sous la menace d’un bombardement incessant. 1,1 million de Palestiniens furent ainsi transférés du nord au sud de Gaza en empruntant des routes "sécurisées" qui étaient très souvent elles-mêmes pilonnées. La concentration de la population qui avait été jusque-là de 6 500 habitants par kilomètre carré atteignît ainsi les 13 000 par km2. Puis ces « oasis de sécurité » furent à leur tour sujets au carpet bombing forçant une population en panique à se déplacer une nouvelle fois, cette fois vers Rafah, la frontière avec le Sinai, territoire égyptien. Ensuite, Rafah, devenue elle-même la cible de lourds bombardements, ce que les organisations internationales d’aide ont surnommé « un jeu de bataille navale » a été mis en place avec une carte détaillée de tout le territoire numéroté en petits carrés d’un ou deux kilomètres carrés. Le hic est qu’alors que Tsahal était censé donner une indication sur les carrés qu’il fallait fuir, aucune indication ne fut donnée où se réfugier en sécurité. Un autre petit problème mineur est que les cartes papiers jetées depuis des avions contiennent des QR codes numériques qui ne peuvent être décryptés sur un téléphone portable dans un territoire où l’internet et l’électricité ne sont plus que de lointains souvenirs. En dernier lieu, le commandement militaire israélien demanda au 1,9 million de déplacés de se réfugier dans la « safe zone » de Al Mawasi qui mesure 1 km de large par 14 km de long! Imaginez une bombe dedans.

Si ce n’est pas un foutage de gueule magistral de toutes les instances humanitaires internationales et du leadership de chaque pays qui n’a pas rompu ou suspendu ses relations diplomatiques avec l’État juif, faisant de lui un lâche ou un hypocrite, cela lui ressemble étrangement.


 

 





 

21 February 2021

Dans l’orbite du pouvoir : incursion dans la galaxie des « superconseillers » des PM



Ils sont bien souvent l’ombre du Premier ministre. Ils agissent loin des feux des projecteurs pour certains, en avant-plan pour d'autres. À travers une série de témoignages, Le Défi-Plus a, ‘on record’ et ‘off record’, tenté de mieux comprendre le rouage et surtout l'influence de ces proches des chefs du gouvernement. 

Une des raisons de sa démission au gouvernement est le rôle prépondérant et dominant de certains conseillers du Premier ministre. Nando Bodha, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien secrétaire général du Mouvement Socialiste Mauricien (MSM) qui a fait ressortir que « le Premier ministre est enfermé dans un cercle hermétique où il faut souvent passer par les conseillers pour le rencontrer ». Nando Bodha estime qu’« il y a un pouvoir cadenassé où seulement deux à trois personnes prennent les décisions ». Les conseillers de ce gouvernement ont plus de pouvoirs que les ministres, dit-il. 

En revanche, son opinion est contredite par Avinash Teeluck, ministre des Arts et de la Culture, et Bobby Hurreeram, ministre des Infrastructures publiques. « À chaque fois que je sollicite Pravind Jugnauth, j’obtiens un rendez-vous dans les heures qui suivent, ou sinon un ou deux jours après. Je ne passe pas par des intermédiaires. De plus, on se parle de tout. Du coup, je trouve la déclaration de Nando Bodha inexacte. Le Premier ministre ne fait aucune distinction. Que vous soyez un ministre ou un député, il vous rencontrera », soutient le ministre des Arts et de la Culture. Le ministre des Infrastructures publiques a abondé dans le même sens, en allant aussi loin que de prêter serment sur la tête de son enfant sur les ondes de Radio Plus, dans l’émission ‘Au cœur de l’Info’.

Sur la crête de cette controverse, Le Défi-Plus s’est immiscé dans la galaxie des « superconseillers » des Premiers ministres.

Relation « Special Advisor-PM »



Pour Jean Mée Desveaux, ancien conseiller au bureau du Premier ministre, au temps où Paul Bérenger occupait ce poste, la relation entre un Premier ministre et son conseiller c’est comme « danser le tango ». Réagissant aux propos tenus par l’ancien ministre des Affaires étrangères, Nando Bodha, qui a fait état de l’influence malsaine des « Senior Advisers » du Premier ministre, Jean-Mée Desveaux précise que ce genre d’influence ne passe pas avec un Premier ministre comme Bérenger. « Paul Bérenger est avant tout quelqu’un qui connaît ses dossiers. Il suivait mes conseils, mais de manière éclairée. Et lorsqu’il faut mettre ses conseillers à sa place, il n’hésitait pas à le faire », raconte l’ancien bras droit de Paul Bérenger. 

En ce qu’il s’agit des pouvoirs dont il jouissait lors de la période 2000-2005, il tient à faire ressortir qu’il ne sortait jamais dans ses paramètres. « J’étais bel et bien conscient que je n’avais pas de pouvoir exécutif », déclare notre interlocuteur. D’ailleurs, ce dernier ne manque pas de rappeler qu’il a été derrière le recrutement de plusieurs responsables à la tête de certaines institutions, notamment l’Écossais Bill Duff comme Commissaire des Prisons ou encore l’Australien Philip Cash chez Airports of Mauritius Ltd (AML). « Je n’ai jamais recommandé le recrutement d’un marchand de gâteaux piments à la tête des institutions clefs du pays. Je ne voulais pas perdre des points et je ne voulais pas lui faire perdre des points également », affirme-t-il.

Jean Mée Desveaux soutient qu’il a choisi plusieurs responsables à la tête de certaines institutions"

Répondant à la question « si un conseiller peut avoir plus de pouvoirs qu’un ministre ? », Jean-Mée Desveaux tient à faire ressortir que d’abord un conseiller n’a aucune entrée dans le cabinet ministériel. « Lorsque Paul Bérenger était en discussion avec son ministre des Services publics sur un projet spécifique j’étais appelé à rédiger un papier afin de faire part de mon opinion, mais la décision finale revenait au Premier ministre », précise-il. 

En ce qu’il s’agit de l’accès des ministres à l’ancien Premier ministre, Jean-Mée Desveaux rappelle que les ministres n’avaient pas à passer par lui pour rencontrer le chef du gouvernement. « Ils se contentaient uniquement de venir me voir pour avoir une idée du ‘mood’ de Bérenger et bien souvent ils transpiraient à grosses goûtes », souligne-t-il. « Les personnes qui souhaitaient faire une donation pour le Mouvement militant mauricien (MMM) me contactaient et j’arrangeais une réunion avec Bérenger pour transmettre la donation en chèque. » dit-il.

 

Le GM dit nommer en fonction des compétences

Au niveau du bureau Premier ministre, un des conseillers du chef du gouvernement, explique ne pas vouloir répondre aux arguments mis en avant par l’ancien ministre des Affaires étrangères, Nando Bodha, concernant l’influence des conseillers. Au sujet de la présence des conseillers sur les différents conseils d’administrations, des institutions gouvernementales, il soutient qu’il s’agit d’une politique gouvernementale. « C’est au niveau du gouvernement que l’on décide qui nommer en fonction de ses compétences. »

Rémunérations et privilèges  

Les salaires et privilèges auxquels ont droit un conseiller opérant au Prime Minister’s Office (PMO) varient bien évidemment en fonction de la hiérarchie. Selon les documents que nous avons consultés, que ce soit sous l’ère Ramgoolam, Jugnauth père et Jugnauth fils, le salaire d’un conseiller débute à partir de Rs 21 475. Dans ce cas précis, il s’agit de Viswaraj Malloo, Public Relations Officer au bureau du Premier ministre en mars 2018. Son package comprenait également une allocation de Rs 5 545 ‘for working beyond working hours’. 

En ce qu’il s’agit des plus gros salaires, nous observons que sous l’ère de l’ancien Premier ministre, Navin Ramgoolam, c’était Kerteecoomar (Kailash) Ruhee, ancien Senior Adviser/Chief of Staff de 2005 à 2014, qui touchait un salaire mensuel de Rs 156 000. Comme privilège, il avait droit à soit une voiture de 2000 cc ou une remise de 100 % duty free pour l’achat d’un véhicule. Il avait aussi droit à une ‘travelling allowance’ de Rs 10 200 chaque mois et un chauffeur, sans compter une allocation de Rs 2000 pour son téléphone. 

Sous le régime actuel, selon le document le plus récent qui a été déposé il y a deux ans, Ken Arian, Senior Adviser au bureau du Premier ministre, a droit à un salaire de Rs 92 000, une ‘travelling allowance’ de Rs 11 500, des facilités de prêt bancaire pour l’achat d’un véhicule. Au temps où il avait occupé le poste de Senior Adviser au bureau du Premier ministre, Prakash Maunthrooa avait droit à un salaire mensuel de Rs 122 000. Comme privilège, il avait droit à soit une voiture de fonction de 2000 cc avec chauffeur ou 100 % de duty free pour l’achat d’un véhicule avec des facilités de prêt bancaire. 

Par ailleurs, il faut aussi savoir que bon nombre de conseillers sont aussi souvent appelés à faire partie de la délégation du Premier ministre lorsque ce dernier va en mission à l’étranger. Pour ce qui est du coût des voyages des « Advisers » du Premier ministre en 2018 et 2019, plus précisément des missions effectuées à l’étranger, le document le plus récent s’élève à la hauteur de Rs 1 528,257.


09 October 2020

Sir Gaëtan Duval : "Je n’ai pas peur de mourir"

Entretien réalisé par Jean-Mée Desveaux, six mois avant la mort de Sir Gaëtan Duval. 
Business magazine 1995

On peut l’aimer comme on peut le détester mais pendant près de quarante ans, l’île Maurice n’a pu l’ignorer. Gaëtan Duval, le nom même évoque une foule de souvenirs et d’émotions qui ont marqué, souvent de façon dramatique, le cours de l’histoire récente de notre île. 

Dans l’interview qui suit, on a l’impression que plus que jamais l’homme d’Etat arrivé à un stade crucial de la vie, révèle la fragile structure de l’humain qu’on n’a réussi, jusqu’ici que d’entrevoir. Gaëtan Duval nous parle de la mort qui ne l’effraie pas et à laquelle il pense souvent. Il nous révèle les détails les plus intimes qu’il conserve à l’égard de son fils qui le remplace aujourd’hui à la tête du PMSD. De ce parti, il nous avoue qu’alors qu’il serait disposé à reprendre le leadership pour l’enlever d’une période de division, il n’accepterait jamais de poser à nouveau sa candidature dans l’arène politique.


Plus que toute autre pensée que Gaëtan Duval dévoile avec une candeur qui lui est propre, le lecteur gardera longtemps cette phrase qu’il veut voir gravée sur sa tombe : « Passant ne pleure pas, je ne suis pas mort. Je fais semblant. »



Une vie aussi remplie que la vôtre génère beaucoup de souvenirs chez soi, autant que chez ceux qui nous ont vu évoluer sur cette scène éphémère. Quelle est l’image qui survivra de Gaëtan Duval dans la mémoire de l’île Maurice quand Gaëtan Duval ne sera plus ?

A mon avis, ce sera quelqu’un de très près du peuple qui, bien qu’ayant à travers sa vie rencontré des gens venant de tous les mondes, a su quand même garder sa simplicité et mettre les gens à l’aise quels qu’ils soient. Quelqu’un aussi qui a contribué à faire de l’île Maurice, le pays qu’il est aujourd’hui, du point de vue économique, tout en rapprochant les différentes classes sociales du pays. Quelqu’un, enfin, qui en essayant de traiter tous les gens de la même manière, de les inviter autour de la même table, a tenté de diminuer les différences et les tensions entre les classes, je dis bien classes, je ne dis pas ethnie parce que pour moi la tension au sein de l’île Maurice d’aujourd’hui existe entre les classes plutôt qu’entre les ethnies.

Ai-je devant moi un Gaëtan Duval devenu adepte de la sociologie marxiste ?

C’est le contraire du marxisme. Le marxiste veut exacerber la tension entre les classes, alors que moi j’essaie de la diminuer.

Mais vous croyez que ce sont essentiellement les classes sociales qui divisent les hommes ? 

Aujourd’hui – et je parle de 1995 car ce n’était pas la même chose en 1960 – je prétends que quand on parle de malaise créole ou autre malaise, ce n’est pas un malaise d’éthnie ou de communauté, c’est un malaise de classe. Il y a des gens qui ont et des gens qui n’ont pas et ceux qui n’ont pas, ont un malaise quand ils regardent ceux qui ont. 

C’ est une question de société, d’ appartenance à une classe sociale beaucoup plus qu’une appartenance à une classe ethnique. Le petit Hindou qui travaille comme laboureur dans les champs de cannes ne sent rien en commun avec les grands Hindous du service civil ou les directeurs des corps para-étatiques. Il a beaucoup plus en commun avec l’ artisan ou le petit laboureur créole qui est à côté de lui.

Nous parlions de souvenirs, de l’image que vous laisserez derrière vous. Estce que cela vous importe cette image que vous laisserez derrière vous après que vous soyez parti ?

C’est peut-être bête mais la réponse est oui.

Pourquoi est-ce que cela importe pour celui qui s’en va ?

Pourquoi, parce que partir c’est mourir un peu, mais je ne voudrais pas que mourir soit mourir pour toujours, je veux seulement mourir un peu. Je suis d’accord de mourir. D’ ailleurs, ce que j’ ai donné comme dernière volonté, c’est de mettre sur mon caveau : « Passant ne pleure pas, je ne suis pas vraiment mort, je fais semblant ». Donc, j’aurais voulu vivre dans le cœur des gens et dans la mémoire de ceux qui viennent après. Parce que je crois que c’est important, pas seulement pour moi mais important aussi pour eux. Que dans leurs cœurs, dans leurs comportements, ils sachent que j’existais et ce que j’ai fait pour aider à la cohésion. 

Ce dossier de la mémoire nous joue le tour cruel de mettre sur le même pied les pellicules qu’on aurait préféré oublier d’ une jeunesse fougueuse, mêlée pêle-mêle avec celle de l’ homme d’ Etat mûr en pleine commande de ses facultés mentales et émotionnelles. Quelles sont les pellicules ou les chapitres mêmes que vous auriez préféré ne pas voir mentionnés dans ce recueil final ?

La mémoire est sélective, de sorte que pour moi, à 64 ans, je me souviens de ce que ma mémoire peut bien se souvenir ; c’est ça l’histoire. Il y a sans aucun doute des incidents dont je ne veux pas me souvenir, mais c’est sans importance, ce n’est pas très grave. Je ne crois pas, cependant, que je voudrais voir toute une époque de ma vie ensevelie, parce que la vie est un tout. J’ai changé c’est vrai, mais j’ai évolué et, s’il n’y avait pas cette époque précédente de la vie, il n’y aurait pas eu la suite. 

Vous avez des regrets…

Dans ma vie privée oui ; dans ma vie publique non.

Et vous faites une grande distinction entre les deux ?

Je fais une grande distinction, parce que dans ma vie privée, je regrette des tas de choses. Dans ma jeunesse, dans ma fougue, mon impétuosité, j’ai peut-être fait mal, ça je regrette, si je pouvais effacer, je l’effacerais.

Et dans la vie publique ?

Dans la vie publique, je ne regrette rien. J’ai commencé par être le « roi créole », j’ai amené une coalition qui a évité à l’ île Maurice toutes ces souffrances des pays nouvellement indépendants. Ensuite, j’ai fait ce que j’ai pu pour le développement du pays et j’ai été respecté pour cela. Aujourd’hui, je suis aimé de tous. Il y a très peu de gens qui disent du mal de moi et il y a très peu de gens qui ne m’aiment pas. Du moins, je le crois. 

Si vous excusez mon audace, beaucoup de grands hommes approchant le stade de votre vie ressentent un besoin spirituel pour combler un vide existentiel. Gaëtan Duval ressent-il ces tentations métaphysiques qui permettent à ceux qui, comme lui, ont vécu une vie essentiellement matérielle d’amadouer un au-delà toujours possible ?

Ce ne serait pas vrai, mais je dois vous dire que, sur ce sujet, j’ai été très influencé par deux choses : par une personne, Sir André Nairac, et par un film « L’Itinéraire d’un enfant gâté ». André Nairac m’aimait beaucoup et je passais des journées à Trou-d’Eau-Douce chez lui. Il m’avait dit, un jour : « Tu vois Gaëtan, aujourd’hui je vais m’en aller, je vais passer un an en dehors du pays et quand je reviendrai je vais changer ". Quand il est retourné, il avait changé et il était tombé dans la religion, et on entendait à la radio : « Après Sœur Sourire, vous entendrez maintenant Sir André »

Et puis j’ai vu « L’itinéraire d’un enfant gâté » où Belmondo efface complètement une partie de sa vie et recommence une autre vie complètement. Cela m’a beaucoup influencé et j’ai actuellement envie de faire la même chose, c’est-à-dire de changer de vie complètement, moi aussi.

Un retour spirituel ?

Non pas nécessairement. Différent, il faudra que je m’interroge. Il faudra que je cesse de travailler pour cela, car quand on fait un travail 7 heures par jour, on n’a pas le temps.

Métaphysique ? 

Peut-être, j’en sais rien, pas encore.

Religieux ?

Pas encore, je ne sais pas, aucune idée. La seule idée c’est que je dois changer et recommencer. 

Pour préparer un départ ? 

Pour s’assumer oui ! Je pense au départ. Je viens de vous dire que j’ai fait refaire le caveau de la famille et que je pense à ce qu’on mettra sur ma tombe. D’ailleurs, mes amis m’insultent quand je parle de ces choses-là, mais il faut en parler, je n’ai pas peur. 




L’essence même de Gaëtan Duval est qu’il irait jusqu’en enfer pour défendre ses amis. Pour ses proches, et on ne cesse de le critiquer pour cela, il va encore plus loin. C’est donc avec beaucoup de surprise que l’île Maurice l’a vu aux prises avec la chair qui lui est la plus proche durant ces dernières années. Pourquoi cette attitude amère vis-à-vis de Xavier qui dit maintenant qu'il a honte de s'appeler Duval  ? 

Xavier est un enfant du divorce, le jour où Xavier est né, j’ai quitté la maison, parce que ça n’allait pas. C’est pas parce qu’il était né, mais parce que je me disais que si je me prends à aimer cet enfant, comme j’adore les enfants, je ne pourrais jamais plus me séparer de lui, quitter la maison et refaire ma vie. Or, il fallait que je refasse ma vie. J’ai connu Xavier quand il avait peut-être 14 ans vraiment. Quand je partais en Europe, il venait me rencontrer en France, j’arrangeais pour lui des voyages de millionnaire avec les Jaipur en Inde etc. Naturellement, ça ne suffisait pas, je m’en rends compte maintenant. Quand il rentrait chez lui en Europe avec mère, il n’était pas pauvre, mais il vivait complètement différemment. Il disait que pendant que les autres autour de papa vivent comme ça, regarde moi comme je vis, je prends l’autobus, le car pour aller à l’école.

Mais quand il venait, il était heureux. Je lui ai donné une Porsche à 18 ans. Donc, tout ça a dû bouillir pendant un certain temps, comme dans un volcan, n’est-ce pas, et puis un jour c’est parti, c’est sorti et il le regrette, je suppose, parce que je suis très bien avec sa mère. A chaque fois que je pars en Angleterre, je l’invite à déjeuner ou à dîner. Je suis très bien avec la famille parce que nous sommes des adultes. N’empêche que Xavier avait, si vous voulez, un compte à régler. Et c’était aussi méchant que bête, mais ce qui me tranquillise, c’est que ce n’était pas calculé.


Mais vous n’avez pas mâché vos mots non plus, une "voiture sans moteur" ?

Non, mais vous venez de me parler de la famille. Je voulais lui dire simplement que quand on ne s’occupe pas de sa famille, on devient très très vulnérable. Nous avons vu ce qui s’est passé d’ailleurs avec les gens dont il s’est entouré. Mais si Richard ou Hervé étaient dans ce comité et qu’on avait décidé de sortir contre lui, ça ne se serait jamais passé comme cela. Du reste, le comité n’aurait jamais touché à Xavier s’il pensait me déplaire. 


Le comité a tout fait à Xavier pour vous faire plaisir…

Pas pour me faire plaisir, mais sachant que ça ne se retournait pas contre moi. Il avait ouvert toutes ses défenses et il était sans armure, parce que ceux autour de lui qui frappent la famille, le père, l’oncle, le frère, tous ceux qui l’aiment, lui enlèvent son armure pour mieux l’atteindre. 


Donc Xavier, sur l’échelle des sentiments, est quand même moins proche que les autres ?

Par la force des choses, par des circonstances, mais n’empêche qu'on a eu nos relations extrêmement, je pèse mes mots, je ne dis pas affectueuses, je dis cordiales. Depuis le temps que je le connais, c’est-à-dire depuis 14 ans, 15 ans, on n’a jamais eu une prise de bouche, absolument rien. J’avais toujours vis-à-vis de Xavier, un complexe de culpabilité qui m’empêchait de l’engueuler ; il n’a jamais été engueulé de sa vie. Quand il a écrasé la Porsche, bof ! il a écrasé la Porsche ! Ce n’est même pas lui qui l’a fait, il l’avait prêtée à un copain qui l’a écrasée.Peut-être que ce qui lui manquait, c’était justement une bonne engueulade. 


Est-il possible que l’amertume vis-à-vis de Xavier soit due au fait qu’il ait osé séduire, avec un certain succès, la seule créature que son père ait jamais vraiment aimée : le PMSD ? 


D’abord, mettons les choses au point : je n’ai aucune amertume contre Xavier. Xavier vient ici et il m’a dit, la semaine dernière, qu’on ne parle pas de politique. J’ai complètement oublié ce qui s’est passé, ce que Xavier a dit. Valéry disait, quand on pense on ne peut pas haïr, quand on demande pourquoi, c’est comme ça, on ne peut pas en vouloir à l’autre. C’est terrible de penser. D’ailleurs, je médite : ce qui est beaucoup plus grave. Quand vous méditez, tout ce qui est foncé, devient en couleurs. Je dois vous dire franchement : je n’ai aucune amertume contre Xavier. Xavier ne m’a pas atteint, parce que j’ai compris, ce n’était pas calculé, c’était un réflexe, une réponse, c’était un gosse mal élevé, ce n’était pas calculé parce qu’il se faisait mal en même temps.


Mais je ne me réfère pas à la remarque de Xavier, je me réfère au fait que Xavier a pris la seule créature que vous aimiez, le PMSD, et il l’a prise, je dirais bien, avec un certain succès. 


Mais je le lui ai donnée. Je le lui ai donnée par égoïsme et par lâcheté, parce que je ne voulais plus assumer cette responsabilité, ce fardeau. J’ai eu pitié de Xavier, quand je l’ai vu rester jusqu’à 4 heures du matin au Parlement. Je me dis qu’est-ce que j’ai fait à cet enfant. Je pouvais me défendre en disant que c’est Xavier, si Xavier n’était pas là, j’aurais eu à assumer tout ça moi-même parce que vous savez que les Mauriciens, quoiqu’on en dise, aiment les dynasties. Donc, j’ai tout mis sur le dos de Xavier. C’était plus facile que d’aller chercher un autre.

Quand j’ai pris les rênes de Jules Koenig, j’ai décidé de changer de style. Donc, on a changé de style. Quand Xavier m’a succédé, je ne pensais pas qu’il fallait changer de style, je pensais que ça allait continuer comme c’était, mais lui il a pensé qu’il fallait changer. Il a peut-être raison. Xavier m’a plusieurs fois dit que ce n’est pas le même parti, qu’ il faut changer de style, je ne vois pas bien la différence mais enfin tant mieux s’il réussit. 

Donc, il a fait la même cassure que Gaëtan a fait de Koenig ?

Je n’en sais rien. Il faudra attendre pour se déclarer. Mais ce qui est sûr : c’est que Maurice n’est pas prête encore à voir une équipe de dirigeants qui sont des scientifiques, qui sont des intellectuels. Maurice a besoin d’être aimée, caressée, cajolée, embrassée. 

Toujours ?

Toujours.

Même à la veille du troisième millénaire ?

Oui.

Vous croyez ça ?

J’en suis persuadé.

Et lui, il est trop technocrate ?

Non, non comme je vous dis : il y a des joueurs et lui, au commencement, il aimait le jeu, il aimait les vieilles dames qui vous tenaient les mains dans la foule. S’il a décidé de faire autrement, j’en sais rien, mais il le dit tout au moins.

La version mauricienne de cette confrontation oedipienne entre le père et le fils pour la reine (femme/mère) convoitée ferait de vous un roi défunt devant le succès de votre rival. N’est-ce pas contre cela que vous vous insurgez ? 

Je ne vais pas voir tout ça. Je vais changer de vie. Je serai spectateur. Je ne sais pas dans quelle situation je serai, mais je ne serai pas mêlé à cela, je n’aurai ni regret ni fierté ni quoi que ce soit.


Absolument pas ?

Non

C’est possible ça ? 

Je vais essayer.

Accepteriez-vous d’être de nouveau le leader du parti qui vous a élevé au rang de la royauté créole ? 

Leader du parti peut-être si c’était nécessaire de l’amener à une élection mais candidat, jamais. Ce que je dis c’est que si c’était nécessaire de prendre le leadership pendant quelque temps parce qu’il y a des élections qui arrivent et que le parti est divisé, je le ferais, mais me demander d’être candidat, jamais. Mais alors, jamais.

En tant que roi créole, vous avez réussi à créer un rapprochement historique unique entre la population créole et leurs anciens maîtres, les Franco-Mauriciens. Cette alliance se fit cependant au coût de l’aliénation totale de la population majoritaire asiatique mauricienne. Auriez-vous joué la carte de la menace hindoue si vous pouviez refaire ?

La menace hindoue existait avant moi. Ce n’est pas moi qui l’ai créée car ce n’est pas un mythe. C’est une réalité ; nous étions à un moment donné où notre culture était attaquée. Je suis rentré dans la politique parce que le Parti Travailliste, provoqué, incité par les Anglais, voulait s’attaquer à notre culture. On voulait tuer le français. L’unique raison pour laquelle j’ai fait de la politique, c’est parce que je voulais défendre notre culture. J’avais commencé déjà comme étudiant à écrire des articles, des lettres au Mauricien contre cette menace. Donc cette menace était réelle, elle était véritable ; elle n’a pas été inventée. J’étais quand même assez lucide pour me rendre compte que nous ne pouvions pas gagner les élections sans les hindous. Cela vous rappellera que j’ai fait élire Panchoo à Quatre-Bornes et Ramlagun à Curepipe, parce que je n’ai jamais été assez débile pour penser qu’on pouvait gagner le pouvoir sans l’appui des hindous. Mais tout d’abord, pour pouvoir négocier, pour pouvoir parler, pour pouvoir s’associer, pour pouvoir se comprendre, pour pouvoir se tolérer peut-être, il fallait que je représente quelque chose…C’est donc ainsi que j’ai été élu le leader incontesté de la population générale. 

Ce que vous dites est vrai. C’est ça le miracle : de faire Sir Claude Noël marchant main dans la main avec son artisan, tenant tous les deux le même drapeau. 

Un deuxième miracle, c’est qu’aujourd’hui l’hindou accueille Duval à bras ouverts, car il est sécurisant. C’est pour cela que, paradoxalement, Ramgoolam augmente le nombre de voix hindoues s’il s’allie à Duval. 


Vous parlez du jeune Ramgoolam ? 

Je parle du jeune Ramgoolam. Et puis, moi, j’ai évolué complètement. Je devrais donner ma cervelle à un institut ; qu’elle trouve la vis qui ne marche pas pour que je ne puisse ressentir aucun sentiment communal. Chez moi, j’ai des hindous, des créoles tout autour de moi. Je n’ai jamais fait la différence, et je ne fais toujours pas la différence maintenant. A un certain niveau, on ne fait plus de différence, c’est la classe comme je vous disais ; plutôt que l’ethnie, c’est la politique qui réveille ces sentiments communalistes. 

Certains penseraient justement que vous n’avez pas joué un rôle très positif dans ce domaine-là. Estce que vous rejetez une telle interprétation de l’histoire politique de Maurice ? 

Tout à fait. Il faut se rappeler ce que c’était avant moi. Avant moi, il y avait beaucoup de créoles dans le Parti Travailliste, car c’était le parti de Curé, de Rozemont, etc. Mais tout allait changer avec Ramgoolam père. Le premier qui a essayé d’obtenir le pouvoir à travers la majorité hindoue a été Ramgoolam. C’est du reste ce qui a permis au Parti Mauricien de devenir le seul parti du camp opposé. Il faut voir les choses globalement : il y a toujours une interaction dans les événements historiques. Si Ramgoolam s’était toujours entouré de grands créoles, il n’y aurait pas eu de place pour Gaëtan Duval. C’est la mort de Rozemont et le rejet, voire l’exclusion des autres créoles, qui ont rendu possible Gaëtan Duval.

Tout a donc commencé avec Ramgoolam ?

Non pas tout, mais un des éléments les plus importants était que Ramgoolam s’est rendu compte qu’il pouvait jouer la carte communaliste. Ramgoolam n’était pas un communaliste, pas du tout. Il faisait semblant parce qu’il se disait qu’il fallait absolument avoir le vote hindou pour pouvoir gagner les élections. Ramgoolam était un homme d’une culture extraordinaire, c’était un homme au cœur ouvert ; c’était un grand homme. 

Vous l’aimiez ?

Je l’aimais beaucoup, mais de temps en temps, il avait une réaction communaliste. Il se disait : « Il faut absolument que je ramasse mes troupes ». C’est ce que Jugnauth est en train de faire aujourd’hui au sujet du CPE, etc. Ramgoolam aurait probablement pris le même position que Jugnauth pour avoir le vote hindou, mais il m’aurait dit, en privé : « Gaëtan, que je déteste ce que je fais là. Mais que veux-tu ? »

Aujourd’hui le créole qui n’a ni la force économique du blanc, ni la force politique de l’Hindou ne peut-il pas blâmer Gaëtan Duval pour les avoir menés en bateau plutôt qu’à la terre promise en leur faisant s’allier au mauvais partenaire politique ?

N’oubliez pas que pour des gens extrêmement intelligents, le crime de Gaëtan Duval n’a pas été de faire ça, le crime de Gaëtan Duval a été de faire la coalition avec Ramgoolam. On oublie que quand je l’ai fait, je l’ai fait pour le créole autant que pour l’hindou. Je l’ai fait pour l’île Maurice. J’ai vu ce qui se passait dans les pays du tiers-monde après l’indépendance. On peut donc dire que nous avons évité la dictature, et les bagarres raciales qu’on a vues partout ailleurs.

Je ne me reproche absolument rien. Pour pouvoir faire l’alliance avec Ramgoolam et mener la politique que l’on a menée, il fallait que le PMSD soit fort. Estce que vous vous rendez compte que c’est la politique du Parti Mauricien de 1970 qui est suivie jusqu’à nos jours, que ce soit sur le tourisme ou vis-à-vis de la France et de l’ Europe ou encore de la zone franche. Vous vous rendez compte que si l’île Maurice existe comme elle est, c’est parce qu’elle est proche de l’Europe,et que cette vision était déjà là avec nous au départ. Maurice n’est pas l’Afrique, et j’étais navré de voir mon fils Xavier dire que c’était l’Afrique, mais c’est faux. Maurice, c’est Maurice. Mais Maurice avait intérêt à s’allier et se faire comprendre par les Africains. D’ailleurs, au sein de l’OCAM, j’ai fait ajouter un autre M pour bien démarquer notre entité bien mauricienne. Vous savez que Ramgoolam a eu à forcer la main à ses amis et à son parti pour laisser Gaëtan Duval partir et entrer dans l’OCAM. De l’OCAM, on est rentré dans l’OME. 

A quoi attribuez-vous le malaise créole ?

Je vous ai dit : je ne crois pas qu’il y a un malaise créole, il y a un malaise social, un malaise économique. Il y a trop de différences entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas. Il faut essayer de changer cela par l’amour, par la façon de les traiter, par l’attitude qu’on adopte vis-à-vis d’eux, par la culture, le théâtre, en ouvrant la porte de l’éducation. 

En plus, il faut dire ce qu’il faut : c’est que chaque ethnie, chaque communauté a ses propres faiblesses et sa propre force et les créoles ne sont pas des gens qui vont ramasser de l’argent. Nous ne savons pas ramasser de l’argent. Moi, je suis riche, mais sans fortune. Tout ce que j’ai c’est ce que vous voyez là. Si je cesse de travailler demain, je ne pourrai plus vivre correctement. Je suis un créole parfait ou imparfait comme vous voulez, mais on est comme ça. Alors, on vit au jour le jour. C’est le cas de le dire et c’est dans nos instincts, de ne pas penser à demain. Pas seulement à Maurice, c’est comme ça ailleurs aussi et c’est l’exception qui généralement confirme la règle…

Est-ce que cette propension condamne le créole à l’échec ?

Pas nécessairement. Il y a certains postes, certaines responsabilités qu’il pourrait mieux remplir. Prenez la corruption, par exemple, on n’est pas bien fort là. On ne sait pas comment ramasser de l’argent par la corruption. Notre faiblesse est notre force, c’est que l’argent ne nous attire pas.

Si nous jouions à la libre association et que je vous lançais quelques noms, accepteriez-vous de dire à haute voix ce qu’ils évoquent chez vous ?

Allez-y

Jules Koenig ?

Mon maître.

Jugnauth ? 

Du bon vin qui s’est gâté.

Votre mère ?

Maman ! Tout ce que je suis c’est maman. 

Azor Adelaïde ? 

Un incident. Un accident.

On ne peut pas arriver à comprendre que votre souhait le plus cher avant de mourir c’est de voir le fils de SSR au pouvoir, alors que vous preniez le vôtre par la main, il y a tout juste quelques mois, pour faire alliance avec le PM. N’estce pas là un manque de suite dans les idées ?

Pas du tout. Au contraire : le but c’est de se rapprocher de Jugnauth pour pouvoir le convaincre de partir discrètement de sorte à laisser venir une nouvelle équipe sans heurts et sans conflits. 

Il y a aussi eu une manipulation là-dedans. On m’a fait croire que Bérenger ne voulait pas de nous. J’ai voulu donc montrer que nous avions une autre porte de sortie que l’Opposition. Il ne fallait pas croire que Jugnauth m’avait mis en prison, que nous étions condamnés à faire une alliance avec l’Opposition. Je croyais qu’avec Xavier, je pouvais avoir une influence sur Jugnauth.

Vous avez revendiqué le droit à l’excès. Ce même droit vous nie aujourd’hui l’accès au Réduit. Est-ce que vous regrettez cela ?

Pas du tout ! Je n’ai rien à faire avec le Réduit. Mes pieds sont trop grands pour entrer dans les souliers de Ringadoo.

Le Réduit ne serait-il pas une belle façon de terminer votre vie politique ? 

Non ! Pas en toupie.

Le poète disait que le temps d’apprendre à vivre et il est déjà trop tard. Quelle leçon de savoir-vivre pourriez vous nous donner de votre expérience « existentielle » ?

Vivre pleinement la vie, la mordre à pleines dents. Faire ce qu’on doit faire, ce qu’on peut faire et n’avoir aucun regret sauf ne pas avoir fait plus.


28 July 2020

Cupidité, quand tu nous tiens…

NATIONAL PENSIONS FUND...CONTRIBUTION SOCIALE GENERALISEE

Par JOCELINE MINERVE
Le Mauricien du 28 juillet 2020


L’actualité nous a fourni tant et tant d’épineux dossiers à scandales touchant à l’argent public, ces dernières semaines. Sans compter ceux accumulés et dénoncés chaque année, voire des décennies durant par le Directeur de l’Audit. Sinon, débusqués par des enquêtes journalistiques … dossiers si étourdissants qui donnent le tournis au peuple. Laissons aux journalistes d’investigation la responsabilité de chercher les éléments de vérité pour éclairer davantage les lanternes de la population.

Contentons-nous, pour notre part, de nous intéresser à un seul dossier : celui qui concerne tous les contributeurs au Fonds National de pensions depuis son origine. Ces dizaines et centaines de milliers de compatriotes de plein droit. Quelle ne fut notre stupeur d’apprendre de la bouche de l’actuel ministre des Finances, lors de sa présentation du Budget dit national, l’annulation pure et simple du National Pensions Fund (NPF) pour le remplacer par la Contribution sociale généralisée (CSG). Tout doux ! De quoi parlait-il ce jour-là ? D’une mutation vers le haut ? Ou d’un projet funeste, calculé dans des officines obscures, voire dans les recoins sombres de ‘Lakwizinn ? Projet décidé unilatéralement, dans le dos des acteurs sociaux ! Acteurs sociaux qui ont, patiemment, depuis plus de 40 ans, construit un édifice financier dont la philosophie politique visait à assurer à chaque acteur social-citoyen la sécurité d’une retraite bien méritée au terme de sa vie active ! Edifice–Institution qui a permis d’alimenter les plus importantes compagnies d’Etat en constituant leur capital de départ tels ceux de la SICOM, de la State Bank of Mauritius et … j’en passe. Compagnies qui ont connu, par la suite, un changement de statut, sous pression des bailleurs de fonds internationaux au fil des décennies… pour devenir des compagnies publiques privatisées et moins encore ! Qu’en est-il à ce jour de ces placements ?

La convoitise…

Qui s’est soucié de nous informer de l’état de situation de ce Fonds sacré ? Qui a pris la peine de faire le bilan de cette Institution-pilier de l’économie du pays ? Quels sont les revenus mensuels en 2020 ? Déjà, en 1997, le ministère de la Sécurité sociale et de la Solidarité nationale – qui avait pour fonction d’agir alors comme Caisse des cotisations mensuelles des employés-épargnants travaillant hors de la fonction publique – encaissait plus de 500 de millions de roupies chaque fin de mois. À noter, également, qu’à l’époque, comme il y avait excès de liquidités au niveau des banques locales, le ministère des Finances, qui gérait le flux d’entrées mensuelles au NPF, décidait de les placer en Bons du Trésor ou en investissements sur le marché international. Manne qui suscitait la convoitise de beaucoup qui étaient à l’affût de provisions financières juteuses. N’ai-je pas, en tant que détentrice de ce portefeuille ministériel, été sollicitée par des dits-investisseurs potentiels, et, non des moindres, locaux et étrangers, qui ne cherchaient qu’à faire main basse sur une partie du pactole ? D’ailleurs, l’actuaire de l’époque Mme K. Boojeedhur-Obeegadoo et moi-même n’avons-nous pas été traitées de « The two bitches obstructing our strategic partnership with N…Bank » ? (Banque étrangère d’Afrique Australe). Projet sur lequel nous avons pu résister, fermement, jusqu’à notre démission forcée en juin 1997 du gouvernement. Je souligne aussi le soutien professionnel de Jean Mée Desveaux, doté d’une intelligence stratégique, alors Conseiller économique auprès de Paul Bérenger, à qui je rends un vibrant et chaleureux hommage et exprime ma sincère gratitude au nom des travailleurs-contributeurs de notre pays.


Démantèlement sans état d’âme


Hélas, 23 ans plus tard, qu’est devenu ce pilier de notre économie nationale? Aucun état des lieux ? Aucune mise à plat des tenants et aboutissants du NPF ? Que sont devenus tous ces placements au fil des ans ? Quel est, à ce jour, l’héritage historique foncier et en espèces sonnantes et trébuchantes de ce ‘joyau de l’État’. Colosse monétaire dont les travailleurs et employeurs ont construit le magot, calculable en argent provenant de la sueur de leur front ! Aucune information y relative ! Aucun bilan financier ! AUCUN SENS DU DEVOIR à rendre des comptes ! Pourtant, de l’eau a coulé sous les ponts. Les mécanismes d’épargne et autres structures annexes telles le National Solidarity Fund (NSF), l’Employees Welfare Fund (EWF), propriétaire, entre autres, du Centre de Vacances de Calodyne) et autres Levy… ont fait du chemin! Où en est-on à ce stade des affaires ? Quid des razzia, comme dans le cas des Rs 50 millions dilapidés sur le projet La Vigie et la somme astronomique de Rs 800 millions encore en procès devant la justice…? Qui en a cure d’un tel désordre ? Bien au contraire, saisissons-nous-en et prenons-en possession… Cela, avec un appétit vorace qui ferait pâlir Gargantua! Une liberté insolente de disposer du bien d’autrui sans consultation ni concertation des ayants droit ! Destruction sans daigner informer les premiers concernés, transformés aujourd’hui en ‘dindons de la farce’ ! Plus généreux que cela avec l’argent des autres : du jamais vu ! Démantèlement sans état d’âme ! Fonds dénaturé en CSG sans nulle autre forme de procès ! Un acte de décès froidement rédigé d’un trait de plume… De quel droit moral peut-on s’octroyer ainsi des fonds appartenant aux acteurs sociaux-citoyens sans que les élus, représentants du peuple, puissent obtenir, au nom de la transparence, un droit de regard ? Députés de l’Opposition, in abstentia, parce que expulsés, donne-t-il au gouvernement la licence opportuniste de voter de manière si expéditive, à l’étape d’examen en Comité, (Committee Stage qui durait au moins 2 semaines en mettant les hauts fonctionnaires sur des braises ardentes et les ministres de tutelle sur le qui-vive), sans que personne des travées du gouvernement ne daigne s’enquérir sur une décision si cruciale pour le devenir des retraités ???. ‘La raison du plus fort (?) est-elle toujours la meilleure’?


Mais, il n’est pas trop tard. Non ! ‘Jamais trop tard’ selon le proverbe, pour que les décideurs du jour, sans tarder davantage, fassent la lumière sur toutes ces questions demeurées sans réponses. Questions auxquelles le devoir d’État leur incombe de nous éclairer sous peine d’être à jamais condamnés par l’Histoire. Au nom de toutes les victimes de cette spoliation éhontée.

22 April 2017

Les contrats mirobolants des ''super conseillers''

Emission ''Au coeur de l'info'' 
Radio Plus
22 avril 2017


Radio Plus: Jean-Mée Desveaux, vous êtes un ancien ''super conseiller'' au bureau du Premier ministre. Sans indiscrétion, est-ce que vous touchiez aussi Rs 500 000 par mois?

JMD: (Rires) J’aurais bien aimé avoir touché Rs 500 000 par mois. J’ai gagné plus de Rs 500 000 par mois, mais c’était à l’étranger. A Maurice, au sein du gouvernement, je percevais Rs 126 000, en sus de quelques boards sur lesquels vous allez sûrement me poser des questions.

Radio Plus: Quand vous avez appris que M. Sanspeur gagne près d’un demi-million de roupies par mois, cela vous a-t-il choqué comme la majorité des Mauriciens?

JMD: Il y a deux façons de voir la chose. Soit Gérard Sanspeur siège, en tant que Chairperson, sur trop de boards, soit il touche trop d’argent. On ne peut tenir les deux critiques simultanément. Je me fais l’avocat du diable. Si nous disons que Gérard Sanspeur touche trop, voyons voir: en tant qu’Adviser, je suppose qu’il doit gagner environ Rs 200 000. Il a dit qu’il avait deux présidences pour lesquelles il touchait Rs 70 000 chacune. Il reste donc Rs 160 000 que nous divisons parmi les 5 conseils d’administrations, ce qui fait qu’il touche environ Rs 30 000 par board. Ce n’est pas énorme!

S’il s’active vraiment, comme on est en droit de s’attendre d’un chairperson, Rs 30 000 n’est pas une grande affaire. Mais, il est aussi rémunéré pour être le conseiller du Premier ministre (PM) et du ministre des Finances. Lui reste-t-il du temps pour ce travail central? Donc, l’accent doit être surtout mis sur un nombre inacceptable de boards du point de vue d’efficience, aussi bien que de celui de la bonne gouvernance.

Radio Plus: Est-il humainement possible de siéger sur tant de ''boards'' en tant que ''Chairperson''?

JMD: Nawaz, j’avais trois boards sur lesquels je siégeais comme simple membre. De plus, je conseillais Paul Bérenger. Cela me faisait quitter mon bureau quatre jours sur cinq à 22 heures.

J’ai déjà travaillé avec Gérard et j’admets qu’il est un bon travailleur. Mais jusqu'où va son efficience pour pouvoir présider et faire le suivi de 7 conseils d’administration ET en même temps conseiller le PM et le ministre des Finances, deux des plus grands ministères? Je ne comprends pas. 

Ce qui m’interpelle aussi c’est que le PM se mette dans une telle position. Cela démontre que le PM n’a pas confiance en suffisamment de personnes pour leur confier ces boards. Il les a confiés à Gérard Sanspeur parce qu’il n’a confiance en personne d’autre. Je trouve cela surprenant.


Deux genres de boards au gouvernement


De plus, vos auditeurs devraient savoir qu’il y a deux genres de boards au sein du gouvernement. 

Vous avez des boards, tels que Air Mauritius, la State Bank, la Bank of Mauritius, où votre jeton de présence est extrêmement fort. Gérard Sanspeur a dit qu’il faisait deux boards à Rs 70 000 chacun, c’est le genre de rémunération qui va avec ces boards, et parfois même plus.

Puis, vous avez les boards où on case les petits fonctionnaires, car ils paient moins de Rs 1000. Au sein des trois boards où je siégeais: Central Electricity Board, Waste Management Authority et, pendant un court moment, la Central Water Authority, je touchais Rs 900 par board. Et je me battais tellement pour ces boards que le PM m’a dit une fois: “Mais ce CEB-là est un autre gouvernement au sein du gouvernement on dirait!”. 

C’est une question de conviction personnelle. Etes-vous sur ce board parce qu’il paye bien ou est-ce parce que vous considérez que ce travail est important pour la nation. Le board où j’étais le mieux rémunéré pendant ces 5 ans était le Airports of Mauritius Ltd (AML) où je touchais Rs 12 000. Puis vers fin 2004-2005, j’ai siégé au Mauritius Revenue Authority (MRA) car j’avais suivi le dossier de la douane pour le PM depuis 2001. Et là, je touchais Rs 30 000 par mois. 

Mais attention, pour ces Rs 30 000 qui représentaient le double de tous mes autres boards réunis, je ne me suis pas assis comme un béni-oui-oui approuvant toutes les décisions les plus bancales pour le pays. C’est là que Mme Hanoomanjee et moi avons croisé le fer au sujet du recrutement du directeur de la MRA. Elle avait décidé pour des raisons inavouables que Bert Cunningham, le Customs Comptroller, ferait de l’ombre au syndicat pourri de la douane et à son propre assistant s’il devenait le Directeur Général de la MRA. Elle a tout fait pour l’évincer avec l’aide du Sollicitor General, le beau-frère de l’assistant de la douane.

Je me suis dit je ne vais pas m’asseoir et assister à cette farce de recrutement qui se moque de la bonne gouvernance, et qui mettra en danger la vie de nos enfants à travers la drogue qui passe à la douane. J’ai refusé les Rs 30 000 et j’ai donné ma démission au PM. C’était le board où je touchais le plus. J’aurais pu rester là tranquillement, mais je ne l’ai pas fait. Quand vous êtes un conseiller proche du PM, vous avez beaucoup de tentations et je crains que Gérard Sanspeur soit tombé dans ce piège.


Radio Plus: JMD quelles sont les tentations pour un ''super conseiller'' qui a tant d’influence, quelquefois, même sur des ministres?


JMD: On a la tentation d’avoir la grosse tête. J’entre au gouvernement en 2000 et je travaille pour Paul Bérenger comme Special Adviser. La State Trading Corporation (STC) qui était sous le ministère du Commerce (où le ministre était un MMM) est frappée d’immobilisme. Ce grand paresseux de ministre n’avait qu’un but, celui de prendre l’avion. Il me fallait prendre la STC en main et je me rends compte que la STC est à engloutir la moitié de ma journée. Je ne peux plus travailler pour Paul. Que fais-je? Je délègue. Je cherche un manager en la personne de Ravin Dajee et je conseille au PM de le nommer comme General Manager. La STC marche alors comme sur des roulettes.

J’aurais pu me faire élire le super président de la STC et y rester pendant 5 ans. Mais non, je n’ai pas été tenté par la grosse tête. Même chose pour le CEB. Nous avions un Sud-Africain incapable en la personne de M. Van Niekerk. Qui a poussé Mme Donna LeClerc pour le remplacer comme GM? J’aurais pu essayer de me faire un super chairman du CEB. En ce qui concerne le Commissaire des Prisons, c’est la même chose. J’ai choisi le patron des 12 gouverneurs des prisons de sa Majesté britannique à Londres pour venir travailler chez nous. Vous conseillez votre ministre de choisir les personnes qui siéraient le mieux à la tâche. Et quand je donnais un conseil à Paul sur un candidat, il l’acceptait les yeux fermés. Vous ne venez pas accaparer tous les postes parce que vous avez l’oreille du PM. Je crois donc qu’il y a un peu d’arrogance dans l’attitude de Gérard mais que voulez-vous? C’est humain.

Régime des Jugnauth

Il ne faut pas faire abstraction non plus du fait que nous vivons dans un climat délétère sous le régime Jugnauth. Tous les privilèges sont admis, les salaires exagérés sont la norme. L’affaire Sumputh où une dame qui touche Rs 323,000, a une relation ombilicale avec son ministre, dont la sagesse se résume à “Government is government and government decides!”. Tout devient acceptable et c’est pour cela que le peuple se révolte. Le problème du salaire de Gérard Sanspeur se situe dans un contexte où les Mauriciens en ont marre des passe-droits. Il faut ajouter à cela que ce qui a empoisonné la vie politique récemment c’est que le Conseil des ministres ne sait pas le vendredi qu’il y aura un changement de Premier ministre le lendemain! C’est du jamais vu. Nous savons que c’est constitutionnel et légal, mais ce mépris pour les ministres, les élus du peuple et du peuple lui-même démontre que nous n’avons ni une parliamentary democracy ni un presidential regime. C’est devenu une monarchie et même dans une monarchie constitutionnelle, vous ne voyez pas ce genre de chose. Nous vivons dans une monarchie autocratique comme en Europe au 18e siècle. Dans une telle atmosphère, il n’est pas étonnant qu’une anicroche comme les salaires de Gérard Sanspeur choque tout le monde. 

En ce qui concerne Gérard, il faut dire que, jusqu’à preuve du contraire, c’est un homme intègre. Je préfère un Gérard Sanspeur suivant des dossiers où les terres de l’Etat sont impliquées, plutôt que quelqu’un qui touche bien moins, mais qui a déjà jeté son dévolu sur des terrains pour ses fils, ses filles et autres neveux.

Ayant dit cela, Gérard a aussi ses faiblesses. Il est un grand bagarreur. Quand j’ai travaillé avec lui, il était le patron de la Mauritius Freeport Authority et Prakash Maunthrooa était le patron de la Mauritius Port Authority. Ils ne pouvaient pas se sentir. Si vous les laissiez seuls dans une pièce, ils se seraient étranglés. Cela rendait la vie impossible, car ils étaient tous les deux en charge du Port, les poumons du pays. J’ai eu à m’insérer dans cette équation d’egos, j’y ai mis bon ordre et on a travaillé en bonne entente lors des discussions avec la Banque mondiale et le secteur privé.

Paul Bérenger

Il y a aussi une chose à dire dans ce contexte sur le prime ministerial touch de Paul Bérenger. PRB ne m’aurait jamais permis, même si j’étais assez bête pour le lui demander, de me nommer comme chairperson d’un board. Quand le PM met son personal adviser comme chairperson, il s’expose lui-même à toute dérive qui pourrait s’ensuivre. N’importe quel scandale qui survient dans ce vaste domaine devient attribuable au PM personnellement car c’est son conseiller qui coupe et tranche in fine. De plus, il n’est pas nécessaire pour le conseiller d’être chairperson pour suivre les dossiers importants au sein du board. Sa prestance en tant que représentant du PM lui donne toutes les latitudes d’influencer la bonne marche des dossiers difficiles en évitant les embûches. La seule chose qui diffère est le jeton de présence.


Radio Plus: Quand un conseiller voyage 15 fois en 2 ans, 4 voyages durant le seul mois de juin, quel temps a-t-il pour siéger sur les boards et s’occuper de son ministère?

JMD: Malheureusement, il y a un laisser-aller de ce genre dans tous les gouvernements. Le per diem qui accompagne les voyages est comme une loterie qui part et qui revient. Je ne peux que vous parler de mon expérience personnelle à ce sujet. Durant les 5 dernières années durant lesquelles j’ai travaillé avec Paul c.à.d le gouvernement de 2000-2005, j’ai fait deux voyages à Londres. Le premier m’a permis de recruter le commissaire des prisons en la personne du chef de tous les gouverneurs de prisons de Londres. Une autre mission à Londres, avec le présent Financial Secretary, consistait à renégocier le management contract que l’Aéroport de Maurice (AML) avait signé avec la British Airways, contrat que les policy makers du gouvernement avaient décidé de résilier. Cette même mission me permit d’avoir des réunions importantes sur notre importation de ciment. Ensuite, ma troisième et dernière mission eut lieu au Sud Est Asiatique pour la pension. Ce sont les trois seules missions que j’ai effectuées en cinq ans au gouvernement.

Je suis entièrement d’accord avec l’implication de votre question. Tous les matins, un PM ou un ministre des Finances tient une réunion où il distribue le travail à ses proches collaborateurs. Comment pouvez-vous lui être utile dans ce processus si vous passez votre temps à voyager. Et de plus, siéger sur 7 boards? Non. Ce n’est pas sérieux.

C’est ainsi que je pense que Gérard Sanspeur se donne un mauvais profil. Je vous aurais dit jusqu’ici que Gérard est un gars bien, mais là, en ayant la grosse tête et en ayant une certaine arrogance, il est en train de perdre l’humilité du sérieux haut cadre du gouvernement qu’il était jusqu’ici. C’est dommage car il avait du potentiel. Comme le disait, un Permanent Secretary dans le temps: « Sans peur mais pas sans reproche » .

Defi Plus: Dernière question JMD, on entend souvent dire que ce PM creuse sa propre tombe à travers les conseillers qu’il a choisis. A quel point est-ce vrai?

JMD: Vous vous rappelez que Navin avait une trentaine de conseillers. Il avait des conseillers pour se donner un certain genre. Est-ce que vous voyez un Navin Ramgoolam s’entretenir avec un conseiller en environnement ne serait-ce que 30 minutes par semaine? C’est mal le connaître. 

Donc, la première catégorie de conseiller est celui qui se tourne les pouces. La deuxième catégorie de conseiller est celui qui connaît très bien les faiblesses et les penchants de son ministre, que ce soit en matière politique ou autre. Saisi d’un dossier, il conseille au ministre de suivre exactement la voie qu’il sait être celle que préfère le ministre. Et ce genre de conseillers se ramasse à la pelle. Ils ont l’instinct de survie et leur espèce est loin d’être menacée. La dernière catégorie consiste en professionnels qui flirtent constamment avec le danger en conseillant exclusivement au ministre de suivre la voie qui optimise le mieux-être de la collectivité, le peuple mauricien. Cette voie est rarement celle qui plaît aux groupuscules les plus vocaux. Ce conseiller vient dire à son ministre ce qu’il ne faut pas faire ou ce qu’il fait n’est pas bien.

Donc si vous me dites que les gens émettent l’hypothèse que le PM actuel va aller à sa perte à travers ses conseillers, il est évident qu’il prête l’oreille à des conseillers qui ne méritent pas sa confiance.

J’ai déjà eu cette conversation avec Paul Bérenger. Je lui ai dit : “Je préférerais que tu me vires parce que je t’ai opposé sur un point, plutôt que de te laisser tomber dans un trou sans te le dire”.

Si un PM ne peut s’entourer de personnes honnêtes, franches, pas des couards, pas des lâches, mais des gens qui, tout en le respectant, l’opposent là où il se doit, il est normal qu’il tombera dans un trou. Je ne connais pas très bien le PM actuel donc je ne peux faire de commentaire. Mais comme je vous ai dit plus tôt, le seul fait qu’il donne autant de boards à Gérard démontre qu’il a une confiance infinie en lui (et je ne suis pas à dire que sa confiance est mal placée) et très peu de confiance dans les autres personnes qui l’entourent.