JM et les chefs coutumiers de la République démocratique du Congo

08 January 2005

Black-out de jeudi : sabotage ?

l'express du 08/01/2005

Une phrase glissée insidieusement dans le communiqué du Conseil des ministres a relancé les spéculations sur l’origine de la coupure d’électricité qui a plongé pratiquement tout le pays dans l’obscurité jeudi. 24 heures après la panne, il était impossible d’en comprendre la cause réelle mais les soupçons d’un acte de sabotage existent.

A l’issue de sa réunion d’hier, le Cabinet attribue d’abord le problème à «une faute au point stratégique de transmission à la sous-station de Nicolay» puis fait ressortir qu’une « interruption majeure dans la fourniture d’énergie électrique avait eu lieu pendant la Conférence de l’Agoa à Maurice en 2003 ». Cette remarque ne peut que signifier que le gouvernement n’écarte pas l’hypothèse de sabotage à la veille des conférences internationales. Celle sur les Small Islands Developping States démarre lundi prochain.

Les explications données par Jack Bizlall, négociateur de l’Union of Employees of the Central Electricity Board (UECEB), n’éclairent pas davantage sur les raisons derrière l’explosion du disjoncteur à la station de Nicolay : «Il y a eu une surchauffe du système et un retard dans l’installation de nouvelles turbines mais il y a également un facteur humain.» Il n’élabore pas beaucoup sur ce dernier point mais laisse échapper : «Quand des étrangers ont été recrutés à la tête du CEB, le personnel qualifié s’est senti marginalisé et cela s’est traduit dans leur travail.» Le syndicaliste n’est pas plus explicite mais quand on sait combien il est proche de ses syndiqués, on mesure bien l’implication de ce qu’il avance.


«LE MUGABE MAURICIEN»

Tout en affirmant que le problème du CEB est la conséquence d’un ensemble de facteurs, Jack Bizlall met en cause nommément Jean Mée Desveaux , qu’il qualifie de «super conseiller au bureau du Premier ministre». Ce dernier «qui n’est qu’un technocrate», aurait marginalisé l’ex-directeur du CEB, Paul Van Niekerk, pour favoriser la Canadienne Donna Leclair, son adjointe, afin de « manipuler cette dernière » et faire capoter plusieurs décisions importantes. «Il y a aussi eu des retards qui sont survenus pour l’entrée en opération de la centrale de Savanah et de St.-Aubin car ce conseiller a joué à fond la carte de l’industrie sucrière.»

Mis au courant de ces allégations , Jean Mée Desveaux a vivement réagi et a critiqué l’attitude de Jack Bizlall. Il juge que «Bizlall a eu l’opportunité d’essayer ses talents d’entrepreneur et de manager à travers l’expérience de Litra. Les résultats probants de cette catastrophe démontrent ce qui découle du trait de génie de M. Bizlall dans la vie d’une entreprise. God saved CEB from such a threat».

Jean Mée Desveaux ajoute qu’«en ce qui concerne l’industrie sucrière Bizlall a un violon d’Ingres qui ferait de lui le Mugabe mauricien s’il en avait les moyens». Le processus de «change management» qui a été entrepris au CEB depuis ces quatre dernières années donne lieu aujourd’hui à un management éclairé sous le leadership d’un fils du sol en la personne de Ravind Dajee, a-t-il précisé.

«Les critiques abjectes de Bizlall démontrent qu’il n’a pas plus de respect pour ce jeune professionnel qu’il n’avait pour la dévotion et le courage de Mme Leclair. J’ai eu l’occasion de lui dire ce que je pense de sa lâcheté dans l’express.»

Il trouve que c’est étrange que Jack Bizlall vienne se plaindre du retard dans le projet de SUDS alors que «c’est Bizlall lui-même qui a été en Cour pour faire bloquer le projet au profit de M. Suzor. Que M. Bizlall se fasse une raison. Je défends l’intérêt des abonnés du CEB envers tous les lobbies qu’il s’agisse de celui de l’industrie sucrière ou des négociateurs syndicaux en perte de vitesse».

Toutes ces controverses n’empêchent pas la direction du CEB d’affirmer tranquillement que le black-out qui a paralysé 80 % du pays pendant quatre heures jeudi n’est pas un acte de sabotage. «Cela relève d’un problème technique», assure Ravind Dajee, directeur général du CEB. Il a qualifié de «coïncidence» le fait qu’une panne similaire est survenue pendant la conférence de l’Agoa en 2003. Celle-là «était moins grave mais d’origine technique également».

D’autre part, la pièce maîtresse à l’origine de cette panne, un disjoncteur de 66 KV sur la ligne Nicolay-Wooton, avait été l’objet tout récemment d’un entretien de fond en comble. Il en est de même pour un transformateur de 66 KV qui contrôlait la liaison avec la station de Fort-George.


RAPPORT COMPLET

Le directeur général du CEB a précisé qu’un autre rapport beaucoup plus complet et beaucoup plus technique sera préparé d’ici deux semaines par une équipe de techniciens et d’ingénieurs en provenance d’Electricité de France (EDF) qui sera sur place. Elle apportera également une assistance technique pour une meilleure surveillance du réseau afin de parer à toute éventualité.

Selon Ravind Dajee, ce genre de problème pourrait surgir une fois de plus étant donné la demande en électricité mais aussi l’importance qu’occupe la station de Nicolay dans le système de distribution.

Cette station est directement branchée aux centrales thermiques de Belle-Vue, St.-Louis, Nicolay et Fort George. Sitôt l’incident survenu, le système automatique de protection a immédiatement isolé ces quatre centrales thermiques du système de distribution pour les protéger de toute possibilité de dégâts.

Le directeur du CEB a précisé qu’avec l’entrée vers la mi 2005 de la centrale de bagasse-charbon de St.-Aubin et le projet du même type à Savannah une telle panne n’aurait pas eu le même effet.

Pour l’usager, ces garanties ne seront pas d’une grande utilité tant qu’il restera dans le noir en ce qu’il s’agit des raisons qui ont provoqué le black-out.