JM et les chefs coutumiers de la République démocratique du Congo

20 November 2013

Croissance, chômage et inflation : trois éléments de la même problématique ?

Par Jean-Mée DESVEAUX
l'express du 20 novembre 2013

La croissance du Produit intérieur brut est toujours fortement désirée. Cependant, si celle-ci est trop poussée, il existe des risques inflationnistes qui plombent l’économie. Inversement, si la croissance devient trop molle, c’est le sous-emploi qui nous guette. L’idéal est donc d’atteindre une croissance qui permet de résorber le chômage à son niveau «naturel», tout en évitant les dérives inflationnistes.

Selon  l'''Inflation Expectation Survey'' de la Banque centrale datant du mois d'août, la majorité des particpations ne s'attendaient pas à une forte augmentation de l'inflation. 
La croissance du Produit intérieur brut (PIB) du pays sera de 3,2 % en 2013. Le ministre des Finances, Xavier-Luc Duval, considère que c’est un «good growth», alors que le leader de l’opposition, Paul Bérenger, trouve, lui, que c’est «défaitiste» que d’appeler ainsi une croissance aussi anémique. Paul Bérenger est cependant convaincu que le pays n’atteindra pas les 3,5 % à 4 % de croissance que Xavier-Luc Duval prévoit l’année prochaine. Ce débat est loin d’être stérile quand on considère qu’il recèle la fortune ou l’adversité qui s’abattra inéluctablement sur chacun d’entre nous.

Ainsi, le chiffre de la croissance de 2013 reflète un PIB annuel par habitant de $ 9 300 (Rs 280 000), compa-ré au chiffre de 2005 de $ 5 200 (Rs 155 000). Si au lieu d’avancer, l’économie avait piétiné entre 2005 et aujourd’hui, nous aurions pu, d’après ces chiffres, aspirer seulement à la moitié du confort matériel dont nous jouissons en ce moment. La différence d’optique entre Xavier-Luc Duval et Paul Bérenger se résume-t-elle au verre à moitié rempli ou à moitié vide ou est-ce que ce désaccord porte sur du sérieux ?

La déception de Paul Bérenger devant le taux de croissance de cette année est somme toute assez naturelle. Il a pris les rênes de l’économie en tant que ministre des Finances en 2000. En ce temps-là, le pays pouvait aspirer à une croissance de 6 % sans trop pousser la machine.

En l’an 2000 l’économie avait connu une croissance de 10,2 % et en 2003, la croissance est de 6,3 % ; juste après son départ, de 2006 à 2008, la croissance dépasse 5,5 %. Il est alors aisé de comprendre que l’ancien ministre des Finances peine à prendre la mesure du paradigm shift qui a eu lieu depuis.

En effet, beaucoup de nuages se sont amoncelés les uns après les autres sur l’horizon économique mauricien et empêchent le pays d’afficher la santé insolente qui était la sienne il n’y a pas si longtemps. Il y a eu le cumulus de la fin du Protocole sucre, le stratus de la fin de l’Accord multifibre et enfin le cirrus annonciateur de la bourrasque financière de 2008 qui spolie encore et toujours la demande pour nos produits en Europe.

Cela n’est pas une mince affaire et c’est ce qui explique que selon le Fonds monétaire international (FMI) l’«estimated potential growth» de l’économie mauricienne n’est qu’à 4,5 % du PIB. Si cela ne paraît pas être un trop grand fossé, cela représente tout de même 25 % de moins que le taux auquel nous étions habitués. On comprend dès lors pourquoi Xavier-Luc Duval repousse l’échéance de l’avènement du statut de Maurice au cercle select des High Income Countries à 2019. La catégorie de Upper Middle Income Country à laquelle nous appartenons depuis le début du siècle s’étend d’un PIB de $ 4 036 à $ 12 475. À $ 9 300, le dernier quart du chemin sera un parcours du combattant si nous n’atteignons pas un peu plus de 4 % en moyenne durant les années à venir.

Comme on peut naturellement s’y attendre, l’économie nationale d’un pays ne peut su-bir une chute de l’envergure de 25 % de son taux habituel de croissance sans que cela ait un impact sur d’autres paramètres importants de l’économie. On peut déjà, de façon intuitive, comprendre qu’avec un taux de croissance ainsi réduit, le taux de chômage ne peut que s’accroître, tout autre chose étant égale.

En fait, la croissance, l’inflation, et le taux de chômage sont censés avoir une relation symbiotique au sein d’une économie. Le concept de cette relation est capturé par un petit acronyme qui vaut la peine d’être retenu. C’est le NAIRU. Ceci équivaut au Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment.

Ce concept implique : 1) qu’il existe un taux «naturel» de chômage au sein de chaque économie et (aussi pénible que cela puisse paraître), ce taux n’est pas à zéro ; 2) que vouloir pousser l’économie au-delà de son potentiel de croissance pour résorber le chômage en deçà du taux «naturel», créera une inflation accélérée ; 3) que toute croissance (et toute baisse du chômage) obtenue au prix d’une telle accélération de l’inflation ne peut qu’être éphémère.

Cette croissance durera le temps que les agents économiques prendront pour réajuster leur «inflation expectation». Il faut souligner que le lien causal impliqué ici est essentiellement entre une croissance (insoutenable) et l’inflation qui s’ensuivrait.

Quelle leçon en tirer pour notre économie ? D’abord prendre ces axiomes comme guides plutôt que comme une loi immuable de la nature. Après la déprime du double digit unemployment qui durera jusqu’en 1986, le chômage se résorbe à 2,7 % en 1991, mais il n’a pas cessé de grimper subrepticement depuis. Ce ne sera cependant qu’au début du nouveau millénaire que le taux de chômage atteindra une nouvelle fois la barre des 8 %, ce qu’il dépassera vite subséquemment.

On remarque aussi que depuis 2003, le taux du chômage évolue davantage en dents de scie que précédemment. Quoi qu’il en soit, les 8 % de chômage semblent être devenus aujourd’hui le NAIRU de notre économie. C’est aussi ce que confirme le FMI. Pre-liminary estimates show that the Non-Accelerating-Inflation Rate of Unemployment was generally in line with the unemployment rate (8.1 % seasonally adjusted 2013Q1 NdlR) suggesting a narrow output gap.

Le FMI explique que le taux de chômage depuis la crise financière de 2008 aurait été encore plus dévastateur sans les réformes entreprises et sans le Mechanism for Transitional Support to the Private Sector. Cela implique que nous avons eu, pendant ces années-là, un chômage artificiellement «bas» par rapport à ce qu’on pourrait appeler son equilibrium level.

En ce qui concerne la croissance, le graphique nous montre que depuis 2006 à aujourd’hui, la croissance du PIB a pris inexorablement une ligne descendante, qui est l’inverse de l’image de la montée du chômage pour la même période. Il est intéressant de constater que pour les États-Unis, ce taux «naturel» de chômage est de 6,5 % avec une inflation de 2 %, alors qu’en Grande-Bretagne, il est de 7 %. La décision a été prise au sein de ces deux économies de continuer la politique monétaire expansionniste existante jusqu’à ce que le taux de chômage soit réduit à ce niveau.

La dismal science qu’est l’économie va-t-elle une nouvelle fois prendre un pari saugrenu sur le sort du pays ? Pas nécessairement, à en croire le FMI. Celui-ci estime, en effet, qu’il suffirait à l’économie mauricienne d’atteindre 4,1 % de croissance du PIB pendant les cinq prochaines années pour réduire le taux du chômage de 1 %. Pour une réduction de 2 %, il serait nécessaire d’atteindre une croissance du PIB de l’ordre de 5 %.



Mais, comme on l’a vu plus haut, le FMI estime qu’une telle performance est au-delà du potentiel de croissance du pays qui est, selon ses estimations, de 4,5 % du PIB. Entre pessimisme et réalisme, il est difficile de savoir où pencheront nos politiciens. Le grand absent de notre rapide coup d’oeil est évidemment le taux d’inflation. Grâce à la Banque de Maurice (BOM), et quoi qu’en pense le ministère des Finances, la «rational expectation» des agents économiques est toujours ancrée en deçà des 5 %.


La dernière Inflation Expectation Survey de la BOM, réalisée en août 2013, constate que la majorité des participants s’attendaient à une montée de l’inflation (3,6 % actuellement) à 4,1 % en décembre 2013, 4,5 % en juin 2014 et à 4,7 % dans une année. Depuis la fin de 2011, nous dit la BOM «stakeholders have considered the level of inflation as ‘appropriate’». Tant que la BOM pourra «ancrer» cette attente nationale à un niveau raisonnable, le gouvernement aura le loisir de pousser l’économie vers son taux de croissance optimale. S’il s’égare dans cette tâche en tentant de réduire le chômage (8,3 % actuellement) en deçà de ce qui est économiquement raisonnable, il risquerait de surchauffer la machine économique (au moyen d’une politique fiscale trop agressive, par exemple), et le concept du NAIRU le rattrapera bien vite car il ne réussira qu’à créer l’épiphénomène économique qui s’appelle inflation.

09 November 2013

Budget 2014 : On a viré de bord

Par Jean-Mée DESVEAUX
l'express du 8 novembre 2013

Avec un déficit qui prend l'ascenseur, XLD fait fi de la rigueur budgétaire. 
Avant même que les projecteurs ne se focalisent sur Xavier-Luc Duval à l’occasion de la lecture de son troisième budget annuel, hier soir, l’observateur de la chose économique savait que le tandem XLD/Dev Manraj allait jouer sa crédibilité devant la nation et ses partenaires internationaux lors de cet exercice. Nous avons précédemment illustré l’importance de certains paramètres majeurs sur lesquels devrait être axée l’appréciation de cette manoeuvre périlleuse autant pour les deux hommes que pour le pays.

Ce budget concrétise une cassure nette avec la dream team Sithanen/Mansoor de 2006 qui avait poursuivi sa philosophie de rationalisme économique au-delà du départ du premier nommé en 2010. La question qui se posait alors était de savoir si le changement d’hommes allait sonner le glas de la philosophie du moindre État, de la rigueur budgétaire et de parcimonie dans les dépenses publiques. L’objectif macroéconomique majeur était alors la réduction de la dette publique à 50 % du PIB à l’échéance de 2018, comme inscrit dans la Public Debt Management Act (PDMA) de 2008.

La joute avait assez mal commencé pour nos deux protagonistes. Le déficit que XLD avait anticipé lors de son dernier exercice, l’année dernière, était de l’ordre de 2,0 % du PIB. Cela aurait été la culmination d’un sans-faute commencé cinq ans plus tôt (3,9 %,3,2 %, 3,2 %,2,5 %, 2,0 %). Or, ce déficit de 2013 a largement dépassé cette estimation et, nous annonce XLD hier soir, surpasse aujourd’hui les 3,7 % du PIB. De plus, le secrétaire financier Manraj étant directement impliqué dans le milliard excédentaire du PRB 2 qui a contribué en grande partie à ce dépassement, le niveau du déficit 2014 vole la vedette à toute autre considération. À 3,2 %, ce déficit de 2014 s’apparente plus au niveau auquel nous étions habitués il y a cinq ans qu’à cette vertu qui, XLD nous le rappelle, nous a valu un Sovereign Debt Rating Upgrade par les agences de notation.

Que les agences de notations nous retirent leur satisfecit et nous colle un downgrading devant un glissement de 1,7% du PIB (2,0% à 3,7% pour 2013) ne devrait pas trop nous étonner car, avec le même glissement, XLD peut très bien nous annoncer, lors du prochain budget, que le réel déficit pour 2014 est plutôt de l’ordre de 4,9% du PIB. Un tel downgrade aurait un impact direct sur le taux d’intérêt à décaisser aux épargnants internationaux sur notre dette souveraine. Cela risque d’être encore plus débilitant que le gouvernement semble vouloir écouter le (mauvais) conseil, cette fois, de l’IMF, de renverser la courbe de la dette vers 1) une augmentation du pourcentage de la dette en devises étrangères et 2) une meilleure répartition de cette dette extérieure vers le long terme. Bien que le Grand argentier s’est tout de suite empressé de nous rassurer que la dette du secteur public ne dépassera pas les 54,8 % (54 % en 2014) du PIB et que Maurice sera donc au rendez-vous en 2018 pour la PDMA, les déficits de 2013 et de 2014 permettent de questionner sa conviction de ne pas «spend his way through an economic downturn». Il est plus crédible quand il admet que la croissance économique est sa réelle priorité.

Comme le dernier Focus de la MCB l’a bien démontré, ce ne sont pas les défis économiques qui manquent à notre pays. Les points saillants se nomment l’emploi, la croissance, l’investissement privé, le taux d’épargne et notre capacité d’exportation. On ne peut s’attendre que le budget renverse la tendance de ces données macroéconomique avec une baguette magique. Ce que le budget est censé faire, cependant, c’est de créer les conditions nécessaires pour établir l’atmosphère de confiance chez les acteurs économiques. Ce budget allait aussi être jugé sur sa capacité à conserver les acquis économiques depuis 2006 sans y ajouter des mesures abracadabrantes qui recréeraient les lourdeurs d’antan.

Du grand nombre de mesures autour de nouveaux hubs, piliers et clusters qui ont été annoncés (Aviation, Petroleum, Marine), l’Africa Strategy est celle qui se démarque plus de l’effet d’annonces qui plombe le reste. Les grands absents doivent aussi être notés : aucune mesure pour enrayer l’effet du vieillissement sur la facture du Basic Retirement Pension qui atteint 2 % du PIB en 2014 alors que nous avons six personnes en âge de travailler pour chaque pensionnaire. Qu’en sera-t-il quand nous n’aurons que deux salariés par pensionnaire en 2051 ?

06 November 2013

Living in fools' paradise

By Touria Prayag
Weekly 6th November 2013

“The further a society drifts from the truth, the more it will hate those that speak it,” George Orwell once said.

Paul Bérenger and Sir Anerood Jugnauth’s reaction to Jean-Mée Desveaux’s revelations about the Illovo deal tips the scales further in favour of what we have always believed: that the opposition is fine with the concept of freedom of speech, as long as it does not compromise the lily-white image it wants to convey. For as long as we were echoing all the scandals we were being served by them, everything was fi ne, thank you – and remember, nothing was too trivial for us: from official documents to mere emails exchanged between board members. For as long as Jean-Mée Desveaux was criticizing the government of the day, he was a great guy. The minute he touched a raw nerve he became the subject of all sorts of profanities unbecoming of people who aspire to lead this country one day. The words ‘bacharamercenaire’ (a mercenary fool) coming out of the mouth of someone like Sir Anerood Jugnauth is really beyond the pale.

The press conference held after Desveaux’s revelations was in fact good theatre. But the only purpose it served was to make the accused look guilty. Many of the comments which followed show that people are unfortunately still interested in shooting the messenger rather than taking the full measure of the message delivered without fear or favour. Worse, they confirm that people are only prepared to hear what they are interested to hear and that the bias is such that anything which rubs their allegiance the wrong way throws them off balance. And, once off balance, their reaction becomes primitive to the point of starting to throw mud and putting inappropriate labels on people.

Jean-Mée Desveaux was at the heart of a deal which has never stopped being controversial. He therefore is in a position to have information none of us – outside the players at the time – has. He chose to reveal it many years after the deal. So what? Does that justify all the venom spewed on him since? What should be of interest to us is whether his allegations are true or not. If they are a string of lies, he will pay for the consequences of his irresponsibility.

If, on the other hand, they are true and can be proved to be true, then I really despair for the options we will face at the next general election. That concerns me much more than whether Jean-Mée should have spoken then or kept quiet now.

If Jugnauth genuinely wants to clear his name – notice that Desveaux didn’t accuse Bérenger; the latter chose to jump in the trenches and fight a war which, strictly speaking, is not his – then there is only one way: he sues Desveaux for a symbolic rupee and the case comes up quickly enough for the citizens of this country to know where things stand.

Naturally, we have – up till now – heard a lot of venom spewing, mud slinging and character assassination seasoned with a huge amount of speculation about what an ordinary citizen like Jean-Mée Desveaux wants to do with his life – which is none of our business by the way – and little in terms of whether the allegations are true or not. Isn’t it time this chase-your-tail switching and vote-catching posturing stopped and we are given what we deserve: the plain truth. Not from the foul mouths of politicians but from our courts of justice. Many of our politicians do not have any credibility left to trade. So why should we believe them?

03 November 2013

Jean-Mée Desveaux : ''Il n'a jamais été question de salir la réputation de SAJ''

L'Hebdo du 3 novembre 2013

Jean-Mée Desveaux, ancien conseiller spécial de Paul Bérenger, dit « maintenir les révélations » qu’il a faites sur Radio Plus mardi, portant sur le Illovo Deal.
Toutefois, soutient-il, il n’a « jamais été question » de nuire à la réputation de sir Anerood Jugnauth. « C’est regrettable que SAJ arrive à telles conclusions. Je n’ai fait que citer des faits et je ne change rien à ce que j’ai dit », ajoute-t-il. Sir Anerood Jugnauth a affirmé n’être jamais intervenu personnellement pour faire concrétiser ce deal et a annoncé son intention de poursuivre Jean-Mée Desveaux. 

Ce dernier avait révélé que le gouvernement « devait obtenir deux tiers » des windfall gains de Rs 9 milliards découlant du deal Illovo. Mais, selon lui, après une rencontre entre SAJ et des représentants du secteur privé, « la donne a changé ». Le secteur privé « a obtenu deux tiers » et le gouvernement « un tiers » ! Paul Bérenger a, lui, soutenu que Jean-Mée Desveaux était « frustré », car il « soutenait » un autre groupe. 

À cela, Jean-Mée Desveaux réplique qu’il n’y « avait pas d’autre groupe » avant l’implication alléguée de SAJ. Le leader des mauves a soutenu, jeudi, que c’était « lâche » de dire que « SAJ est intervenu en faveur de tel groupe du secteur privé », avant de rappeler que les terres ont notamment été utilisées pour la Cybercité et la construction des écoles.


Jean-Mée Desveaux, Germain Commarmond et Jyoti Jeetun ''exclus des négociations'' de Illovo


02 November 2013

SAJ: ''Des propos pour nuire à ma réputation''

Le Mauricien du 2 novembre 2013 


SAJ et Paul Bérenger ont tenu une conférence de presse jeudi.


· Le leader du Remake dément être intervenu personnellement au cours des négociations dans le cadre du deal Illovo
· « À aucun moment je n’ai pris part ou négocié avec des représentants du privé », soutient sir Anerood Jugnauth

SAJ a démenti catégoriquement lors d’une conférence de presse du Remake, jeudi dernier, toute implication dans le deal Illovo. Le leader du Remake soutient qu’il est clair que les propos tenus cette semaine sur les ondes d’une radio privée par l’ex-conseiller de Paul Bérenger Jean-Mée Desveaux ont été inventés pour nuire à sa réputation.

C’est un Sir Anerood Jugnauth irrité par les propos de Jean-Mée Desveaux qui s’est adressé à la presse jeudi lors d’une conférence de presse du Remake au Hennessy Park. S’expliquant, SAJ soutient qu’à aucun moment, il n’a pris part ou négocié avec des représentants du privé comme l’allègue Jean-Mée Desveaux. Il affirme qu’il y avait à cette époque une équipe dédiée aux négociations, une équipe à laquelle il dit avoir fait confiance. « Je ne suis à aucun moment intervenu personnellement. Jean-Mée Desveaux pretane que tou ti pe al fwarer ki enn missier sekter prive inn vine guette mwa et ki mwa kinn force la main pour conclir deal-la. Desveaux pretane ki GM ti kapav gagne enn meyer deal, ki GM ti cave 2/3 et sekter privé 1/3 et ki zordi GM inn gagne 1/3 et sekter prive 2/3 ». Ce qui est faux, affirme catégoriquement le leader du Remake. Chiffres à l’appui, il explique : « Illovo ti detenir 80 % par Mon Trésor Mon Désert. Total ti concerne 20 000 arpents la terre. Dans sa deal-la, Sugar Investment Trust (SIT) inn aster 7000 arpents, 3000 arpents GM inn gagn kado et enswit, dans la balance ki tine rester, a enn groupe sekter privé ki connu zordi comme Omnicane. SIT ek National Pensions Fund (NPF) fine pran 35 % qui reprezant 3 500 arpents. Ninport ki dimounn kapav fer enn simple kalkil ek li pou trouver ki GM inn gagne plis de 2/3 », explique SAJ.

Le leader du Remake s’interroge ainsi sur les motivations de l’ex-conseiller de Paul Bérenger : « Kot Missier Desveaux ti ete tout ca banane la ? Eski li fine monte par le zot pou zet la bou lors nou », se demande SA.

À ses côtés, le leader du MMM, Paul Bérenger, qui soutenait sir Anerood Jugnauth, a qualifié le deal Illovo de deal « patriotique et historique » qui a permis de voir émerger la Cybercité, faire fleurir le secteur des TIC et la construction d’écoles. Deux groupes mauriciens étaient intéressées à acheter les terres d’Illovo et en tant que ministre des Finances, il explique avoir délégué Jean-Mée Desveaux pour discuter avec un des groupes afin d’obtenir la meilleure proposition. L’autre groupe avait une avance sur le premier et son porte-parole, avant le début des discussions, a rencontré le Premier ministre d’alors, en l’occurrence sir Anerood Jugnauth. « Anerood en tant ki patriote inn trouve deal-la mari intéressant, line exprim so lakor de principe mais line dire zot carry on diskision avec minis des finances, en l’occurrence moi. Ler la zone vine vers mwa, nounn met enn team dibout pour travay lors dosie-la », dit Paul Bérenger. L’équipe était composée du leader du MMM lui-même, de Sushil Khushiram, Pravind Jugnauth et Mookhesswur Choonee, alors ministre des Terres et du Logement. « Tout a été présenté au conseil des ministres et Anerood Jugnauth n’est jamais intervenu », soutient Paul Bérenger. Selon le leader des mauves, Jean-Mée Desvaux s’est senti frustré car ses discussions avec l’autre groupe n’ont pas abouti. « C’est une lâcheté de dire que SAJ est intervenu en faveur de tel groupe du secteur privé », dit-il.

Poursuites légalesÀ une question de la presse au sujet d’éventuelles poursuites légales, SAJ a répondu qu’il envisage cette possibilité, mais qu’il doit d’abord récupérer une copie verbatim de la déclaration de Jean-Mée Desvaux sur les ondes de cette radio privée. « Je suis presque sûr qu’on pourra le poursuivre pour diffusion de fausses nouvelles », dit-il.

01 November 2013

Tragiques épaves politiques

Par Nad Sivaramen
l'express du 1er novembre 2013

C’est quand même surprenant que le terme «épave politique» sorte de la bouche d’un Paul Bérenger, qui a régné plus de quatre décennies sur un MMM qui dérive d’alliance en alliance depuis. Encore plus surprenant que le leader mauve parle d’«épave» en présence de son aîné, sir Anerood Jugnauth, bientôt 84 ans. Est-ce un lapsus freudien, comme le pense notre collègue Jean-Mée Desveaux ? Toujours est-il que, politiquement, on reste enlisé dans une gérontocratie, avec son lot de secrets et de bonimenteurs.

Le dilemme que Desveaux soulève, après ses révélations sur les ondes de Radio Plus qui ont relancé l’affaire Illovo, est un problème surtout d’ordre moral. Jusqu’ici, la seule motivation pour s’éloigner d’un parti politique auquel on est affilié ou pour lequel on a travaillé était axée sur des raisons purement intéressées, personnelles, souvent financières. Or, Desveaux ne donne pas de signe de vouloir rejoindre le PTr, encore moins serait-il à la recherche d’intérêts quelconque. On saura le juger s’il le faisait. Mais quand un homme se démarque ainsi de «son parti» pour des raisons de conviction, c’est peut-être parce qu’il se sent aliéné de la direction que prend celui-ci. Alors, comment expliquer qu’il soit crucifié sur la place publique, alors que la douzaine de transfuges du Parlement vivotent toujours ? La loyauté d’un homme envers «son» Premier ministre devrait-elle primer sur ce qu’il considère être sa loyauté vis-à-vis de sa patrie ?

Prenons le deal Illovo, acte II. Au lieu d’éclairer le public sur les révélations de Jean-Mée Desveaux, les deux leaders du Remake s’en prennent à notre journaliste, car il a eu l’audace de remettre sur le tapis, entre autres sujets, cet accord, qui nous a toujours été présenté par le MSM-MMM comme étant un «mari deal». Pour avoir osé lever une partie du voile sur les négociations en amont du deal - négociations qui restent secrètes aujourd’hui encore, en l’absence d’une Freedom of Information Act -, le «whistleblower» est traité de tous les noms, selon une vieille tactique du MMM qui consiste à tuer le messager afin de faire diversion, au lieu d’expliciter le dossier au public.

La première réaction de Bérenger sur les révélations de Desveaux aura été : «Cela ne m’intéresse pas». Puis, quelques jours plus tard, sous la pression médiatique, le leader du MMM est forcé de commenter en long et en large le deal Illovo, puis tombe dans l’insulte pour démontrer qu’il est sur la même longueur d’onde que SAJ. Surtout après son silence radio assourdissant après l’interrogatoire de Jaye Jhingree/Kross Border. SAJ ne fait pas mieux en termes d’explication ; au lieu de démentir le fait qu’il ait reçu un représentant du privé avant la conclusion du deal «un tiers pour le gouvernement et deux tiers pour le privé» (alors que Desveaux avait négocié et obtenu l’inverse, c’est-à-dire «deux tiers pour le gouvernement et un tiers pour le privé»), il annonce un projet en diffamation contre notre collègue. Une vieille tactique pour noyer le poisson, car l’octogénaire, QC, sait fort bien que cette affaire, si vraiment elle est logée, ne sera prise sur le fond que dans plusieurs mois, voire plusieurs années.

Puis, il y a le cas des «tapeurs» vocaux qui défendent aveuglément leur leader, car dépourvus de bon sens et d’esprit critique. Ce n’est pas parce que l’express critique l’opposition que nous faisons le jeu du PTr ou du gouvernement. Si tel était le cas, cela se verrait dans nos pages, non ? D’ailleurs, nous poursuivons le gouvernement du jour, qui nous prive de publicités gouvernementales car on est perçu par lui comme étant anti-travailliste !  Il est temps d’arrêter de traiter les journalistes comme étant soit à la solde du gouvernement, soit des suiveurs de l’opposition.

Cette vision manichéenne est dépassée, comme nos dirigeants politiques de l’opposition, qui pensent bêtement qu’ils peuvent faire abstraction de nous uniquement en nous privant d’invitations à leurs conférences de presse. La belle affaire ! Dans le monde d’aujourd’hui, ils ne peuvent plus contrôler l’information. Avec ou sans carton d’invitation à leurs «Muppet Shows» du samedi, on mettra en relief leurs discours sur le web et sur papier…


30 October 2013

Maurice contrainte à la vertu économique

Rama Sithanen présentant son dernier budget en 2010.
Par Jean-Mée DESVEAUX
L'express du 30 octobre 2013

PARMI les nombreux paramètres de l’exercice budgétaire annuel, c’est le déficit budgétaire qui, à tort ou à raison, vole la vedette. La réussite du Grand argentier à balancer son budget suscite l’admiration de la population et celle des institutions internationales. Elle reflète une nation/ maison bien rangée qui ne vit pas au-delà de ses moyens. Mais rien n’est aussi simple en économie. En temps de crise et de récession, par exemple, beaucoup d’experts pensent qu’il est malséant de diminuer trop abruptement les dépenses de l’État à travers une politique d’austérité et une contraction budgétaire. Cette discussion a fait rage lors de la crise de l’euro et la débâcle de l’économie grecque. Ainsi, la règle d’or est souvent décrite comme «leaning against the wind» : politique budgétaire restrictive (balance du budget ou même un surplus budgétaire) en temps de surchauffe économique où la croissance est au grand max. Inversement, une politique fiscale expansionniste (déficit budgétaire souvent lié à des projets infrastructurels) lors des années de vaches maigres. Mais manque de pot pour les pandits qui adhéreraient à la notion décrite plus haut. Dans le cas de l’économie mauricienne, selon le Fonds monétaire international (FMI), une impulsion fiscale positive du Grand argentier (déficit budgétaire discrétionnaire) n’aura qu’un impact limité sur la croissance économique nationale. Ceci est dû au fait que le «fiscal multiplier» (la croissance excédentaire induite par une injection de fonds du gouvernement dans l’économie réelle) n’est que très faible dans une petite économie ouverte au reste du monde quand elle pratique, comme Maurice, un régime de taux de change flexible.

Qu’en est-il sur le terrain frustrant de la réalité ? Sous l’impulsion du FMI et de ses fidèles partenaires, Rama Sithanen (2009/2010) et Ali Mansoor jusqu’à tout récemment, ces cinq dernières années ont invariablement révélé une courbe descendante en ce qui concerne le défi cit budgétaire. 3,9 % du Produit intérieur brut (PIB) (2009), 3,2 % (2010), 3,2 % (2011), 2,5 % (2012) et une volonté affichée de faire pareil, en 2013, avec 2,2 % du PIB. Il s’avère donc que le niveau du déficit budgétaire est le point focal qui attirera l’attention lors de la lecture du troisième budget de Xavier-Luc Duval, cette année. Toute velléité d’un déficit budgétaire qui se démarquerait de cette trajectoire à la baisse sera le signal d’un relâchement de la politique économique rigoureuse poursuivie jusqu’ici. Dans une île Maurice où le laisser-aller et la mauvaise gouvernance sont en deçà de tout ce que cette malheureuse République a jamais connu en 45 ans d’existence, les affaires économiques du pays ne s’en sortaient quand même pas trop mal car elles adhéraient solidement aux rails sécurisants du FMI. Une preuve de ce bon management est, qu’en matière économique, l’opposition n’a eu d’autre choix que d’agir, durant toutes ces années, en tout point, comme une opposition décidément loyale, n’ayant absolument aucune alternative à suggérer, à part quelques petites pointes de démagogie. Maintenant que le Roi Soleil a viré le dernier rempart économique qu’était Ali Mansoor, l’envie de prendre les affaires économiques de l’État entre ses mains hautement malhabiles pourrait le distraire de ses occupations régaliennes moins astreignantes. Si cela s’avérait, tout diplômé de la London School of Economics qu’il soit, le pays serait vraiment très mal barré face au déluge que laissent derrière elles de telles figures historiques. Dans ce cas, tel le mercure à l’approche d’une violente tempête, l’indice infaillible à scruter sera bien la direction du déficit budgétaire. S’il continue à descendre, ce sera le soupir de soulagement, sinon attention aux dégâts.

Ceci est d’autant plus vrai que la hantise que causent les déficits de l’État est directement liée au poids de la dette publique que chaque budget déficitaire vient grever davantage. La dette publique a, comme on peut s’y attendre, suivi la courbe descendante des déficits budgétaires ces dernières années. De près de 75 % du PIB en 2003, elle a été de 60 % en 2009 et de 56 % à la fin de l’année 2012. La dette publique est associée à certains paliers prudentiels reconnus sur le plan international. Ainsi, beaucoup sont d’accord qu’une dette au-delà de 60 % du PIB n’est pas soutenable sur le long terme. Il faut dire que la Grèce, par exemple, flirtait avec les 170 % du PIB quand elle fut prise en charge par les institutions européennes. Dans le cas de la «small open economy» mauricienne, avec ses aléas et ses spécificités, le ministère des Finances considère que le «sustainability risk threshold» serait une dette de 50% du PIB. Ainsi, en 2008, alors que Rama Sithanen était ministre des Finances, le gouvernement travailliste fi t voter la Public Debt Management Act (PDMA) qui imposa un plafond de 60 % du PIB à la dette publique en 2017, allant à une réduction à 50 % après 2018. Cette consolidation fiscale présume un surplus budgétaire de 1% par an, à partir de 2015. Loin de jubiler devant tant de bonne volonté, le FMI veut voir le pays aller encore plus loin dans sa consolidation fiscale : «As a financial centre, Mauritius might need larger policy buffers to respond to shocks and recommends continuing to target structural primary surpluses after 2018 to gradually reduce public debt levels to 40 percent of GDP to further reduce vulnerabilities to adverse developments in capital markets, help address external imbalances, and strengthen policy buffers».


On peut en tout cas admirer la présence d’esprit du FMI et de ses alliés fidèles durant leur passage aux Finances. Ils ont laissé derrière eux une camisole de force autour de l’économie mauricienne pour l’astreindre à la vertu. Ces mesures peuvent bien sûr être contournées. La PDMA peut être abolie et la dégringolade vers l’enfer économique peut alors recommencer mais tous les signaux sont en place pour nous permettre de suivre le virage vers le mal-être économique si d’aventure la mauvaise gouvernance de ce gouvernement travailliste descendait jusque-là.

Jean-Mée Desveaux : Bérenger a été roulé dans la farine avec l'Asset Recovery Act

Le Defi quotidien du 30 octobre 2013

26 October 2013

Rama Valayden au banc des accusés

Par Jean-Mée DESVEAUX
L'express du 26 octobre 2013

Il ne s’agit pas de s’acharner sur l’homme, aujourd’hui qu’il est à terre. Inculpé provisoirement de complot la semaine dernière, l’interrogatoire quasi quotidien «under warning» au «Central Criminal Investigation Department» de Me Rama Valayden vole la vedette depuis au riche feuilleton juridico policier du pays. S’il jouit de sa présomption d’innocence vis-à-vis de l’accusation et des allégations portées contre lui, le destin de cet acteur né, membre flamboyant mais volatil du barreau mauricien, invite naturellement à l’analyse de ceux qui s’intéressent à la chose publique.


Il est accusé de complot et de perversion du cours de la justice en marge de l’affaire des jugements truqués en Cour suprême. Il aurait essayé de convaincre Ahkee Bhikajee de modifier sa version des faits en vue de mettre hors de cause Jean-Michel Lee Shim. La police le suspecte également d’avoir conseillé un témoin dans l’affaire Fine de changer sa version des faits sur Sada Curpen, le commanditaire présumé de ce règlement de comptes entre membres de la pègre. Il est passible, enfin, d’une inculpation de «Money Laundering» et de recel pour avoir accepté, selon les premières versions du père de Younousse Katoaroo (cerveau présumé du détournement de Rs 80 millions de la Bramer Bank), une part du butin comme honoraires. Rama Valayden est aujourd’hui en liberté conditionnelle. Il récuse toutes les accusations et, sans surprise, se déclare l’objet d’un complot de la police. Fidèle à ses méthodes, il annonce l’organisation d’un comité de soutien à sa personne, brandit la menace d’une grève de la faim et promet un «Black Paper» sur les enquêtes ratées de la police criminelle.


Le pilier de la défense de Rama Valayden repose sur une vidéo dans laquelle Mahammad Sadeck, le père de Younousse Katoaroo (de l’affaire «Bramer Bank»), entreprend un revirement de veste et contredit ses déclarations précédentes. Il se dit manipulé par la police qui lui aurait fait dire que les honoraires qu’il avait versés à Me Valayden pour la défense de son fils provenaient du butin de Rs 80 millions volé à la banque. La police, il est vrai, aurait mieux assis sa crédibilité si elle avait filmé les premières déclarations en continu, d’autant plus que ledit témoin est analphabète. D’autres éléments nous perturbent au sein de cette «défense en béton» qui est, en tout point, fi dèle au reste du feuilleton. L’avoué Bokhoree, qui faisait partie intégrante du panel d’avocats de Valayden, devient soudainement l’homme de loi qui rédige la nouvelle version pro-Valayden de Sadeck Katoaroo au sujet des honoraires possiblement compromettants. Me Rutnah, l’avocat de Sadeck Katoaroo depuis son changement «Attorney General», assure l’enregistrement vidéo et capture la nouvelle déclaration de son client. Cet homme de loi assiste et devient partie prenante des conférences de presse où Rama Valayden accuse la police de complot. C’est lui qui distribue la vidéo de la nouvelle version de Katoaroo aux journalistes durant une conférence de presse. Me Rutnah est, en passant, appelé à comparaître devant le comité disciplinaire de la Cour suprême pour entorse au code de l’éthique lors de sa défense d’un des accusés du meurtre de Michaela Harte. Il aurait utilisé de subterfuges en vue d’induire le jury en erreur.


Monsieur Valayden ne nous intéresse pas. Il demeure, cependant, l’épiphénomène qui a permis de dévoiler, en ce nouveau millénaire, que l’île Maurice n’a aucune âme. Il a démontré avec succès qu’au sein de l’océan d’indifférence qui caractérise notre nation, sept innocents, dont des enfants en bas âge exécutés de sangfroid, sont destinés à un cruel oubli quand les acteurs du barreau s’amusent à les occulter de la mémoire collective.

25 October 2013

Budget 2014: virage économique?

Par Jean-Mée DESVEAUX
L'express du 25 octobre 2013

LE budget 2014 amorce la fin d’un cycle pour l’économie du pays. Depuis juillet 2005, les affaires du pays étaient implicitement sous la bienveillante vigilance des institutions de Bretton Woods. Cette surveillance amicale était d’un commun accord. Voulue par Rama Sithanen d’abord et, à son départ, par son alter ego, Ali Mansoor. La voie parcourue ensemble par le Fonds monétaire international (FMI) et Maurice ne résultait donc d’aucune contrainte. Bien au contraire, c’était un choix conscient découlant d’une forte affinité entre le rationalisme économique de ces deux hommes et la philosophie du FMI et de la Banque mondiale. L’intérêt de ces institutions pour ce partenariat était de faire du pays le show case de la viabilité de leur philosophie économique dans la région et dans le monde. Ainsi, sans trop exagérer, on peut dire que l’économie mauricienne a été le laboratoire d’une expérience économique grandeur nature pendant ces huit ans. 

On ne résume pas les résultats d’une telle expérience en quelques colonnes et ce n’est pas ici le but recherché. Ce qu’on peut dire, par contre, c’est que le budget ultra-réformateur de 2006 de Rama Sithanen a mis l’économie de ce pays sur de solides rails pour survivre au démantèlement des préférences commerciales dont le pays était devenu accro dans le domaine du sucre (baisse de 36 %) et du textile habillement (fin de l’accord multifibre). Ceci a permis d’ouvrir une économie surprotégée à la concurrence internationale. Pour ce faire, Sithanen a été très loin. Dans un pays historiquement bâti sur l’injustice sociale et raciale, où l’écart entre riche et démuni était déjà flagrant, il ramène, avec beaucoup d’audace, les impôts de Rogers et d’IBL au même niveau que celui du plus modeste contribuable mauricien : 15 %, le taux privilégié précédemment réservé à la seule zone franche. Le taux uniforme avait sonné le glas des «incentives» qui jusque-là, étaient le maître mot de tous les budgets. Il change les règles du jeu dans la forme aussi bien que dans le fond. Il se débarrasse de tous les pouvoirs discrétionnaires et autres pouvoirs de rémission du Grand argentier et privilégie des règles clairement établies et une régulation uniforme.

Et quid du résultat ? Celui-ci s’apparente au verre à demi vide ou à demi rempli selon les points de vue. Il n’était un secret pour personne que le système capitaliste de libéralisme économique (à outrance ou pas) est le meilleur moyen de créer la richesse nationale. Ce système était cependant aussi connu comme étant le pire en ce qui concerne la distribution de cette richesse nationale, ce qui finit inéluctablement par creuser le fossé entre les riches et les pauvres. Le coefficient de Gini l’année où Rama Sithanen présenta son budget était de 0.388, alors que l’année dernière, ce coefficient avait atteint 0.413, bien qu’il ait dit, lors de son budget, «the policies we put in place now will ensure that rising incomes would be shared more with the low income workers, the unemployed, and other disadvantaged groups that are making the biggest sacrifices». Le Empowerment Programme de Rama Sithanen et son Corporate Social Responsibility ne furent, semble-t-il, pas suffisants pour endiguer l’appauvrissement qui a suivi. On peut, de plus, rappeler que la croissance économique de 2005/06 était de 3,5 % (contre 3,2 % actuellement), que le chômage, autour de 2005, oscillait entre 9,5 % et 8,5 %, ce qui n’a pas beaucoup changé depuis, et que l’épargne du secteur privé est aujourd’hui aussi décevante qu’elle l’était alors ! On pourrait logiquement se demander, devant cet état de choses, si ces huit ans de vaches maigres en valaient vraiment la peine pour si peu de résultat tangible.

Notre réponse à cette question est un oui catégorique. Nous sommes intimement convaincus que le choc financier mondial amorcé en 2008 aurait pu être dévastateur pour l’économie nationale si elle n’avait pas été dotée d’une nouvelle résilience. La question est donc de savoir si l’effort de ces huit ans est à la veille d’être défait avec le nouveau budget. Pour répondre à cette importante question, il est nécessaire d’identifier les paramètres majeurs qui seraient aptes à nous dévoiler si changement de cap économique il y aura dans les semaines et années à venir. Nous passerons donc prochainement en revue ces paramètres clairs et objectifs dont se servaient, du reste, ces bonnes vieilles institutions de Bretton Woods pour suivre le parcours de notre économie.

Mais avant d’en venir au moteur du système lors de nos prochains papiers, il est nécessaire de s’arrêter à la nature des timoniers en question. Économistes de formation, Sithanen et Mansoor avaient le réflexe qui leur permettait de faire la différence instantanément entre une requête ministérielle économiquement viable et défendable à l’opposé de la fanfreluche qui va créer des inefficiences le long de la chaîne économique et dont le seul but serait de plaire à la circonscription de l’élu. Ils le reconnaissaient instinctivement et ils osaient le dire, d’où la dernière anicroche d’Ali Mansoor qui a voulu instaurer, chez nous, ce qui se pratique depuis des décennies dans toutes les économies modernes du monde : le principe de recouvrement du coût du service public, appelé le «user pays».

Dev Manraj ne pourrait avoir un profil plus différent de ces deux bêtes économiques. Il est, comme la grande majorité des Financial Secretaries (FS) avant lui, expert-comptable et non économiste. Ce n’est pas un avantage, mais il a deux autres désavantages qui vont peser bien plus lourd dans la balance. D’abord, on sent chez l’homme un désir instinctif de plaire à la masse. Ceci fut apparent dans son traitement des syndicats alors que nous étions tous deux sur le board de Airports of Mauritius Ltd. Cette propension ne semble pas s’être estompée quand on constate qu’il a été l’auteur du PRB 2 où il trouva nécessaire d’augmenter de plus d’un milliard de roupies le pactole de Rs 4,6 milliards dont les fonctionnaires allaient hériter. Le principe de la réduction de l’écart salarial entre les secrétaires permanents et leurs messengers, c’est-à-dire un nivellement par le bas, en dit déjà long sur la rationalité économique de cette mission. On pourrait donc s’inquiéter aujourd’hui que Dev Manraj a une grande cote parmi les syndicalistes, car on devine que sa popularité n’est pas due à sa grande capacité de travail ni à sa grande expérience au ministère des Finances.

Ensuite, le second désavantage de Dev Manraj c’est qu’ il a été, pendant toute une carrière, directement associé à ériger le système complexe d’exemptions fiscales, d’exceptions, d’income reliefs, d’allowances et autres déductions qui ont proliféré au sein du système fiscal de ce pays jusqu’à ce que Sithanen y mette bon ordre en 2006. Il se pourrait que, devant un tel tabula rasa, il ne puisse changer son frame of mind et abandonner des concepts qui lui furent jadis très chers. Si l’envie lui prenait de recommencer le manège d’antan, il ne finira qu’à créer des lourdeurs et des inefficiences à un système, aujourd’hui bien rodé, au plus mauvais moment possible : à la veille de la décision indienne sur notre offshore et à la descente aux enfers de tout un pan de notre tourisme. Vu les attentes déjà créées, le nouveau FS subira beaucoup de pressions sous le prétexte qu’il est un homme de consensus, contrairement à son prédécesseur. Cela ne l’aidera pas à accomplir une tâche ingrate. 

Les embûches ne tarderont pas. Ainsi, il a déclaré récemment qu’il accordera une attention particulière à la relance du secteur de la construction où il compte éliminer les «inhibiting factors». On peut présumer qu’il incorporera ceci au prochain budget de Xavier-Luc Duval. Il devra d’abord se rendre compte qu’un premier facteur inhibant se trouve être le ministre du Travail qui a fermé le robinet des travailleurs étrangers, le ballon d’oxygène de la construction. Le second facteur inhibant qu’il découvrira dans ce domaine est nul autre que le gouverneur de la Banque de Maurice qui retourne aux anciennes méthodes de «sectoral limits» imposées aux banques commerciales durant les années où le fiat et les plafonds de crédit étaient de mise. Ainsi le crédit au secteur de la construction résidentielle et commerciale sera réduit à 15 % l’année prochaine et à 12,5 % en 2015 et 2016 pour des raisons prudentielles. Une cacophonie que le nouveau FS devra mettre au diapason.

07 October 2013

La lettre qui causa la volte-face du MMM sur le DPP


Par Jean-Mée DESVEAUX
l'express du 7 octobre 2013

L’Asset Recovery Act (ARA), une loi révolutionnaire, fut votée au Parlement qui permit, pour la première fois, au gouvernement de s’attaquer à la fortune que les marchands de la mort avaient amassée sur les centaines de cadavres d’enfants mauriciens. Proclamée en janvier 2012, cette loi permit aux autorités de saisir le bien des personnes jugées coupables de transactions illicites, de trafic de drogue et de blanchiment d’argent. Elle remplaçait l’ancienne Asset Recovery Commission qui, sous la Dangerous Drugs Act, ne réussit, en 10 ans, qu’à récolter le maigre magot de Rs 100 000 de drug money. Il fut agréé, en bonne entente politique au Parlement, que le bureau du Director of Public Prosecution (DPP) ferait office d’Enforcement Authority du nouveau cadre légal. Le DPP plaça son Senior Assistant, Me Rashid Ahmine, à la tête de l’Asset Recovery Unit, qui, à mars de cette année, se penchait sur 90 cas représentant plus de Rs 100 millions. 

Pour permettre davantage de flexibilité au processus de saisie de biens des trafiquants de drogue, des amendements furent apportés à l’ARA à la fin de l’année dernière. Ils permirent à l’enforcement authority, sous l’égide du DPP : 1) de placer le ‘onus of proof’ sur le suspect qui doit désormais démontrer en cour que les biens saisis par les autorités compétentes n’ont pas été obtenus à travers des activités frauduleuses ou illégales 2) d’avoir accès aux comptes des suspects au sein des institutions financières sans passer par un juge en chambre 3)de confisquer ou de procéder à la saisie des biens mal acquis rétroactivement jusqu’à dix ans avant l’entrée en vigueur de la loi le 1er février 2012. 4) de récupérer ces biens même s’ils proviennent d’un cadre autre que la drogue, du moment que les biens ont été acquis par des infractions aux lois du pays ayant entraîné un terme d’emprisonnement dépassant 12 mois. L’Attorney General avait expliqué que la rétroactivité de l’application de la loi était conforme à la convention des Nations unies contre la corruption et que des dispositions similaires existaient en Afrique du Sud, en Grande-Bretagne et en Nouvelle- Zélande. Il a aussi soutenu que «this does not, however, mean that the Enforcement Authority does not have to prove anything since it will still be for the Enforcement Authority to satisfy the court that a confiscation order is justified by a balance of probability». L’opposition resta solidaire du gouvernement pendant toute la démarche, Veda Baloomoody, Reza Uteem, Pravind Jugnauth et Nando Bodha ayant tous pris la parole et démontré leur soutien à l’ARA. 

Le consensus entre le gouvernement et l’opposition sur cette législation n’a nullement surpris quand on se souvient du ravage de la drogue à Maurice. Ainsi, au Parlement, l’année dernière, le PM nous apprit que 5 400 personnes avaient été enregistrées dans le programme d’échange de seringues et qu’environ 2 000 personnes avaient été arrêtées en 2010 et 2011. De plus, des dizaines de nos compatriotes infectés du SIDA décèdent chaque année d’une mort atroce directement liée à la drogue. Dans un tel environnement, il n’est pas étonnant que les responsables politiques de tout bord ont laissé de côté leur chicane puérile pour s’unir, dans un élan patriotique, autour du même combat contre la drogue, thème fédérateur s’il en existe. 

Paul Bérenger a rompu ce consensus il y a quelques jours. Cela lui a pris deux ans pour réaliser que «le DPP est une institution clé qui doit être au-dessus de tout, ne pas être mêlé à aucune polémique ….Il ne lui revient pas de jouer l’Asset Recovery Commissioner, de récupérer l’argent des trafiquants. Il y aura inévitablement toute sorte de polémique et de conflits d’intérêts et par conséquent, des PQ et des PNQ. Le DPP pourrait se retrouver mêlé à des questions politiques…le rattachement de cette unité au DPP équivaut à l’institution d’une ICAC bis sans aucun contrôle et avec des pouvoirs illimités en ce qui concerne les enquêtes. Il suffirait qu’il y ait un doute pour qu’une enquête soit ouverte.» Conscient du zigzag, le leader mauve fit son mea culpa pour ne s’être pas rendu compte plus tôt du grand tort ainsi commis aux fonctions du DPP. Il se réserve maintenant le droit de porter cette loi qu’il soutenait hier encore jusqu’au Privy Council. Les références au PQ et PNQ n’auront pas échappé au lecteur qui y reconnaîtra les menaces très claires qui y sont enchevêtrées. 

Paul Bérenger doit bien avoir réalisé les dommages collatéraux à sa crédibilité que lui ferait un virage à 180 degrés sur un sujet aussi important. Il n’aime pas beaucoup s’excuser non plus, et là il l’a fait. Qu’est-ce qui a pu le convaincre d’avaler une telle pilule ? Un indice et pas des moindres s’est faufilé à travers notre rédaction. Une lettre a atterri à l’express, la semaine dernière, qui donna lieu à un article publié dans nos colonnes sous le titre «Asset Recovery Act, une lettre au coeur de la volte-face du MMM», le 25 septembre. Cet article fut suivi, le lendemain, par une mise au point du DPP car, abusant de la confiance de notre journaliste, une source intéressée lui fit parvenir le fac-similé d’une lettre accompagnée de la grossière allégation que le DPP s’en était servi pour attaquer un homme d’affaires et sa famille qui auraient un litige au civil avec un client défendu par le cabinet d’avocat de l’épouse de Me Satyajit Boolell, le DPP. Le poison de l’informateur fut bien distillé car ses fausses et lâches accusations étaient enchevêtrées avec d’autres faits bien réels. Ainsi la lettre incriminée fut effectivement envoyée par l’Asset Recovery Unit du bureau du DPP à 96 institutions du pays sous la section 48 (Power to Require Customer Information) de l’ARA leur demandant de divulguer «all the assets of the persons and company» du suspect en question. Cette lettre a été disséminée parce que, comme le citait notre collègue, le DPP «has reasonable grounds for suspecting that any property in the possession, or under the control of the persons and company is proceeds, and that these persons have derived a benefit from an unlawful activity»

Ce qui frappe aussi dans le poison que cet imposteur distillait à notre journaliste c’est que, mélangées à ses canulars, plusieurs prises de position (parmi les moins farfelues) se retrouvaient simultanément aux lèvres du leader mauve. On pourrait en déduire qu’en sus de l’express, cet homme a, dans le même temps, induit le leader mauve en erreur. Ainsi, on a beaucoup entendu Paul Bérenger dire, ces derniers jours, que le DPP devient juge et partie ; que le terme «reasonable grounds for suspicion» peut vouloir tout dire ou ne rien dire du tout ;«qu’il y a possibilités de conflits d’intérêts» ; qu’il est dangereux de demander des informations financières confidentielles sans passer par un juge en chambre.

Or, au lieu du «fishing expedition» allégué par le dénonciateur du DPP, celui-ci a strictement utilisé les pouvoirs que l’ARA lui confère dans un cas où «time is of the essence». La dissémination de telles requêtes d’information est conforme à la loi. Le suspect en question avait été repéré par une institution responsable de rapporter des instances de blanchiment d’argent. L’institution en question aurait, selon la mise au point émise par l’ARA dans la presse, fait une risk factor analysis suite à laquelle, elle aurait décidé de passer l’information à l’ARA. Cette highly suspicious money laundering activity était caractérisée par un vaste mouvement de fonds de dimension internationale, certains fonds transitant par Maurice pour quelques heures seulement avant d’être acheminés vers les Seychelles. 

Mais là où le bât blesse ceux qui osent encore parler de conflits d’intérêts du DPP, c’est que parmi ceux soupçonnés de money laundering activity est nul autre que l’éminence grise de la finance du MSM, l’homme qui est au saint des saints du Sun Trust. Un autre fait qui ne laissera pas le lecteur de marbre c’est qu’il compte parmi ses avocats, un certain Ivan Collendavelloo qui est connu pour détenir un pouvoir de persuasion non négligeable sur le leader mauve en matière légale. On préfère dès lors conclure que l’honorable Bérenger a été induit en erreur et manipulé par ceux qui ne méritaient pas sa confiance. Cela nous permettrait de garder l’espoir qu’il n’a pas agi consciemment ces derniers temps dans le seul but de protéger ses tristes alliés politiques.

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Les rouges veulent "le nom du gros requin qui manipule Bérenger"

Le Weekend du 13 octobre 2013

Rétablir les faits, tel était l'objectif de la conférence de presse du Parti Travailliste, hier matin, à Port-Louis. Le PTr, selon son président, Patrick Assirvaden, veut ou, plutôt, insiste pour que le MMM soit clair sur ses positions au sujet de l'Asset Recovery Bill. Les rouges, dit-il, ne sont pas dupes: le volte-face du leader du MMM, Paul Bérenger, sur l'Asset Recovery Bill n'est pas anodin. Le PTr réclame des éclaircissements sur des affirmations de Jean-Mée Desvaux à l'effet que le MMM, notamment "Paul Bérenger, a été manipulé par quelqu'un qui était dans le viseur des institutions pour blanchiment d'argent."

Pour marquer la gravité de l'affaire, le président du PTr s'est exprimé sur un ton solennel sur le leader de l'opposition, Paul Bérenger, et l'Asset Recovery Bill. Après avoir applaudi et soutenu le gouvernement au Parlement sur le projet de loi, le MMM, précisément Paul Bérenger, a changé de position, intriguant du coup le PTr. "Koman in'nn kapav ena enn voltfas osi flagran lor sa issue la?", s'est demandé Patrick Assirvaden. Jean-Mée Desvaux, un ancien collaborateur de Paul Bérenger, a éclairé la lanterne des rouges. Bérenger aurait été, selon les dires de cet ancien proche collaborateur, influencé par "quelqu'un qui se trouve dans le saint des saints de la finance du Sun Trust." Et le PTr de réclamer: "Nous voudrions savoir qui est-ce (…) d'autant que Jean-Mée Desvaux a été précis, il a évoqué quelqu'un qui est dans l'entourage du MMM (…) Pourquoi l'attaque de Jean-Mée Desvaux a été claire, précise et grave?"

Patrick Assirvaden s'est attardé sur le fait que dans cette affaire, l'ex-collaborateur du leader de l'opposition "a suggéré que Paul Bérenger se laisse manipuler et embobiner." Le président des rouges a expliqué que son parti est au courant "que la police enquête sur monsieur Jingree, lequel est considéré proche du Sun Trust." Toutefois, il s'est demandé "si Bérenger est au courant de cette enquête." Pour sa part, le PTr dit souhaiter une enquête policière transparente. Et demande que Jean-Mée Desvaux dépose également à la police "ou sinon ki lapolis al pran lanket ar li." Aussi, a-t-il rappelé, "si vremem li (ndlr: JM Desvaux) pe mean biznes, ki li donn nom gro reken ki'nn manipil Bérenger." La population, dit Patrick Assirvaden, a le droit de tout savoir sur cette affaire. Il s'est aussi étonné du "silence inacceptable du MSM/MMM." Auparavant, le président du PTr a fait ressortir que l'Asset Recovery Bill a pour but de "kass leren, konbat trafikan ladrog, gro reken."

25 September 2013

Rational expectations and irrational behaviour

Par Jean-Mée DESVEAUX
l'express du 25 septembre 2013
 
Le Monetary Policy Committee (MPC) se réunit le 30 septembre. Ce comité détermine, à travers un vote démocratique, le repo rate qui est le taux directeur de la Banque de Maurice (BoM), un de ses instruments de politique monétaire. Jusqu’aux années 90, la BoM utilisait des moyens ''directs'' pour conduire cette politique. Cela se faisait à travers des directives aux banques auxquelles la BoM imposait des plafonds relatifs aux secteurs économiques et/ou des ''reserve requirements''.

Aujourd’hui, les moeurs économiques ont changé. Tout devient plus subtile et market oriented. Le plus grand changement de paradigme a été de doter, à tort ou à raison, tout agent économique que nous sommes, d’une faculté nouvelle qu’on appellera ''rational expectations''. Devant un choix économique, tout décideur est censé réunir toutes les données qui lui sont disponibles avant de trancher. Dès lors, il est impératif pour les autorités de juguler avec soin ces attentes rationnelles du public afin d’atteindre le but macroéconomique recherché.

Dans cette nouvelle configuration, la vielle opposition (qui semble encore animer certains débats) entre la croissance et l’inflation ne tient plus. Le gouvernement qui veut créer de la croissance (autrement insoutenable au vu des fondamentaux économiques du pays en question) en chauffant l’économie à blanc, verra cette croissance décélérer au fur et à mesure que le pays intériorise et factors in les données inflationnistes. Inversement, un gouvernement ne pourrait créer de la croissance en péchant dans la facilité inflationniste de la planche à billets qu’en prenant la population par surprise alors qu’elle ne s’attendait pas à une remontée de l’inflation. Et évidemment cela ne peut, par définition, être de longue durée car cette croissance sera vite rattrapée par les rational expectations des acteurs économiques.

Cette petite merveille théorique joue un rôle prépondérant dans le processus du MPC. Il ne s’agit plus ici de réunion secrète, bien au contraire. Toute décision est disséminée au grand jour car le message n’a de valeur que si elle est comprise par les agents économiques depuis le CEO jusqu’au leader syndical qui ajusteront leurs attentes en conséquence. Le comité indiquera son anxiété vis-à-vis du danger inflationniste en rehaussant son policy rate qu’est le Repo. Une diminution indiquera que ce danger est suffisamment éloigné pour donner du lest à la croissance. L’important c’est la clarté du message et la crédibilité que la population y associe. Aye, there’s the rub ! Car depuis la dernière réunion du MPC, celui-ci serait, selon les deux éminences grises économiques du pays, sans aucune crédibilité. Si nous assumons un instant qu’ils étaient rationnels lors de leur déclaration, cela n’augure rien de très bon pour la conduite de la politique monétaire du pays qui va ainsi à la dérive.

Ali Mansoor, le Financial Secretary (FS) qui est de formation économique a ainsi déclaré, lors de son intervention devant le MPC, le 17 juin : ''The MPC does not have the credibility in the market as it has consistently set interest rates which the market is not following.'' On pourrait penser que ce n’était pas très élégant de sa part ayant été l’invité d’honneur pour cette présentation. Mais il poursuit : ''The Bank of Mauritius has consistently been over worried about inflation and part of the problem lies in blindly following models.'' On aurait pu s’attendre à un peu plus de retenue du FS. Il est vrai qu’il sert un maître politique dont les attributions diffèrent grandement de celles du gouverneur de la BoM. Mais, en économie, rien n’est jamais tout noir ou tout blanc : on one hand…but on the other hand. Mais lui est catégorique, malgré le PRB 1 et PRB 2 et malgré un taux d’épargne national alarmant qui creuse notre balance du compte courant dangereusement, le Repo devait absolument être revu à la baisse ! Si le sort a souri au FS dans la mesure où trois mois plus tard, on ne constate pas une recrudescence fulgurante de l’inflation, son sens de la logique est-il sorti indemne de cet épisode ? Comment peut-on logiquement dire sur la même plateforme et le même jour que 1) Le MPC n’a aucune crédibilité et que son policy rate, le Repo, laisse le marché superbement indifférent et 2) ceux qui prônent une révision à la hausse du Repo Rate engagent l’économie dans une voie suicidaire ; que ''the spectre of unemployment is worrisome and the MPC should think very carefully about its responsibility .. to history''. C’est pour dire le moins un non sequitur qui démontre, on ne peut plus clairement, que le rôle que joue réellement le MPC au sein de notre économie n’est pas compris de façon claire et nette par le FS et, ça, c’est dangereux pour lui et pour nous.

Il est sans doute cocasse de suivre la foire d’empoigne entre le gouverneur et le FS qui fait Rundheersing Bheenick rencherir dans Business Magazine que le MPC a effectivement perdu sa crédibilité le jour où le FS y a pris la parole le17 juin. Nous y apprenons aussi, comme on pourrait s’y attendre, comment les affaires économiques du pays sont mal gérées. Ainsi le coefficient de Gini de 0,413 consacre une détérioration de l’inégalité qui n’a jamais été aussi mauvaise à Maurice;  le gouverneur a un rêve, comme l’autre, il y a cinquante ans. Mais M. Bheenick, lui, voit les plus démunis de la société mauricienne descendre dans les rues pour chercher réparation auprès du gouvernement et montrer simultanément leur appréciation au gouverneur de la BoM pour s’être vaillamment battu à leurs côtés contre l’inflation et les dévaluations compétitives voulues par les forces mercantiles et obscurantistes aux Finances. Il aurait été plus simple, mais moins amusant, de nous dire si le FS avait raison de douter du mécanisme de transmission du Repo Rate à l’économie et au marché en général.

Comme on peut s'en douter, le Repo rate n’est ni tout à fait impuissant ni tout à fait omnipotent. Les chercheurs du Fonds monétaire international (FMI) (voir les graphiques) trouvent ainsi que le ''policy rate pass-through to the lending rate is about 80% in Mauritius, one of the highest among sub-Saharan African countries.'' Ils trouvent aussi que le succès du mécanisme de transmission s’est amélioré durant la dernière décennie du fait que la BoM a choisi le Repo (au Lombard rate) comme policy instrument, ce qui est bien plus orienté au marché. Cependant, le hic est que l’effet du Repo rate sur les ''market determined rates'' tels l'interbank overnight borrowing rate et le 91 day treasury bills  (tous deux au-dessous du key repo rate depuis 2009) est négligeable. Mais il reste une lueur d’espoir. Ce mis-alignment est dû à une très forte liquidité excédentaire au niveau des banques (Rs 3milliards ou 1% du GDP chaque jour en 2012). Cet excès de liquidité engendre des taux très faibles au sein du money market et explique la faiblesse de la transmission monétaire. Il a d’autres effets néfastes sur notre économie dont la distorsion de la motivation des banques au niveau des emprunts et des prêts. Mais, est-ce aussi difficile d’éponger cette liquidité ? La BOM peut éponger cela à travers des Repo operations mais, en ce faisant, cela effriterait sa profitabilité car cela comporte un coût. La solution est donc que le gouvernement recapitalise la BOM avec des Government Bonds afin d’augmenter ses actifs collatéraux en Repo. Le FMI pense que le marché aurait ainsi bénéficié d’un ''increased supply of liquid assets''. Autant de sujets qui pourraient égayer tant de conversations entre le FS et le gouverneur de la BoM!




16 September 2013

Il se rue là où les juges n’osent s’aventurer

Par Jean-Mée DESVEAUX
l'express du 16 septembre 2013

La recommandation de la Commission de pourvoi en grâce au président de la République est tombée la semaine dernière. Les condamnés de l’Amicale ne seront pas graciés. Cet événement ésotérique fait suite à une séquence de décisions non moins abstruses. Mais les enjeux sont bien trop importants, car il y va de la pérennité d’une société juste et démocratique, pour que les questions ainsi soulevées ne soient l’objet d’un débat éclairé et dépassionné. La trame de ces événements acquiert, de plus, une dimension politico-judiciaire, avec la posture du MMM vis-à-vis des condamnés. L’autre dimension omniprésente de ce dossier demeure la mort atroce qu’ont connue nos sept compatriotes innocents. Ce leitmotiv nous rappelle le respect et le sérieux avec lesquels ce dossier mérite d’être traité.
 
La première chose à établir est que la Commission n’est pas une instance juridique malgré l’apparence que lui affuble un président qui fut chef juge. La Commission émane de l’exécutif et intervient après que le président de la République a été saisi d’un pourvoi ou demande de grâce. Une telle requête intervient quand les voies purement juridiques ouvertes au condamné ont échoué ou ont été épuisées. Mais ce qui importe de savoir c’est que ce n’est pas une instance d’appel. La grâce intervient alors même que la culpabilité du condamné n’est nullement remise en question. Inversement, si un condamné veut prouver son innocence, la Commission n’est pas l’instance à saisir. Comme le dit la Law Reform Commission of Mauritius (LRC) en novembre 2012 : «If he or she is innocent, it would be difficult to justify why he or she should need to be pardoned pursuant to the prerogative of the executive».

Dès lors, on réalise qu’un membre de la famille d’un condamné n’a nullement besoin d’apporter des preuves pour accompagner sa demande qu’un proche soit gracié. Il n’existe pas de critère spécifique pour faire une demande. La soumission du rapport «Wrongly convicted» de Me Valayden devant cette instance était intéressante mais superflue. Que la Commission ait commenté le rapport, en passant, est un bonus, car cela nous apprend que la vérification des preuves alléguées dans le rapport impliquerait un travail gigantesque qui dépasse, de loin, les ressources de la Commission. Que la Commission suggère aussi que «ces preuves» soient soumises au Criminal Appeal Act 2013 opérant sous ses critères de «fresh and compelling evidence» ne peut manquer de nous éclairer sur l’appréciation qu’a faite la Commission de ce document.

La Commission avait une palette de choix d’où puiser sa recommandation au président : elle pouvait accorder un pardon total, un pardon sous certaines conditions, un sursis pour une période définie (nombre d’années) ou indéfinie. Elle aurait pu aussi recommander que la peine imposée soit substituée par une sanction moins sévère. Mais de toute cette palette, la Commission de sir Victor Glover a retenu l’option la plus austère : aucune intervention du président.

Qu’est-ce qui a motivé ce choix sévère ? La Constitution ne spécifie pas les critères à appliquer dans ces cas-là. Une approximation nous amène à la liste de critères cités par Lord Bingham of Cornhill dans le jugement en appel du Privy Council dans le cas de Boucherville v The State of Mauritius (2008).

«In determining the sentence which a detainee has yet to serve, various factors might be taken into consideration, including pure retribution, expiation, expressions of the moral outrage of society, maintenance of public confidence in the administration of justice, deterrence, the interests of victims, rehabilitation and, last but not least, mercy.»

Le lecteur choisira le critère qu’il pense avoir pesé dans la balance de la Commission. Nous ne le saurons jamais. Cependant, devant l’événement qu’a été pour ce pays l’épisode tragique de l’Amicale, je pencherais personnellement pour «expressions of the moral outrage of society».

C’est avec ce même outrage qui imprégnait l’île Maurice en 1999, au-delà des clivages ethniques, que la société civile mauricienne doit abandonner sa torpeur et appréhender la récupération cruelle que fait Monsieur Bérenger du destin tragique des condamnés de l’Amicale à des fins bassement politiques. Après l’alliance du scandale du siècle, cette nouvelle initiative du leader du MMM démontre non seulement l’absence de convictions réelles mais surtout le manque d’initiatives pratiques qui lui permettraient de reconquérir le pouvoir de façon honorable. En panne d’idée sur un nouveau projet de société, incapable de se remotiver, paniquant devant le temps qui s’écoule, il s’adonne à des subterfuges qui lui auraient donné la nausée il n’y a pas si longtemps. Paul Bérenger «rushes in where judges fear to tread». Cet élu ne démontre plus le moindre respect pour la séparation des pouvoirs qui devrait l’empêcher d’empiéter sur les prérogatives du judiciaire. Il avait déjà franchi toutes les lignes rouges en lançant « un appel solennel à la Commission de pourvoi en grâce au sujet de l’affaire l’Amicale».

Maintenant que la Commission a traité son appel avec le mépris qu’il méritait, il s’arroge le droit de commenter la décision de cette instance constitutionnelle. Il a ainsi déclaré que «même le langage utilisé est terriblement cruel vis-à-vis des condamnés et des concernés». Ce membre du législatif n’a pas rougi quand, avec une arrogance intellectuelle qui accroît avec les années, il devient la sagesse infuse du Privy Council, de la Commission de pourvoi en grâce, de la cour d’appel de la Cour suprême et déclare donc, sa «conviction» que les quatre condamnés de l’Amicale sont innocents. Nous ne pouvons donc être étonnés, alors même que sir Victor Glover ne pouvait sonder les innombrables allégations du document «Wrongly convicted», que le leader mauve, lui, a tout parcouru, tout souligné, tout compris, tout vérifié et contre-vérifié, de sorte que le jour même où il regagne le pouvoir, les condamnés de l’Amicale seront libérés sans autre forme de procès. On est tenté de conclure que Monsieur Bérenger prend une pente qui fera de lui, très vite, un danger encore plus grand pour le pays que n’est déjà the present incumbent ! Et ça, il faut le faire !

Mais, donnons à Paul Bérenger plus de crédit qu’il ne donne aux institutions du pays et arrêtons-nous aux arguments qu’il avance dans ses moments de lucidité, loin du podium électoral. La première suggestion du leader mauve a trait au système de filtrage en amont de la Cour suprême sous le Criminal Appeal Act 2013. Un tel système vise à faire un tri avant que les applications en appel n’atterrissent à la Cour suprême. Le but est d’éviter que la population entière de la prison de Beau-Bassin n’aille encrasser l’emploi du temps chargé de nos meilleurs juges. Le Premier ministre (PM) n’avait pas opté, à l’origine, pour un filtrage des cas de condamnés qui se prévaudraient du nouveau droit d’appel. Sous l’argumentation de l’opposition MMM, de guerre lasse, il permit à la Commission des droits de l’homme de jouer ce rôle. L’opposition a prouvé, sans l’ombre d’un doute, que cette Commission est on ne peut plus inapte dans le contexte actuel. Cependant, dans l’esprit du PM, le réel travail se faisant en aval au niveau de la Cour suprême, un mauvais filtre est meilleur que pas de filtre du tout ! Paul Bérenger lui, désirait à la place de la Commission des droits de l’homme, un vrai bell and whistle «Criminal Cases Review Commission» (CCRC), comme le modèle britannique. C’est ce que recommande aussi la Law Reform Commission. Mais là où le leader du MMM se leurre c’est de croire qu’une CCRC mollifie nécessairement la loi et imposerait un test moins rigoureux aux quatre condamnés de l’Amicale que le test actuel de «fresh and compelling evidence».
 
Le leader mauve trouve «révoltant» et «inhumain» de demander de telles preuves. Un des arguments qu’il met en avant est qu’un nombre de preuves existantes auraient été mises de côté lors de l’enquête. On pense ainsi à la «découverte» par un expert canadien qu’une des victimes aurait été tuée sur le site avant même que le feu ne se propage à la maison de jeu. Il y aurait aussi une vidéo montrant les quatre condamnés loin de la scène du crime. Mais il a été clairement démontré que l’amendement au Criminal Appeal Act permettrait de telles preuves comme fresh and compelling evidence.

A d’autres moments, il se contredit et affirme qu’il n’est «pas évident d’obtenir de nouvelles preuves». Parfois encore c’est le hocus pocus selon lequel les événements de l’Amicale auraient eu lieu dans des «exceptional circumstances» qui est une formule pour remettre les condamnés en liberté sans autre forme de procès. En lisant ceux qui font une meilleure exégèse de la pensée du leader mauve que nous, ces circonstances exceptionnelles se résumeraient à une atmosphère délétère et anarchique sous Navin Ramgoolam en 1999 après Kaya avec un système judiciaire cherchant à tout prix des coupables sur lesquels accrocher le meurtre de sept Mauriciens. Mais avec le «test» que suggère Paul Bérenger c’est effectivement toute la population carcérale de Beau-Bassin qu’on libérerait impunément.

Pourtant, la Law Reform Commission recommande bien une CCRC où le critère «as to guilt» est bien la soumission de «fresh and compelling evidence». C’est aussi le critère qui prévaut au niveau de l’International Covenant on Civil and Political Rights que la LRC prend pour modèle. Mais plus frappant encore c’est également le test qui prévaut au niveau de la Criminal Cases Review Commission de la Grande-Bretagne que M. Bérenger prétend prendre pour modèle.
 
Mais, Paul Bérenger l’a reconnu lui-même quand il voulait faire porter le chapeau à Navin Ramgoolam. Tout cela n’a rien à voir avec le crime abominable de l’Amicale ou de la justesse de son châtiment. Il y a eu, au sein de la communauté de nos confrères musulmans, une vague d’espoir au sujet de cette affaire. Cela aurait engendré des political dividends hors du commun si, quelle que soit la cruauté effarante de la démarche, un politicien pouvait exploiter cette vague de sympathie et donner un feel good factor à une communauté meurtrie pour des raisons domestiques autant que géopolitiques. L’honorable Bérenger se devait de singer Me Rama Valayden même s’il fallait descendre aux enfers. Qu’il ose miser ce qui lui reste de crédibilité sur une combine, autant amorale que cousue de fil blanc, nous démontre ce qu’il reste de l’homme que ce pays a admiré pendant quarante ans. Il suffit, pour s’en rendre compte, de juger la crédibilité des preuves apportées par ces quatre condamnés de l’Amicale lors de leur jugement en appel à la Cour suprême en 2004 : three counts of sequestrating of witness avec l’aide du frère de l’un des accusés ; interfering with witness au niveau de l’enquête préliminaire et aux assises ; soudoiement de témoin pour qu’il change de version à plusieurs reprises avec une somme de Rs 200 000 et Rs 500 000 comme prime.