JM et les chefs coutumiers de la République démocratique du Congo

26 October 2013

Rama Valayden au banc des accusés

Par Jean-Mée DESVEAUX
L'express du 26 octobre 2013

Il ne s’agit pas de s’acharner sur l’homme, aujourd’hui qu’il est à terre. Inculpé provisoirement de complot la semaine dernière, l’interrogatoire quasi quotidien «under warning» au «Central Criminal Investigation Department» de Me Rama Valayden vole la vedette depuis au riche feuilleton juridico policier du pays. S’il jouit de sa présomption d’innocence vis-à-vis de l’accusation et des allégations portées contre lui, le destin de cet acteur né, membre flamboyant mais volatil du barreau mauricien, invite naturellement à l’analyse de ceux qui s’intéressent à la chose publique.


Il est accusé de complot et de perversion du cours de la justice en marge de l’affaire des jugements truqués en Cour suprême. Il aurait essayé de convaincre Ahkee Bhikajee de modifier sa version des faits en vue de mettre hors de cause Jean-Michel Lee Shim. La police le suspecte également d’avoir conseillé un témoin dans l’affaire Fine de changer sa version des faits sur Sada Curpen, le commanditaire présumé de ce règlement de comptes entre membres de la pègre. Il est passible, enfin, d’une inculpation de «Money Laundering» et de recel pour avoir accepté, selon les premières versions du père de Younousse Katoaroo (cerveau présumé du détournement de Rs 80 millions de la Bramer Bank), une part du butin comme honoraires. Rama Valayden est aujourd’hui en liberté conditionnelle. Il récuse toutes les accusations et, sans surprise, se déclare l’objet d’un complot de la police. Fidèle à ses méthodes, il annonce l’organisation d’un comité de soutien à sa personne, brandit la menace d’une grève de la faim et promet un «Black Paper» sur les enquêtes ratées de la police criminelle.


Le pilier de la défense de Rama Valayden repose sur une vidéo dans laquelle Mahammad Sadeck, le père de Younousse Katoaroo (de l’affaire «Bramer Bank»), entreprend un revirement de veste et contredit ses déclarations précédentes. Il se dit manipulé par la police qui lui aurait fait dire que les honoraires qu’il avait versés à Me Valayden pour la défense de son fils provenaient du butin de Rs 80 millions volé à la banque. La police, il est vrai, aurait mieux assis sa crédibilité si elle avait filmé les premières déclarations en continu, d’autant plus que ledit témoin est analphabète. D’autres éléments nous perturbent au sein de cette «défense en béton» qui est, en tout point, fi dèle au reste du feuilleton. L’avoué Bokhoree, qui faisait partie intégrante du panel d’avocats de Valayden, devient soudainement l’homme de loi qui rédige la nouvelle version pro-Valayden de Sadeck Katoaroo au sujet des honoraires possiblement compromettants. Me Rutnah, l’avocat de Sadeck Katoaroo depuis son changement «Attorney General», assure l’enregistrement vidéo et capture la nouvelle déclaration de son client. Cet homme de loi assiste et devient partie prenante des conférences de presse où Rama Valayden accuse la police de complot. C’est lui qui distribue la vidéo de la nouvelle version de Katoaroo aux journalistes durant une conférence de presse. Me Rutnah est, en passant, appelé à comparaître devant le comité disciplinaire de la Cour suprême pour entorse au code de l’éthique lors de sa défense d’un des accusés du meurtre de Michaela Harte. Il aurait utilisé de subterfuges en vue d’induire le jury en erreur.


Monsieur Valayden ne nous intéresse pas. Il demeure, cependant, l’épiphénomène qui a permis de dévoiler, en ce nouveau millénaire, que l’île Maurice n’a aucune âme. Il a démontré avec succès qu’au sein de l’océan d’indifférence qui caractérise notre nation, sept innocents, dont des enfants en bas âge exécutés de sangfroid, sont destinés à un cruel oubli quand les acteurs du barreau s’amusent à les occulter de la mémoire collective.

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