JM et les chefs coutumiers de la République démocratique du Congo

09 November 2013

Budget 2014 : On a viré de bord

Par Jean-Mée DESVEAUX
l'express du 8 novembre 2013

Avec un déficit qui prend l'ascenseur, XLD fait fi de la rigueur budgétaire. 
Avant même que les projecteurs ne se focalisent sur Xavier-Luc Duval à l’occasion de la lecture de son troisième budget annuel, hier soir, l’observateur de la chose économique savait que le tandem XLD/Dev Manraj allait jouer sa crédibilité devant la nation et ses partenaires internationaux lors de cet exercice. Nous avons précédemment illustré l’importance de certains paramètres majeurs sur lesquels devrait être axée l’appréciation de cette manoeuvre périlleuse autant pour les deux hommes que pour le pays.

Ce budget concrétise une cassure nette avec la dream team Sithanen/Mansoor de 2006 qui avait poursuivi sa philosophie de rationalisme économique au-delà du départ du premier nommé en 2010. La question qui se posait alors était de savoir si le changement d’hommes allait sonner le glas de la philosophie du moindre État, de la rigueur budgétaire et de parcimonie dans les dépenses publiques. L’objectif macroéconomique majeur était alors la réduction de la dette publique à 50 % du PIB à l’échéance de 2018, comme inscrit dans la Public Debt Management Act (PDMA) de 2008.

La joute avait assez mal commencé pour nos deux protagonistes. Le déficit que XLD avait anticipé lors de son dernier exercice, l’année dernière, était de l’ordre de 2,0 % du PIB. Cela aurait été la culmination d’un sans-faute commencé cinq ans plus tôt (3,9 %,3,2 %, 3,2 %,2,5 %, 2,0 %). Or, ce déficit de 2013 a largement dépassé cette estimation et, nous annonce XLD hier soir, surpasse aujourd’hui les 3,7 % du PIB. De plus, le secrétaire financier Manraj étant directement impliqué dans le milliard excédentaire du PRB 2 qui a contribué en grande partie à ce dépassement, le niveau du déficit 2014 vole la vedette à toute autre considération. À 3,2 %, ce déficit de 2014 s’apparente plus au niveau auquel nous étions habitués il y a cinq ans qu’à cette vertu qui, XLD nous le rappelle, nous a valu un Sovereign Debt Rating Upgrade par les agences de notation.

Que les agences de notations nous retirent leur satisfecit et nous colle un downgrading devant un glissement de 1,7% du PIB (2,0% à 3,7% pour 2013) ne devrait pas trop nous étonner car, avec le même glissement, XLD peut très bien nous annoncer, lors du prochain budget, que le réel déficit pour 2014 est plutôt de l’ordre de 4,9% du PIB. Un tel downgrade aurait un impact direct sur le taux d’intérêt à décaisser aux épargnants internationaux sur notre dette souveraine. Cela risque d’être encore plus débilitant que le gouvernement semble vouloir écouter le (mauvais) conseil, cette fois, de l’IMF, de renverser la courbe de la dette vers 1) une augmentation du pourcentage de la dette en devises étrangères et 2) une meilleure répartition de cette dette extérieure vers le long terme. Bien que le Grand argentier s’est tout de suite empressé de nous rassurer que la dette du secteur public ne dépassera pas les 54,8 % (54 % en 2014) du PIB et que Maurice sera donc au rendez-vous en 2018 pour la PDMA, les déficits de 2013 et de 2014 permettent de questionner sa conviction de ne pas «spend his way through an economic downturn». Il est plus crédible quand il admet que la croissance économique est sa réelle priorité.

Comme le dernier Focus de la MCB l’a bien démontré, ce ne sont pas les défis économiques qui manquent à notre pays. Les points saillants se nomment l’emploi, la croissance, l’investissement privé, le taux d’épargne et notre capacité d’exportation. On ne peut s’attendre que le budget renverse la tendance de ces données macroéconomique avec une baguette magique. Ce que le budget est censé faire, cependant, c’est de créer les conditions nécessaires pour établir l’atmosphère de confiance chez les acteurs économiques. Ce budget allait aussi être jugé sur sa capacité à conserver les acquis économiques depuis 2006 sans y ajouter des mesures abracadabrantes qui recréeraient les lourdeurs d’antan.

Du grand nombre de mesures autour de nouveaux hubs, piliers et clusters qui ont été annoncés (Aviation, Petroleum, Marine), l’Africa Strategy est celle qui se démarque plus de l’effet d’annonces qui plombe le reste. Les grands absents doivent aussi être notés : aucune mesure pour enrayer l’effet du vieillissement sur la facture du Basic Retirement Pension qui atteint 2 % du PIB en 2014 alors que nous avons six personnes en âge de travailler pour chaque pensionnaire. Qu’en sera-t-il quand nous n’aurons que deux salariés par pensionnaire en 2051 ?

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