Par Nad Sivaramen
l'express du 1er novembre 2013
C’est quand même surprenant que le terme «épave politique» sorte
de la bouche d’un Paul Bérenger, qui a régné plus de quatre décennies sur un
MMM qui dérive d’alliance en alliance depuis. Encore plus surprenant que le
leader mauve parle d’«épave» en présence de son aîné, sir Anerood Jugnauth,
bientôt 84 ans. Est-ce un lapsus freudien, comme le pense notre collègue
Jean-Mée Desveaux ? Toujours est-il que, politiquement, on reste enlisé dans
une gérontocratie, avec son lot de secrets et de bonimenteurs.
Le dilemme que Desveaux soulève, après ses révélations sur les
ondes de Radio Plus qui ont relancé l’affaire Illovo, est un problème surtout
d’ordre moral. Jusqu’ici, la seule motivation pour s’éloigner d’un parti
politique auquel on est affilié ou pour lequel on a travaillé était axée sur
des raisons purement intéressées, personnelles, souvent financières. Or,
Desveaux ne donne pas de signe de vouloir rejoindre le PTr, encore moins
serait-il à la recherche d’intérêts quelconque. On saura le juger s’il le
faisait. Mais quand un homme se démarque ainsi de «son parti» pour des raisons
de conviction, c’est peut-être parce qu’il se sent aliéné de la direction que
prend celui-ci. Alors, comment expliquer qu’il soit crucifié sur la place
publique, alors que la douzaine de transfuges du Parlement vivotent toujours ?
La loyauté d’un homme envers «son» Premier ministre devrait-elle primer sur ce
qu’il considère être sa loyauté vis-à-vis de sa patrie ?
Prenons le deal Illovo, acte II. Au lieu d’éclairer le public
sur les révélations de Jean-Mée Desveaux, les deux leaders du Remake s’en
prennent à notre journaliste, car il a eu l’audace de remettre sur le tapis,
entre autres sujets, cet accord, qui nous a toujours été présenté par le
MSM-MMM comme étant un «mari deal». Pour avoir osé lever une partie du voile
sur les négociations en amont du deal - négociations qui restent secrètes
aujourd’hui encore, en l’absence d’une Freedom of Information Act -, le
«whistleblower» est traité de tous les noms, selon une vieille tactique du MMM
qui consiste à tuer le messager afin de faire diversion, au lieu d’expliciter
le dossier au public.
La première réaction de Bérenger sur les révélations de Desveaux
aura été : «Cela ne m’intéresse pas». Puis, quelques jours plus tard, sous la
pression médiatique, le leader du MMM est forcé de commenter en long et en
large le deal Illovo, puis tombe dans l’insulte pour démontrer qu’il est sur la
même longueur d’onde que SAJ. Surtout après son silence radio assourdissant
après l’interrogatoire de Jaye Jhingree/Kross Border. SAJ ne fait pas mieux en
termes d’explication ; au lieu de démentir le fait qu’il ait reçu un
représentant du privé avant la conclusion du deal «un tiers pour le
gouvernement et deux tiers pour le privé» (alors que Desveaux avait négocié et
obtenu l’inverse, c’est-à-dire «deux tiers pour le gouvernement et un tiers
pour le privé»), il annonce un projet en diffamation contre notre collègue. Une
vieille tactique pour noyer le poisson, car l’octogénaire, QC, sait fort bien
que cette affaire, si vraiment elle est logée, ne sera prise sur le fond que
dans plusieurs mois, voire plusieurs années.
Puis, il y a le cas des «tapeurs» vocaux qui défendent aveuglément
leur leader, car dépourvus de bon sens et d’esprit critique. Ce n’est pas parce
que l’express critique l’opposition que nous faisons le jeu du PTr ou du
gouvernement. Si tel était le cas, cela se verrait dans nos pages, non ?
D’ailleurs, nous poursuivons le gouvernement du jour, qui nous prive de
publicités gouvernementales car on est perçu par lui comme étant
anti-travailliste ! Il est temps d’arrêter de traiter les journalistes
comme étant soit à la solde du gouvernement, soit des suiveurs de l’opposition.
Cette vision manichéenne est dépassée, comme nos dirigeants
politiques de l’opposition, qui pensent bêtement qu’ils peuvent faire
abstraction de nous uniquement en nous privant d’invitations à leurs
conférences de presse. La belle affaire ! Dans le monde d’aujourd’hui, ils ne
peuvent plus contrôler l’information. Avec ou sans carton d’invitation à leurs
«Muppet Shows» du samedi, on mettra en relief leurs discours sur le web et sur
papier…
No comments:
Post a Comment