JM et les chefs coutumiers de la République démocratique du Congo

01 November 2013

Tragiques épaves politiques

Par Nad Sivaramen
l'express du 1er novembre 2013

C’est quand même surprenant que le terme «épave politique» sorte de la bouche d’un Paul Bérenger, qui a régné plus de quatre décennies sur un MMM qui dérive d’alliance en alliance depuis. Encore plus surprenant que le leader mauve parle d’«épave» en présence de son aîné, sir Anerood Jugnauth, bientôt 84 ans. Est-ce un lapsus freudien, comme le pense notre collègue Jean-Mée Desveaux ? Toujours est-il que, politiquement, on reste enlisé dans une gérontocratie, avec son lot de secrets et de bonimenteurs.

Le dilemme que Desveaux soulève, après ses révélations sur les ondes de Radio Plus qui ont relancé l’affaire Illovo, est un problème surtout d’ordre moral. Jusqu’ici, la seule motivation pour s’éloigner d’un parti politique auquel on est affilié ou pour lequel on a travaillé était axée sur des raisons purement intéressées, personnelles, souvent financières. Or, Desveaux ne donne pas de signe de vouloir rejoindre le PTr, encore moins serait-il à la recherche d’intérêts quelconque. On saura le juger s’il le faisait. Mais quand un homme se démarque ainsi de «son parti» pour des raisons de conviction, c’est peut-être parce qu’il se sent aliéné de la direction que prend celui-ci. Alors, comment expliquer qu’il soit crucifié sur la place publique, alors que la douzaine de transfuges du Parlement vivotent toujours ? La loyauté d’un homme envers «son» Premier ministre devrait-elle primer sur ce qu’il considère être sa loyauté vis-à-vis de sa patrie ?

Prenons le deal Illovo, acte II. Au lieu d’éclairer le public sur les révélations de Jean-Mée Desveaux, les deux leaders du Remake s’en prennent à notre journaliste, car il a eu l’audace de remettre sur le tapis, entre autres sujets, cet accord, qui nous a toujours été présenté par le MSM-MMM comme étant un «mari deal». Pour avoir osé lever une partie du voile sur les négociations en amont du deal - négociations qui restent secrètes aujourd’hui encore, en l’absence d’une Freedom of Information Act -, le «whistleblower» est traité de tous les noms, selon une vieille tactique du MMM qui consiste à tuer le messager afin de faire diversion, au lieu d’expliciter le dossier au public.

La première réaction de Bérenger sur les révélations de Desveaux aura été : «Cela ne m’intéresse pas». Puis, quelques jours plus tard, sous la pression médiatique, le leader du MMM est forcé de commenter en long et en large le deal Illovo, puis tombe dans l’insulte pour démontrer qu’il est sur la même longueur d’onde que SAJ. Surtout après son silence radio assourdissant après l’interrogatoire de Jaye Jhingree/Kross Border. SAJ ne fait pas mieux en termes d’explication ; au lieu de démentir le fait qu’il ait reçu un représentant du privé avant la conclusion du deal «un tiers pour le gouvernement et deux tiers pour le privé» (alors que Desveaux avait négocié et obtenu l’inverse, c’est-à-dire «deux tiers pour le gouvernement et un tiers pour le privé»), il annonce un projet en diffamation contre notre collègue. Une vieille tactique pour noyer le poisson, car l’octogénaire, QC, sait fort bien que cette affaire, si vraiment elle est logée, ne sera prise sur le fond que dans plusieurs mois, voire plusieurs années.

Puis, il y a le cas des «tapeurs» vocaux qui défendent aveuglément leur leader, car dépourvus de bon sens et d’esprit critique. Ce n’est pas parce que l’express critique l’opposition que nous faisons le jeu du PTr ou du gouvernement. Si tel était le cas, cela se verrait dans nos pages, non ? D’ailleurs, nous poursuivons le gouvernement du jour, qui nous prive de publicités gouvernementales car on est perçu par lui comme étant anti-travailliste !  Il est temps d’arrêter de traiter les journalistes comme étant soit à la solde du gouvernement, soit des suiveurs de l’opposition.

Cette vision manichéenne est dépassée, comme nos dirigeants politiques de l’opposition, qui pensent bêtement qu’ils peuvent faire abstraction de nous uniquement en nous privant d’invitations à leurs conférences de presse. La belle affaire ! Dans le monde d’aujourd’hui, ils ne peuvent plus contrôler l’information. Avec ou sans carton d’invitation à leurs «Muppet Shows» du samedi, on mettra en relief leurs discours sur le web et sur papier…


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