l'express du 31/05/2004
Pour la Wastewater Management Authority, les compteurs sont remis à zéro. La firme ayant proposé le devis le moins cher pour la station d’épuration de Montagne Jacquot est éliminée de la course.
La WMA vient de recevoir l’autorisation du Central Tender Board (CTB) d’ouvrir des discussions avec l’entreprise classée deuxième à l’ouverture des plis, soit la China International Water and Electric Company (CWE).
Ce dénouement survient après une longue série de péripéties impliquant le consortium ABB-Ebara- WBHO, qui avait été retenu dès novembre 2002. De nombreux litiges ont ensuite opposé le maître d’oeuvre à ce groupement. Le parcours a été tumultueux et les conséquences importantes pour la WMA. Son ingénieur principal, Alan Samsoon, soumet demain sa démission de l’organisme. Il a confié à des proches un sentiment de frustration au sujet de la manière dont le processus s’est déroulé. Il y a une semaine, c’était au tour de Jean-Mée Desveaux, alors membre du conseil d’administration, de claquer la porte en se réjouissant “d’avoir réussi à déjouer toutes les manœuvres d’un faux moins-disant (lowest bidder) pour la station de Montagne Jacquot ”.
C’est en décembre 2002 que ABB-Ebara-WBHO reçoit la confirmation que son offre de Rs 646 millions est retenue pour la construction de la station d’épuration de Montagne Jacquot. Outre la CWE, les autres soumissionnaires malchanceux sont la China Shanghai Group et le consortium Grinaker-Itochu-Degremont- Ireland Blyth. Les travaux sont financés à travers un prêt de la Japanese Bank for International Cooperation (JBIC). Les consultants de la WMA sont également japonais. Il s’agit de la firme Nippon Jogesuido Sekkei (NJS).
Des discussions interminables bloqueront la concrétisation du marché durant la première moitié de l’année 2003. Invité aux discussions pré-contractuelles, ABB-Ebara-WBHO impose 12 nouvelles conditions, ce qui rend plus cher son offre initiale. La WMA objecte mais se retrouve seule dans son affrontement avec le groupe.
Les bailleurs de fonds, la JBIC, et les consultants, la NJS, semblent très intéressés à allouer le contrat au groupement ABB-Ebara-WBHO, malgré le fait qu’en révisant son offre à la hausse, le contrat n’est plus le moins-disant. La démarche des financiers et des consultants paraît suspecte aux yeux des dirigeants de la WMA, d’autant plus qu’Ebara est japonais.
Respecter toutes les clauses
De son côté, le représentant local d’ABB, Bashir Jahangheer, dispose de puissants leviers qu’il active afin de conclure le marché selon les termes souhaités par son groupement. La WMA résiste. Elle obtient finalement gain de cause. Le groupement accepte de respecter toutes les clauses du document d’appel d’offres sans exception et sans coûts additionnels.
Cette manche remportée, la WMA affronte la prochaine épreuve. Elle est traînée devant la justice par le consortium Degremont-IBL. Celui-ci allègue que l’offre de ABB est truffée de conditions, donc non conforme aux règles du document d’appel d’offres. Le plaignant est toutefois débouté par la Cour suprême fin 2003, sur un point de droit technique. Entre-temps, le processus reste gelé.
En janvier de cette année, les négociations redémarrent mais une nouvelle surprise attend la partie mauricienne. ABB revient à la table des négociations avec de nouvelles conditions contrairement à sa promesse antérieure. Le groupement veut être dédommagé pour fournir des surge protection systems pour les conduites reliant les stations de pompages de Pointe-aux-Sables et Fort-Victoria à la station d’épuration de Montagne Jacquot . Il avait mal fait ses calculs, dit-il, et réclame Rs15 millions de plus.
En outre, bien que le contrat contienne des clauses protégeant le contracteur éventuel contre les fluctuations du taux de change, ABB voulait des compensations de l’ordre de 6% du prix soumis parce que le rand sud-africain s’est apprécié par rapport au dollar américain. Sa réclamation s’élève à Rs 39 m. La WMA rejette sa demande et fait ressortir qu’un soumissionnaire a d’autres moyens pour se protéger contre les fluctuations du taux de change. Des pressions s’exercent alors sur l’organisme mauricien pour qu’il assouplisse sa position. Il ne cède pas. Cela décourage ABB. Elle ne renouvelle pas son offre alors que l’échéance légale pour le faire expire le 31 mars 2004. La WMA juge alors qu’elle s’est mise hors-jeu. Le parquet décrète que ce raisonnement est juste. Le CTB confirme. La semaine dernière, le CTB donne le feu vert à la WMA pour procéder à l’ouverture des négociations avec la CWE.
La firme chinoise s’est empressée de renouveler l’offre qu’elle a faite au départ mais a souligné que celle-ci est valable jusqu’à fin juin 2004. La WMA parviendra-t-elle cette fois à remporter la course contre la montre ?