l'express du 14/10/2004
Y aurait-il enfin de la lumière au bout des tuyaux ? La China International Water and Electric Company (CWE) est en passe de décrocher le contrat pour la construction de la station d’épuration de Montagne-Jacquot. Le choix de la Wastewater Management Authority (WMA) a été approuvé par le Central Tender Board (CTB) en fin de semaine dernière.
Le CTB a donné son feu vert à la WMA pour que le contrat soit alloué à la compagnie chinoise. Mais avant, la Japanese Bank for International Cooperation (JBIC) doit donner son aval.
Cette banque nippone finance la construction de la station. Elle insiste pour ce que son autorisation soit obtenue avant la signature du contrat entre la WMA et la compagnie chinoise. Des représentants JBIC étaient en mission à Maurice il y a quelques jours pour discuter de ce dossier.
La WMA a adressé une lettre à cette banque en fin de semaine dernière pour l’informer qu’elle comptait allouer le contrat à CWE. Elle espère obtenir une réponse la semaine prochaine.
Elle mettra ensuite tout en œuvre pour signer le contrat avec la CWE dans les plus brefs délais. La WMA espère que cela sera fait en janvier. Si tout se déroule comme prévu, les travaux de construction de la station d’épuration de Montagne-Jacquot devraient commencer fin janvier ou en février. Ils dureront environ 18 mois. La station d’épuration devrait donc être opérationnelle vers fin 2006.
Le projet de construction de cette station de traitement des eaux usées est une véritable saga. L’appel d’offres pour la réalisation du projet a été lancé le 23 juillet 2002. Les soumissionnaires intéressés avaient trois mois, jusqu’au 22 octobre, pour soumettre leurs offres au CTB.
Un consortium, composé entre autres du groupe helvético-suédois, Asea Brown Boveri Ltd (ABB), soumet l’offre la plus compétitive. Elle est de Rs 646 millions, contre Rs 665 millions pour la CWE. Les autres soumissionnaires sont China Shanghai Group et le consortium Grinaker-Itochu-Degremont-Ireland Blyth Ltd.
Requête prématurée
Alors que les négociations sont en cours entre la WMA et ABB, une action est entrée en Cour suprême en juillet 2003 par le consortium Grinaker-Itochu-Degremont-Ireland Blyth Ltd. Ce der- nier demande que le contrat ne soit pas alloué à ABB. Il allègue que l’offre d’ABB est non conforme aux règlements du document d’appel d’offres. Le feuilleton à rebondissements de la station d’épuration de Montagne-Jacquot ne fait que commencer.
Le plaignant est débouté par la Cour suprême à la fin de l’année dernière sur un point de droit technique. Le chef juge Ariranga Pillay et le juge Paul Lam Shang Leen ont statué que sa requête était prématurée car aucune décision n’avait encore été prise pour l’allocation du contrat.
L’affaire en cour ayant été réglée, les négociations reprennent avec ABB au début de cette année. Durant ces pourparlers, elle fait comprendre à la WMA qu’elle veut être compensée parce que le rand sud-africain s’est apprécié par rapport au dollar américain. ABB a coté dans ces deux devises. Sa réclamation se chiffrerait à Rs 39 millions. La demande d’ABB est rejetée par la WMA, qui soutient qu’un soumissionnaire a d’autres moyens de se protéger contre les fluctuations des taux de change.
Des divergences sur ce dossier entre Jean-Mée Desveaux, alors membre du conseil d’administration de la WMA, et cette institution, entraînent en mai sa démission de cette instance.
Les négociations avec ABB n’aboutissent pas. Ce qui conduit le CTB à donner en mai le feu vert à la WMA pour ouvrir les négociations avec la CWE. Elles se tiennent en août. La WMA recommande au CTB que le contrat soit alloué à la CWE.
Polémique
Mais les remous autour de l’allocation du contrat continuent. Notamment, après que la CWE a demandé des clarifications à la WMA au sujet de la clause d’ajustement des prix du contrat pour ce projet. A mi-septembre, ABB fait parvenir une lettre au gouvernement, alléguant que la CWE bénéficierait de certaines facilités pour ajuster ses prix alors que cela lui avait été refusé auparavant. ABB estime que ce rajustement coûterait Rs 50 millions de plus à la WMA.
L’ambassade de France se met de la partie. Elle adresse une correspondance au ministre des Services publics, Alan Ganoo, pour lui faire part de ses appréhensions au sujet de la révision éventuelle du montant de l’offre de la compagnie chinoise. Eric Noitakis, chef de mission économique de cette ambas- sade, écrit “qu’on est en droit de s’inquiéter du contexte qui pourrait présider au choix de l’adjudicataire”
La compagnie chinoise réplique. Elle trouve que “les conjectures sur le montant des profits et de l’ajustement de prix dont elle bénéficierait sont sans fondement”.
L’ambassade de Chine a aussi fait parvenir une lettre aux autorités mauriciennes pour exprimer sa position sur ce dossier.
La station d’épuration de Montagne-Jacquot traitera les eaux usées d’une partie de la capitale et des Plaines-Wilhems. C’est la partie la plus importante du Montagne-Jacquot Sewerage Project. A cause du retard dans l’allocation du contrat, des tuyaux de très gros diamètre vont rester inutilisés pendant au moins deux ans encore. Ils ont été installés depuis plus de deux ans pour un montant de Rs 122 millions. Ce retard entraînera des coûts très importants au niveau de l’entretien du réseau.
Quant au contrat de Rs 471 millions pour l’installation d’un émissaire en mer, il a été accordé en juin 2004 à la branche mauricienne de la compagnie belge Jan de Nul. Cet émissaire sera utilisé pour déverser, en haute mer, à une profondeur de 30 mètres, les eaux usées traitées par la station de Montagne-Jacquot.