JM et les chefs coutumiers de la République démocratique du Congo

02 October 2004

Une passerelle pour aider à la réinsertion des ex-détenus

CENTRE D’ACCUEIL DE KINOUETE
 
L'express du 02/10/2004
 
Sophie de Robillard, présidente de l’organisation non gouvernementale Kinouete, fait de l’écoute, de la thérapie de groupe et du service-conseil depuis maintenant trois ans auprès des détenues de la prison des femmes de Beau-Bassin. C’est à leur contact qu’elle réalise à quel point la période de vulnérabilité extrême pour les détenues est celle des six mois suivant leur libération.

«A leur sortie de prison, les anciennes détenues ont une peur bleue du monde extérieur. Elles ont honte du délit qu’elles ont commis et portent leur culpabilité en bandoulière. Pour peu qu’elles sentent que leurs proches ne leur font pas confiance ou ont conservé une image négative d’elles, ou encore ne serait-ce que si leurs tentatives de trouver un emploi échouent en raison de leur condamnation passée, elles risquent la rechute. Il est donc impératif qu’elles soient accompagnées durant cette période», explique la présidente de Kinouete.

Jusqu’ici, cette organisation non gouvernementale effectuait ce suivi dans des fast foods. Mais ces endroits sont extrêmement fréquentés et par conséquent peu propices aux confidences et à l’encadrement psychologique nécessaire. D’où l’idée de Kinouete de mettre sur pied une structure pour les ex-détenues. Au cours d’une rencontre informelle avec Jean-Mée Desveaux, conseiller spécial auprès du Premier ministre, l’équipe de Kinouete affine cette idée, pensant à la création d’un centre de jour. Le conseiller les encourage à élaborer un projet en ce sens. Juliette François, ex-coordonnatrice de Prévention, Information et Lutte contre le Sida qui s’est joint à Kinouete, prête main-forte à l’équipe dans l’élaboration du projet.

PRÉJUGÉS

L’idée se matérialise en centre de jour qui disposerait d’une salle d’accueil, d’un salon, d’un coin cuisine et d’une salle de formation où les détenus, hommes et femmes, pourraient venir et recevoir l’aide appropriée à leurs besoins.

L’équipe de Kinouete se met alors en quête d’une maison, cherchant surtout du côté de Beau-Bassin, du fait que les institutions réformatrices s’y trouvent. Leurs négociations favorablement enclenchées avec les propriétaires, butent invariablement quand ces derniers apprennent que leurs futurs locataires seront d’anciens prisonniers. Kinouete finit par frapper à la porte du diocèse de Port-Louis qui leur loue le local qui abritait jusqu’à tout récemment l’imprimerie Père Laval à la route Nicolay, Port-Louis. L’organisation Elan qui poursuit le même objectif que Kinouete, obtient l’aile gauche du même bâtiment.

Le centre de jour qui y sera aménagé ne sera ni centre de réhabilitation, ni centre résidentiel, comme l’explique Juliette François, sa future coordonnatrice. «Ce sera un centre de jour qui sera destiné à accueillir les anciens détenus dès leur sortie de prison et qui leur offrira un encadrement en fonction de leurs besoins.»

Cette évaluation déterminante sera faite par un travailleur social. Une fois l’exercice terminé, il référera l’ancien détenu aux responsables qui ont accepté de travailler pour le centre. Parmi ceux-ci, un avocat, un psychologue, un médecin spécialisé dans le VIH/sida et l’usage de la drogue par voie intraveineuse, un spécialiste du renforcement des capacités et un formateur à la gestion chargé d’initier à l’esprit de petite entreprise.

Comme les détenues de la prison de Beau-Bassin ont formulé le désir de bénéficier d’un appui professionnel en coiffure, en couture et broderie, en cuisine et pâtisserie et en informatique, Kinouete utilisera le bâtiment qui abritait jusqu’à tout récemment la presse et le transformera en centre de formation. «Cette formation est importante car les anciens détenus ont d’énormes difficultés à trouver du travail. Dès que l’employeur sait que leur casier judiciaire n’est pas vierge, l’emploi vacant ne l’est soudainement plus.»

Pour que ce soutien se fasse dans les six mois suivant la libération du détenu, Kinouete a prévu l’impression et la distribution au sein des prisons de cartes de visite avec les coordonnées et le plan du centre. « Nous aimerions les voir dans les six mois suivant leur libération pour un encadrement de six mois à un an. C’est généralement le temps requis pour se relever et avoir un projet de vie. Mais si nous voyons que les anciens détenus ont besoin de plus de temps, nous étendrons ce délai. Cela dit, il est important que l’ancien détenu ne dépende pas de nous. Il doit faire son chemin, tout en sachant que s’il ressent un passage à vide, il peut revenir. Tout se jouera sur la relation construite entre lui et nous.»

REFAIRE LE LIEN SEVRÉ

En parallèle à ce soutien, Kinouete veut préparer les proches des détenus à renouer avec ces derniers. «Nous aimerions organiser des rencontres avec les conjoints, les enfants et les proches des détenus avant la sortie de ces derniers. Car souvent, les proches ont encore en tête une image négative et toutes sortes d’attentes ne cadrant pas forcément avec la réalité du détenu. Nous voulons refaire ce lien détenu-parent, détenu-conjoint, détenu-enfant. Lien qui a été sevré», explique Sophie de Robillard.

Le centre de jour opérera en semaine entre 10 et 16 heures. Toutefois, ses horaires d’ouverture seront étendus à 19 heures les mardis et jeudis pour que les anciens détenus puissent rencontrer les responsables. Si l’ouverture officielle du centre est prévue pour décembre, ses activités démarrent officieusement le 15 octobre. Le local est actuellement repeint et aménagé.

Pour mener financièrement à bien ce projet, Kinouete a sollicité le Trust Fund for the Integration of Vulnerable Groups qui a pris à sa charge la remise en état des lieux et l’achat de tout le mobilier. Le haut-commissaire britannique, David Snoxell, a offert une machine à laver et tous les équipements nécessaires aux formations professionnelles qui y seront délivrées. Si Kinouete a fait appel à la générosité de certaines entreprises et particuliers pour pouvoir rétribuer les employés du centre, l’argent obtenu à ce jour ne permettra de financer qu’un seul salaire.

«Il nous faudrait d’autres contributions pour payer les autres salariés », précise Sophie de Robillard, qui estime que la société a une responsabilité envers les anciens détenus. «Ces personnes sont des êtres humains qui ont déjà purgé leurs peines. Chaque individu est un fruit de la société et celle-ci a le devoir de l’aider soit en finançant ses premiers pas dans la liberté à travers le centre de jour, soit en lui faisant de la place au sein des entreprises.»

Kinouete attend également une réponse favorable du Trust Fund for NGOs’ tombant sous la tutelle du ministère de la Sécurité sociale. « Le ministre Lauthan y serait favorable, mais nous attendons certaines confirmations. Autrement, il nous sera difficile de commencer nos opérations…»

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