JM et les chefs coutumiers de la République démocratique du Congo

02 June 2003

Jack Bizlall : Que la lumière soit faite sur le CEB

JACK BIZLALL RÉPOND 
A JEAN-MÉE DESVEAUX

L’express du 2 juin 2003

La production de l’électricité par des opérateurs privés continue de susciter une vive polémique. Après les explications du conseiller spécial du Vice Premier Ministre sur les contrats signés avec les sucriers par rapport à la co-génération, Jack Bizlall réitère sa demande pour une commission d’enquête.

L'INTERVIEW de Jean-Mée Desveaux publiée dans l'express du lundi 25 mai 2003 est un véritable roman-fleuve. Mais il ne donne aucune réponse aux trois questions fondamentales posées dans le document (de 14 pages) publié par le Mouvement Premier Mai pour dénoncer ce qui se passe au CEB.
Ce n'est pas pour autant une interview pour rien dans la mesure où on a pu faire parler Jean-Mée Desveaux. Et a, en sus, confirmé une chose : c'est lui le P.-d.g. du CEB.

En termes de personnalité, Jean-Mée Desveaux dépasse de loin son guru sur le plan de l'esquive et de l'arrogance. Passons ! Il insiste qu'il oeuvre dans l'intérêt du CEB. Je lui demande donc de prouver que tel est le cas en répondant aux questions que j'énonce plus loin.

Les IPP : les taureaux de Boolell (père)

Il dit vouloir empêcher le CEB d'être une vache à lait. Voyons les faits. Il est écrit dans le document soumis à la presse par le Mouvement Premier Mai, en parlant de l'accord avec les Independent Power producers all year round bagasse charbon (IPP): "The formula was construed in such a way that at the end  of the day it is the CEB consumers who are financing the Sugar Sector and contributing to the enrichment of the sugar magnates, interalia, Antoine Harel, Jacques (Jacky) Harel, the de Rochecouste, Cyril Lagesse, the Spéville, Arnaud Dalais, Patrick Ducray, Patrick Guimbeau, Eric, Gilbert, Hector et Roger Espitallier Noël, etc." Les noms cités sont ceux des plus gros actionnaires des anciens et du nouveau IPP. Ils sont des milliardaires.

Jean-Mée Desveaux critique tout ce qui a été fait par l'ancien gouvernement. Il constate que l'industrie sucrière "serait tentée de chercher un substitut mauricien pour la vache à lait européenne disparue (les préférences de Lomé) ". Il est d'accord que ce "serait une parfaite redistribution des richesses nationales dans le mauvais sens". Il admet que "le mode d'octroi de ces contrats avait augmenté son inquiétude". Bref, il me donne raison sur toute la ligne et déclare que nous sommes sur la même longueur d'onde et que nous avons les mêmes objectifs.

Alors que Le Mouvement Premier Mai milite pour que les contrats des IPP soient rendus publics et que la formule d'achat d'électricité par le CEB soit révisée à la baisse, il ne parle pas dans son interview de ces deux aspects fondamentaux de nos inquiétudes à nous, les consommateurs, et compte signer dans le dos de tout le monde un autre contrat de nature IPP avec Société Usinière du Sud (SUDS).

Question 1. N'est-il pas dans l'intérêt du public et de la démocratie et dans le respect des droits des consommateurs que les contrats IPP soient rendus publics ?

Question 2. Si l'ancien gouvernement a signé un accord contre l'intérêt du pays et des consommateurs, n'est-il pas dans l'intérêt du public que ces contrats soient renégociés et, au cas contraire, dénoncés?

Il me demande implicitement de le soutenir dans son action et de croire qu'il est en train, depuis trois ans, de s'opposer à l'enrichissement des "oligarques et autres magnats du secteur sucrier". La formule qui sera adoptée pour SUDS sera-t-elle différente ? Personne ne peut le dire. Ni même la direction du CEB. (Voir le tableau de sa Financial Projection 2003-2006 plus loin.) C'est pour cela que j'ai demandé, en tant que consommateur, à mon avocat attitré de réclamer en cour un Judicial Review des contrats IPP actuels et de bloquer la signature de tout contrat avec SUDS. Le public doit savoir qu'il existe une clause dans le contrat avec Belle-Vue que le CEB serait passible de poursuites judiciaires s'il rendait lui-même publique la formule.

Si Jean-Mée Desveaux est parvenu, dans ses négociations avec SUDS, à faire réduire le prix d'achat de l'électricité, c'est que nous payons bien cher les gabegies de l'ancien gouvernement. En tant que consommateur, c'est mon droit de savoir quelle formule sera utilisée dans le contrat avec SUDS pour fixer le prix d'achat d'électricité et le système de dépréciations des équipements. Entre autres.

• Question 3. Jean-Mée Desveaux est-il d'accord de rendre public le contenu du contrat avec SUDS avant qu'il ne soit signé ?

Le contrat avec St.-Aubin : un contrat alloué d'avance

Je maintiens qu'il n'y a pas eu d'appel d'offres dans le sens que nous le pratiquons à Maurice. Le Mouvement Premier Mai parle, dans son document, d'un "unsolicited offer  to Government for  the construction of a new power generation station" faite par Suzor. Suivie par opportunisme par d'autres compagnies. Plus de six. Toutes des unsolicited offers. Des directives ont été données par le gouvernement au CEB pour que seulement trois de ces entreprises soumettent leurs propositions. Pourquoi seulement trois ? Médine s'est retirée et attend son heure. Il ne restait que St.-Aubin et Suzor. Un véritable appel d'offres aurait permis à plusieurs entreprises d'entrer en compétition. Aussi intelligent que Jean-Mée Desveaux veuille paraître, ne réalise-t-il pas qu'en modifiant des conditions pour permettre à St.-Aubin de soumettre son offre en utilisant des équipements second hand, les dés étaient pipés ?

• Question 4. Pourquoi le CEB a-t-il été exclu alors que le projet de St.-Aubin concernait un ''coal fired station''?

Le Mouvement Premier Mai affirme que le CEB aurait fait de loin une meilleure offre. Que Jean-Mée Desveaux vienne prouver le contraire ! C'est pour cela qu'une deuxième action légale est envisagée par moi. Il y a dans toutes ces tractations vice de procédure dans l'appel d'offres allégué, usurpation des pouvoirs du CEB et de l'unfair competition.

Le contrôle sur la production d'électricité par le secteur privé : un danger potentiel sur tous les plans.
Le Mouvement du  Premier Mai maintient qu’on ne peut laisser au secteur privé le pouvoir de contrôler la production d'électricité. Pour des raisons politiques, économiques et de sécurité. Souvenons-nous que, quand l'année dernière les moteurs de Belle-Vue sont tombés en panne, il y a eu une coupure d'électricité générale dans le pays. Souvenons-nous du lock-out du secteur privé en 1979.

Par ailleurs, pouvons-nous accorder aux IPP tous les avantages possibles et laisser au CEB le soin de prendre charge du reste ? En sus des pannes de moteurs des IPP, le CEB sous-utilise ses effectifs et pratique le surinvestissement. Jean-Mée Desveaux délibérément ignore l'élément idéologique et s'attache uniquement aux aspects économiques sans se rendre compte que l'idéologie se construit à partir des analyses économiques et dans la défense d'intérêts économiques. Et ce technocrate décide de tout au CEB. D'où la nécessité qu'il soit dessaisi de ce dossier. Lui et Donna Leclaire. Cette dernière, qui est une employée du CEB, ne peut fonctionner indépendamment de la direction du CEB et ne recevoir des directives que de Jean-Mée Desveaux.

Question 5. Peut-il nous dire que la privatisation de la production d'électricité n'a aucun impact négatif sur le prix payé par le consommateur pour son électricité ? Dans l'affirmative, peut-il quantifier cet impact ? C'est-à-dire, combien le consommateur paye-t-il plus cher pour sa consommation d'électricité ?

Quand on lit l'interview de Jean-Mée Desveaux, on ne peut que conclure que c'est lui le P.-d.g. du CEB. D'ailleurs, le General Manager et le Chairman du CEB n'ont aucun pouvoir. Quant à Mme Donna Leclaire, elle ne travaille pas pour le CEB mais pour le ministère des Finances et pour Jean-Mée Desveaux. Il est important de revoir le fonctionnement du CEB dans la mesure où même le ministre Alan Ganoo n'a plus aucun pouvoir. Le pays est en train d'être dirigé par le VPM et ses conseillers.

Mais l'interview de Jean-Mée Desveaux est venue confirmer les critiques formulées depuis longtemps contre le CEB. Voyons certaines de ces confirmations :

• Tous les contrats octroyés aux IPP et aux Continuous Power Producer bagasse only during harvest (CPP) n'ont pas été faits à partir d'appel d'offres ! Jean-Mée Desveaux d'ajouter : "Aucune compétition n'a été instaurée pour mettre de la pression sur le prix offert par ces candidats afin d'obtenir un meilleur deal pour le CEB; aucun critère et aucune méthodologie ne furent élaborés auxquels les parties en concurrence devraient adhérer.’’

• J’avais dénoncé dans la presse l'année dernière le scandale des contrats CPP. Surtout l'aspect de leur payer sur la base de l'huile alors que les CPP utilisent la bagasse. Jean-Mée Desveaux a confirmé cela et a conclu comme moi que l'indexation sur l'huile lourde "n 'a rien à faire avec le coût de production de ces centrales". Alan Ganoo a exigé que le prix soit réduit à Re 1,30. Il faudra que les CPP remboursent le CEB. Le prix fixé était de Re 1 en 1996. Il est passé à Re 1,70 en 2001 pour ensuite être réduit à Re 1,32 en 2002. C'est du vol organisé. On ne peut laisser les capitalistes arnaquer le peuple.

• Il n'y a pas eu d'appel d'offres pour le nouveau contrat IPP mais un "Request for proposals" soumis à trois candidats ! Je maintiens que la loi de la jungle a continué. Le même jour où le Board du CEB se réunit pour décider qui, de St.-Aubin et de Suzor, doit obtenir ce contrat, je suis invité en tant que représentant de l'UASI à une réunion à Britannia, organisée par SUDS. Les représentants de SUDS nous informent que Savannah, Union St.-Aubin, Riche-en-Eau et Mon-Désert-Mon-Trésor (toutes des compagnies) avaient transféré leurs biens et leurs employés à la société SUDS en prévision de la  construction d'une centrale électrique à St.-Aubin; qu'une fois le contrat avec le CEB signé, il serait suivi par la fermeture de Mon-Désert-Mon-Trésor et Riche-en-Eau. Le plus troublant est que c'est St.-Aubin qui fait une unsolicited offer et ce sont quatre compagnies sucrières qui vont tirer des bénéfices. Les magnats de l'industrie sucrière sont comme des douves.

• En ce qui concerne les take or pay provisions dénoncées par moi depuis l'année dernière, Jean-Mée Desveaux confirme: "A cause de cette clause contraignante, le CEB doit, à certaines heures, réduire la production de ses centrales plus qu'il n'est économiquement raisonnable de le faire dans le but de laisser la place à l'énergie contractuellement achetée de certaines centrales." Et c'est le consommateur qui paye pour de telles erreurs. Au lieu de résilier les contrats IPP, Jean-Mée Desveaux de déclarer: "Il est préférable pour un pays d'économie libérale comme le nôtre de vivre avec un ou plusieurs mauvais contrats plutôt que de cesser d'honorer les contrats signés par le gouvernement en vue d'améliorer post hoc les conditions qui s'y trouvent". Et Jean-Mée Desveaux veut nous faire croire qu'il va changer les choses.

Il existe d'autres aspects importants dans l'interview de Jean-Mée Desveaux qui révèlent des choses plus que troublantes. Le secteur sucrier est en train de voler tout le monde. Je dis merci à Jean-Mée Desveaux d'avoir confirmé tout ce que Le Mouvement Premier Mai a avancé dans ses dénonciations.

Il me dit qu'il poursuit le même objectif que moi. C'est pour cela que je le sollicite de soutenir ma demande pour une commission d'enquête sur le CEB. Quant à son rôle et à celui de Mme Leclaire, tant que tous les accords qu'ils sont en train de négocier ne seront reconsidérés, il faudra insister qu'ils soient dessaisis de ce dossier. Je suis en train, au fond, d'opposer St.-Aubin à Saint Thomas. Je ne crois pas en leur bonne foi.

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