l'express du 18/11/2005
On ne fait pas d’omelette sans casser les œufs. Pour transformer la douane en un département efficace, il faut certes convaincre Bert Cunningham de demeurer à son poste mais il faut aussi oser faire le ménage. Il y a des brebis galeuses à éliminer. Or, il semble que le gouvernement est déterminé à demander au directeur démissionnaire de rester mais ne souhaite pas sacrifier ceux qui le contestent.
Le Premier ministre a donné le bon signal hier en déclarant publiquement qu’il souhaite “les li fer travay ki li pe fer”, mais Bert Cunningham n’est pas rassuré pour autant. Il ne peut l’être tant qu’il sait que des forces sont à l’œuvre pour caser certains cadres suspects de la douane dans des postes de direction à la MRA. Ces nominations priveront Cunningham de la possibilité de travailler car il ne peut se battre à la fois contre les importateurs fraudeurs et leurs complices à la MRA.
Sa démission est une façon de s’élever publiquement contre les ambiguïtés du pouvoir dans la lutte contre la corruption. La situation n’était guère mieux sous l’ancien gouvernement. Dès la création de la MRA, il y a eu des compromis. Le projet de loi initial proposait un exercice de sélection pour tous les recrutements. Les syndicalistes réclamaient, eux, une ré-affectation automatique des 1 575 employés des cinq départements qui ont fusionné pour former la MRA. Finalement le gouvernement a cédé à la démagogie syndicale en imposant une sélection uniquement pour les hauts cadres.
Bert Cunningham ne voulait conserver que les douaniers compétents et intègres. Il y a une faible minorité de douaniers qui ne répondent pas à ce critère mais ils sont capables de bloquer tout le processus de réforme du département. Le directeur démissionnaire parlait hier d’une “soixantaine d’officiers pourris qui font un tort immense à l’image du pays”. Il y a un an, un rapport interne révélait des statistiques effarantes. Sur les 975 douaniers en poste, 50 faisaient l’objet d’enquêtes administratives. De ce nombre 22 étaient suspendus de leurs fonctions, tout en coûtant aux contribuables presque Rs 10 millions par an.
Jean-Mée Desveaux, conseiller de Paul Bérenger dans l’ancien gouvernement, dit dans une interview à “l’express” qu’il a suivi le dossier de la douane “pendant cinq ans jusqu’à ce que la MRA tourne en eau de boudin entre les mains de Madame Hanoomanjee”. Il reconnaît que “le memorandum of understanding, qu’a signé l’ancien gouvernement avec les syndicats, est une capitulation”.
Le franc-tireur Cunningham a lutté seul jusqu’ici. Maintenant , il cherche du soutien. Il le mérite amplement car la réforme de l’administration fiscale, qu’il a enclenchée est juste et sert l’intérêt national. Il a apporté un éclairage sur l’étendue de la fraude à la douane et a identifié le réseau des fraudeurs. Il faut lui donner les moyens de mener à bien sa mission.
Même si le Parti travailliste a promis durant la campagne électorale de remplacer les expatriés par des Mauriciens, il n’a aucun reproche à se faire en maintenant Bert Cunningham à son poste. La douane est un département où cela peut être contre productif de recruter en interne. On ne peut compter sur des gens qui ont appartenu à un réseau pour le démanteler.