Trois jeunes capitaines de l'industrie sucrière dévoilent à l'express leurs points de vue sur ce secteur clé de l'économie mauricienne. M.Cyril Mayer, Hector Espitalier-Noel et Thierry Lagesse font ressortir qu'ils parlent ici strictement en leur nom et n'engagent en rien ni leurs organisations ni leur future stratégie industrielle et économique. Répondant avec franchise, ils brossent un tableau de cette industrie dont l'avenir en cette fin de Lomé 4 est on ne peut plus menacé. L'express leur pose aujourd'hui des questions sans complaisance sur les valeurs démocratiques d'une industrie qui courrait le risque d'entrer dans le 3e millénaire avec un ''corporate spirit'' qui se réclame du 18e siècle.
Propos recueillis par Jean-Mée DESVEAUX
■ Messieurs, vous êtes les descendants d'illustres industriels du sucre mauricien. Vous avez survécu aux idéologies qui voulaient nationaliser votre patrimoine. Mais alors qu'on vous reconnaît vos droits ici, il est difficile pour le reste de la population de comprendre l'hégémonie franco-mauricienne au sein de l'état-major de nos sucreries. C'est un style de management qui ne cadre ni avec les aspirations démocratiques du peuple mauricien, ni avec la logique économique qui devrait vous inciter, en tant que propriétaires, à tirer la quintessence de notre matière grise nationale. Pensez-vous donc que l'intelligence et le savoir-faire ne se retrouve pas en dehors de la communauté franco-mauricienne?
M. Hector Espitalier-Noël: Ce qu'il faudrait souligner ici, c'est que les employés de l'industrie sucrière se retrouvent de génération en génération au sein de ces établissements. Il y a donc des familles de cadres sucriers qu'on retrouve là depuis des décennies. C'est une culture qui a été transmise de père en fils pendant des générations, des fils prenant la relève de leur père. Ces derniers ayant eux-mêmes longtemps habité une sucrerie. Historiquement et traditionnellement donc, il y a une catégorie de personnes qui travaillent dans cette industrie et dont la progéniture y travaillera aussi parce qu'elle s'y intéresse.
La seconde constatation est que l'énoncé de la question est un peu erroné. Dans notre groupe, par exemple, si on faisait une analyse ethnique, on constaterait que la composition de l'état-major - ne serait-ce qu'au niveau du bureau de la ville - est différente de celle qu'on pourrait croire. Il y a donc des personnes qui travaillent chez nous en toute sérénité et en toute quiétude, tout en appartenant à des communautés autres que celle des "barons sucriers".
Sur les établissements eux-mêmes, nous constatons la même chose. Nous avons dans nos usines des personnes très haut placées qui appartiennent à toutes les communautés. La croyance que l'état-major de l'industrie sucrière est réservé à une certaine ethnie, si elle est quantitativement vraie pour des raisons que j'ai énoncées initialement, l'est moins vraie quand on fait une étude plus profonde de la situation. On retrouvera, dans n'importe quel groupe ici ou ailleurs, cette tendance de s'associer à des gens qu'on connait mieux.
M.Cyril Mayer: Il y a en effet des familles qui s'intéressent par tradition à l'industrie sucrière. Cette dernière ayant été longtemps la seule industrie réellement structurée à Maurice, il y a eu, comme dans la fonction civile, une tendance pour que les promotions s'y fassent plus par rapport à l'ancienneté que par rapport à la méritocratie. Ce sont là des vestiges du passé qui sont en train de changer. Un autre aspect où il y a un rapide changement ces jours-ci, est celui du recrutement dans l'industrie sucrière. Le recrutement aujourd'hui se fait sur une base beaucoup plus juste et plus méritocratique que ce qui se faisait dans le passé. Je crois que l'on verra de plus en plus l'arc-en-ciel mau ricien dans nos sucreries.
M.Thierry Lagesse: Les entreprises qui ont historiquement survécu au processus de sélection économique sont celles ou des familles entières ont réussi à produire en leurs seins les compétences de management nécessaires et suffisantes pour cette survie. Ces familles sont donc restées dans l'histoire du sucre. Celles qui n'ont pas pu produire les bons acteurs sur le plan économique et celui du management, ont graduellement disparu des entreprises sucrières en tant que propriétaires. Une sélection naturelle s'est donc opérée au sein de l'industrie.
■ Ce paradoxe de l'amalgame du moderne et de l'ancien se retrouve aussi dans le secteur financier où des établissements sucriers sont cotés en Bourse sans vraiment être du domaine public. Devant le manque de transaction de ces titres, n'êtes-vous pas en train de déroger au principe meme des avantages fiscaux qui accompagnent un ''listing''?
M.Cyril Mayer: La question est comme une photo figée dans le temps. Il faut remonter un peu en arrière et voir l'évolution de ces compagnies sucrières. Nos grands-pères étaient des gens qui allaient dans leurs champs et dans leurs usines. Ils mettaient la main à la pâte, eux, qui étaient non seulement propriétaires, mais également managers et chefs de sections. Ensuite, au cours de la génération immédiatement antérieure à la nôtre, avec l'élargissement de l'actionnariat, l'industrie a commencé à se transformer en sociétés, passant de sociétés à responsabilité limitée à des sociétés anonymes pour des raisons principalement fiscales. Plus récemment, avec l'avènement de la Bourse, certaines compagnies, dont l'actionnariat était le plus large, ont choisi d'être cotées. Cela fait que nous gérons aujourd'hui des compagnies publiques qui sont encore jeunes. D'autre part, la Bourse est jeune, elle aussi, et il faut donc donner le temps au temps.
Il y a déjà une démocratisation de l'actionnariat. Dans la plupart des grands groupes, des "holdings" de contrôle sont formés, mais le reste des actions est tout à fait accessible. C'est comme cela qu'il y a aujourd'hui beaucoup d'institutions, dont des institutions étrangères, qui participent à l'actionnariat des sucreries.
Ceci dit, il est important de conserver un noyau dur, qui assure le contrôle d'une compagnie quelle qu'elle soit afin de pouvoir la gérer avec cohésion. Je crois fermement que les entrepreneurs qui mènent aujourd'hui les affaires au sein de l'industrie doivent à tout moment pouvoir compter sur le support d'un noyau dur d'actionnaires.
M. Hector Espitalier-Noël: Avant qu'une compagnie ne soit admise en Bourse, elle doit répondre à certains critères au niveau de la répartition de ses actions. Ces critères ayant été établis par les autorités boursières, nous avons dû nous y conformer. C'est ainsi que nous avons fait notre entrée en Bourse.
Les actions y sont disponibles. Il y a des transactions, peut-être pas très grosses, mais il y en a. Est-ce que le problème ne se situe pas plutôt dans le fait que les actions des compagnies sucrières sont sous-évaluées par rapport à leur valeur intrinsèque, ce qui décourage ceux qui les possèdent de vendre? Si on regarde le patrimoine des compagnies cotées en bourse et qu'on le compare à leur valeur boursière, on verra que celle-ci est largement en-deçà de la valeur de ce patrimoine. Il est vrai que la rentabilité est, dans certains cas, plus aléatoire. Ceci peut donc expliquer le manque de transactions que l'on peut constater en Bourse.
Finalement, je ne crois pas que la population mauricienne ait encore acquis la culture boursière. Notre Bourse est au stade embryonnaire. Si on prend en considération l'émission d'actions du Sugar Investment Trust, qui n'a été souscrite qu'à la hauteur de cinquante à soixante pour cent initialement malgré les incitations mises à la disposition des acquéreurs potentiels, on peut en déduire que l'intérêt pour l'actionnariat n'est pas encore un phénomène national.
M. Thierry Lagesse: L'industrie sucrière est arrivée à maturité et ses perspectives de croissance en terme de chiffre d'affaires ne sont plus liées aux phénomènes technologiques ou de la croissance, mais à ceux du prix du sucre et de l'économie que l'on réaliserait avec la cen tralisation. Ce problème qu'on associe ici donc à un manque de liquidités est réellement dû au fait que l'acheteur potentiel sera plus attiré par une croissance plus rapide de son investissement dans un autre secteur que l'industrie sucrière. C'est ce que nous constatons dans les domaines touristique et bancaire.
■ Il existe des barrières érigées à l'encontre de la participation du capital étranger au sein de l'industrie sucrière. Au moment où vous vous lancez à la conquête de l'Afrique, comment expliquer cette attitude nombriliste qui prive votre industrie du savoir-faire et des finances des groupes mondiaux qui viendraient en "joint-venture" participer à la modernisation de ce secteur?
M.Hector Espitalier- Noël: Les lois qui interdisent aux étrangers de participer à plus de quinze pour cent dans les compagnies sucrières ne relèvent nullement des dirigeants de cette industrie, mais des dirigeants du pays qui ont choisi de légiférer dans cette direction. Pourquoi l'ont-ils fait? Ont-ils raison de le faire? C'est une question d'opinion. Je pense qu'il y a un courant favorable au "Non citizens property restrictions act" qui vise à ce que les terres de ce pays soient la propriété de Mauriciens et non d'étrangers. Tant que cette loi est en vigueur, cette situation perdurera.
M.Cyril Mayer: Les restrictions sur l'actionnariat étranger dans l'industrie sucrière relèvent beaucoup plus de questions d'occupation de sol que de questions sucrières. Je ne pense pas que ce serait bon qu'à l'île Maurice demain, il y ait trop de terre qui passe en mains étrangères. C'est donc plus dans cet esprit-là que la loi a été promulguée et non pour protéger les "barons sucriers".
M. Thierry Lagesse: Il est évident qu'à l'île Maurice, nous avons une superficie limitée de terres et qu'ainsi la croissance de nos entreprises sucrières serait quasiment nulle si la centralisation n'arrivait pas. Nous avons donc choisi d'aller en terre étrangère, que ce soit en Côte d'Ivoire ou au Mozambique; pour accélérer la croissance de nos entreprises sucrières, cotées en Bourse ou non. Ceci permet de partager le savoir-faire mauricien en matière d'exploitation de la terre. C'est pour cette raison en fait qu'il est important de protéger nos acquis mauriciens afin de nous étendre à l'étranger. Si nous n'étions plus propriétaires chez nous, comment alors prétendre que nous pourrions attirer les capitaux requis et avoir la cohésion nécessaire pour aller à l'étranger? C'est une attitude de défense oui, mais pas nombriliste. Je la qualifierai plutôt de nationaliste.
■ Que vous le vouliez ou non, le monde extérieur empiète déjà sur votre territoire. Alors que l'industrie s'est longtemps méfiée de l'entrée de l'Afrique du Sud dans le groupe ACP-UE de peur que l'industrie sucrière de ce pays ne fasse diminuer notre quota sucrier, l'industrie sucrière sud-africaine a eu, en Lonhro, le cheval de Troie qu'il lui fallait pour se joindre à vos marchés. Les petites habitudes de l'industrie sucrière ne risquent-elles pas d'être secouées par llovo, acteur mondial qui opère, avec succès sans filet de protection, sur la scène mondiale ?
M. Cyril Mayer: Il faut d'abord faire la différence entre les intérêts nationaux et les intérêts corporatifs de l'une ou l'autre de nos compagnies. Il est évident que l'Afrique du Sud, qui est aussi un gros producteur de sucre et qui a adhéré à la convention de Lomé, peut à terme menacer nos intérêts nationaux. Pour moi, c'est là où s'arrêtent les objections que je peux avoir vis-à-vis de l'Afrique du Sud. Lonhro, qui est une multinationale, était déjà là. Elle a été remplacée aujourd'hui par llovo, qui a été très bien accueillie à Maurice. Cela démontre que, contrairement à ce qu'assumait la question précédente, nous savons accueillir le savoir-faire international.
Une petite précision est nécessaire cependant. Je mettrai un bémol sur l'absence de filet de protection dont vous faites état. L'Afrique du Sud a un très gros marché local et n'exporte qu'une petite partie de sa production, alors que les pays ACP sont généralement dans la situation inverse. Je tiens à mettre l'accent sur le fait que toute inquiétude dans ce sens-là est de nature nationale et rien d'autre.
M. Hector Espitalier- Noël: Il faut ajouter à cela que le prix interne en Afrique du Sud n'a rien à voir avec le cours mondial ou avec le prix que nous pratiquons à Maurice. Je ne pense pas qu'il y a une industrie sucrière au monde qui opère sans filet de protection. En Australie, on vend le sucre plus cher sur le marché local qu'on ne le vend sur le marché mondial. Sur à peu près 120 millions de tonnes de sucre produites mondialement, il y a environ 20 millions qui s'échangent librement. Tout le reste est vendu soit sur des marchés internes, soit sous des protocoles bilatéraux ou trilatéraux.
Il faut ajouter qu’Illovo a simplement ‘step into Lonhro’s shoes’, compagnie avec laquelle nous avions des relations excellentes pendant des décennies et il n’y a aucune raison de penser qu’avec Illovo, nous n’aurons pas des relations similaires.
M.Thierry Lagesse : Comme je l’ai fait ressortir plus haut, nous sommes limités territorialement. De ce point de vue, Illovo prend une dimension spéciale, car elle affirme produire plus d’un million de tonnes de sucre. C’est donc un poids lourd de l’industrie sucrière. Si l’Afrique du Sud venait à s’intéresser au marché ACP sucrier, le quota sucrier attribué à Maurice pourrait se trouver proportionnellement réduit, avec les conséquences que l’on peut présager étant donné le prix préférentiel actuel.
■ Si vous avez pu enlever la taxe que M. Bheenick avait imposée à votre industrie, ce qui allait précipiter la fin de sa carrière en tant que ministre des Finances, ne pouvez-vous pas demain également mettre un gouvernement à genoux?
M. Thierry Lagesse: Le fait d'influencer la direction économique d'un pays devient un devoir patriotique quand on occupe une fonction représentant un secteur plutôt qu'un intérêt personnel. Un certain "ras le bol" rend ce comportement parfois plus démonstratif.
M. Hector Espitalier- Noel: Il faut préciser que la réaction négative au budget présenté en 1996 est venue du secteur privé dans son ensemble. Celui-ci a pensé que ce budget allait être économiquement néfaste pour le pays tout entier. Pour réussir à enlever la taxe de M. Bheenick comme vous le dites, il ne nous a rien fallu de plus qu'une simple démonstration que les "windfall gains", qu'on voulait être la justification de cette taxe, n'étaient que pure spéculation. Le présent ministre des Finances l'a d'ailleurs reconnu lors du dernier budget. De plus, d'autres secteurs, qui avaient été taxés alors, ont reçu une abolition totale de cette taxe qui leur avait été imposée. En ce qui nous concerne cependant, la moitié de cette taxe a été maintenue, malgré le fait que le gouvernement ait accepté que cette taxe n'avait pas de fondement.
M. Cyril Mayer: Toutes les forces vives du pays se sont élevées contre ce budget et je me souviens du reste d'une interview de M. Bheenick où il exprimait son étonnement d'avoir réussi l'exploit d'unir les patrons et les syndicats pour une même cause. Il n'est pas vrai de dire que nous avons été les architectes de la démission de ce ministre, car cette démission a eu lieu suite à d'autres événements. Quant à mettre le gouvernement à genoux, je pense que vous nous prêtez bien trop de poids en tant qu'individus. Le secteur privé est bien structuré et les débats qu'il a avec le gouvernement se situent toujours entre celui-ci et la JEC.
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Billet
Pré-destinations
Le concept le plus haï des humanistes de cette fin de millénaire est sans aucun doute celui du rationalisme économique.
Cette expression se réfère, en effet, à l'objectivité clinique qui sous-entend l'analyse du comportement des humains dans le discours économique. L'absence de jugements de valeur tant admirée dans les sciences exactes est considérée délétère aussitôt que cette analyse se porte sur l'homme.
C'est pourtant armé de ce seul scalpel que l'économiste peut conduire son analyse s'il veut éviter l'émotivité qui pourrait autrement obscurcir sa vision du pèlerinage de l'homme dans cette vallée de pleurs qu'est la vie.
Cette méthode ne nous permet donc pas d'émuler Jean Paul II qui,(chacun son rôle) pontifiant sur la moralité du partage inégal des richesses au Brésil, tire la conclusion que ce déséquilibre est incompatible avec l'esprit de charité de l'Église.
L' "homo economicus" ne peut, lui, quand il est confronté à de tels problèmes, que poser la question extrêmement terre à terre de savoir si cet état de choses est apte à stimuler ou à retarder l'économie d'un pays. Si une dose d'inégalité produit plus de richesse qu'un égalitarisme sans bornes au sein de l'économie nationale, alors, vive l'inégalité car même le plus démuni devrait se sentir, par définition, mieux loti.
Cette méthode appliquée se prête à la question soulevée dans notre interview quant aux chasses gardées dans certains postes clés de notre économie. La question est de savoir si le monopole de postes occupés par les franco-mauriciens dans toutes les sphères économiques du pays, mettant ainsi un plafond abrupte et prématuré aux carrières d'hommes et de femmes issus d'autres communautés, est apte à décupler notre force économique et à nous propulser vers le nouveau millénaire. La pensée économique et son contenu empirique ne supportent pas cette hypothèse.
Poser cette problématique ici ne vise aucunement à mettre en question le bien-fondé des réponses que nos invités d'aujourd'hui nous donnent en toute bonne foi. Faire un procès d'intention à nos invités qui livrent ici leurs points de vue aux lecteurs de "l'express" serait aussi inélégant que malhonnête. Nous n'avons aucune raison de douter que certains vestiges du passé dans l'industrie sucrière sont effectivement en train de changer. Le recrutement se faisant sur une base plus juste et méritocratique que ce qui se faisait dans le passé, "on verra de plus en plus l'arc-en-ciel mauricien dans nos sucreries" comme nous dit un de nos interlocuteurs.
Mais si l'industrie mère se démocratise, on ne peut ignorer le fait qu'il y a encore, à la veille du troisième millénaire, dans la capitale du tigre de l'océan Indien, des entreprises où les bureaux sont disposés sur une base ethnique qui ferait rougir d'envie le meilleur architecte de l'apartheid.
Parler de promotion méritocratique dans ces entreprises serait introduire un message indéchiffrable. Les responsables de ces entreprises vont, sans doute, un jour, se réveiller brutalement dans le troisième millénaire.
Ce réveil ne s'opérera pas tout seul cependant. Les décisions historiques, comme celle de Little Rock qui allait précipiter la déségrégation des écoles aux Etats-Unis il y a exactement quarante ans ce mois-ci, demandent un gouvernement courageux. Elles demandent aussi un gouvernement consistant qui cesse de ne voir que la paille dans les yeux du secteur privé alors que la poutre est, on ne peut plus évidente, dans son propre secteur public.
Tim Taylor, le nouveau directeur de Rogers, expliquait le succès de son entreprise à "Business Magazine" en ces termes: "D'abord sans doute, une bonne politique de recrutement et de promotion. Il me semble que nous accordons beaucoup plus d'importance au mérite que d'autres. Nous ouvrons des opportunités à nos cadres. Rogers n'est pas une entreprise familiale. Nous croyons dans le talent et nous l'encourageons."
La distinction est valable. Une entreprise familiale emploie les membres de la famille à laquelle elle appartient. Arrivée à une certaine envergure, le bien-être même de l'entreprise fait que ce qui était préalablement permis en matière de recrutement et de promotion, ne l'est soudainement plus.
L'entreprise abandonne alors son statut familial et assume son rôle national. Des exemples existent au sein de beaucoup de pays d'économie mixte que Maurice pourrait émuler dans le but d'éradiquer le fléau de ces perversions de la méritocratie au sein de nos entreprises.
Si le gouvernement légiférait dans ce sens après avoir donné lui-même l'exemple, l'essor ainsi donné à la motivation renouvelée de tout un peuple, ne manquera pas de pousser la courbe des possibilités de production de notre économie qui est limitée depuis de nombreuses générations par des ambitions bridées et des carrières brisées.
Jean-Mée DESVEAUX
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