l'express du 05/07/2006
par Jean-Mée DESVEAUX
Si le ridicule pouvait tuer, nous serions à la veille de nouvelles élections partielles. Le très honorable Asraf Dulull, ministre des Terres et du Logement, a déclaré la semaine dernière sa détermination à démocratiser l’occupation des Pas géométriques. “Les terres de l’État ne sont pas réservées aux riches. Il n’est pas possible qu’une seule catégorie de personnes en jouisse”. L’île Maurice sait pouvoir compter sur lui pour étendre cette jouissance là où il l’entend.
Le Premier ministre (PM), Navin Ramgoolam, couvrant lui aussi ce thème au congrès du Parti travailliste, essaye d’atténuer l’aspect émotionnel du dossier. “Nous ne sommes pas en train de mettre une taxe sur la couleur et tous ceux qui ont un campement ne sont pas forcément riches.” Cependant, dit-il, ceux qui possèdent des campements mais ne désirent pas honorer les nouvelles conditions de bail n’ont qu’à vendre leur propriété. Le PM avait déjà visité ces eaux troubles lors des Assises du tourisme quand il avait émis le souhait que l’industrie du tourisme “profite au plus grand nombre et pas seulement à un groupe restreint… qui dispose des droits d’exploitation des sites les plus magnifiques du pays”.
Cette phrase donna lieu à une divergence d’analyse entre Cyril Vadamootoo, conseiller du PM en tourisme et votre correspondant, deux mois avant le discours du budget. Nous avions, en nous référant à l’ambition du PM d’accueillir deux millions de touristes, suggéré que Navin Ramgoolam semblait oublier qu’il est à la tête d’un “État confetti où les plages capables de recevoir des infrastructures hôtelières cinq-étoiles n’existent plus depuis quelque temps déjà”.
Nous disions aussi : “(...) si certains campements devraient céder la place au parc hôtelier pour l’avancement de l’industrie touristique, le succès de cette stratégie dépend essentiellement de la manière de faire du gouvernement. On pourrait pour une fois déroger à la tradition de tout faire à la dernière minute avec un maximum de coût en drame humain et en termes de fissure du tissu social du pays.
Le temps presse ! Des 1 243 campement site leases, environ 500 arrivent à expiration en 2020 et le reste y arrive en 2040. L’État pourrait, dans l’exercice de sa cruelle souveraineté, utiliser l’article 15 des baux qui lui permet de donner trois mois de préavis aux “propriétaires” de campements avant de reprendre possession du site ayant accordé, au préalable, Rs 20 000 en guise de compensation maximale comme stipulé dans les contrats. Il pourrait aussi, avec une indifférence non moins cruelle, laisser les baux expirer naturellement avant de demander aux occupants de décamper des terrains de l’État avec leurs bâtiments dans un délai de quelques mois, comme l’exige la loi. Il pourrait inversement procéder rationnellement en utilisant au maximum les années qui restent à ces baux afin d’établir un dialogue entre futurs hôteliers et “propriétaires” de campements avant que la valeur de ces baux n’atteigne le niveau zéro.”
N’ayant pas jugé bon d’annoncer, lors du discours du budget, la politique de swap que nous avions évoquée alors, il semblerait depuis la semaine dernière que c’est chose faite. Asraf Dulull a annoncé : “Nous avons effectivement l’intention de reprendre certains campements sites pour des projets de développement”. Il va de soi, comme nous l’avions suggéré alors, que l’État payera un dédommagement aux “propriétaires” dont les terrains ont de tels potentiels touristiques en tenant compte des années qui restent à ces baux ainsi que de la forte rentabilité de leur nouvelle vocation. Cela permettra un réel win-win au sein d’un accord entre les promoteurs et les propriétaires avec l’État comme observateur. Mais cette idée avait la particularité d’ulcérer monsieur Vadamootoo à tel point qu’il a publiquement exprimé son profond désaccord dans un article intitulé : Campement sites: Against expropriation.
Vacillant entre deux attitudes vis-à-vis des propriétaires de campement, Cyril Vadamootoo conduisit une analyse qui lui fait éloge de par le fossé qu’il révèle publiquement entre le gouvernement qu’il sert et lui. “Jean-Mée Desveaux’s suggestion to encourage investors to negotiate with these leased land beneficiaries for future investment would seem to me a solution that would further encourage the appetite of those who are already over privileged”. Mais d’autre part, ajoute-t-il : “Jean-Mée Desveaux expanded further in his article (…) that these lands obtained by beneficiaries should be taken back by the Government (…) so as to make way for investors in the hotel industry who need beach frontage, …. His audacity to suggest the expropriation of land from these people can lead me to think that this totalitarian dictatorship is not at all in keeping with the democratic state of Mauritius.”
Ce n’est qu’aujourd’hui, après que le gouvernement Ramgoolam eut rendu explicite sa politique sur les Pas géométriques, qu’on peut apprécier à sa juste valeur le caractère hors du commun du conseiller Vadamootoo. Il n’est pas commode de conseiller le chef du gouvernement. Comme dirait le sergeant du Pirates of Penzance : “An adviser’s lot is not a happy one!” D’abord le PM a ses idées et même si elles ne sont pas toujours bonnes, c’est lui le patron. Il a des contraintes qui peuvent échapper au conseiller. De plus, si le conseil est accepté et mène à un succès retentissant, le conseiller n’entendra jamais plus parler de la chose. Mais si le conseil est suivi et se casse le nez sur des écueils non anticipés, c’est la crédibilité du conseiller qui prend un mauvais coup. Dépendant de son tempérament, il pourra donner “un conseil à prendre ou à laisser”, sans grand engagement personnel; une fois le conseil rejeté, il passera à autre chose. Il peut aussi épouser la stratégie qui est une virtuosité chez certains, de deviner ce que veut le boss pour ensuite le lui servir sur un plateau. S’il est du genre bulldog qui ne lâche pas prise, il reviendra à l’attaque à chaque occasion qui lui est offerte dans un cadre dicté par la relation qui existe entre lui et le chef du gouvernement.
Mais, pousser la conviction personnelle comme le fait Cyril Vadamootoo, jusqu’à descendre publiquement la politique gouvernementale sur les baux juste avant qu’elle ne soit annoncée dans le discours du budget, ça c’est faire preuve d’un caractère que très peu de conseillers ont démontré jusqu’ici. Le PM devrait le chérir.
Dans son article qui devrait être à la table de chevet de tout propriétaire de campement, si ce n’est chez leur homme de loi, Cyril Vadamootoo établit que le gouvernement n’a légalement pas le droit de reprendre les baux des Pas géométriques à leur expiration. Pire, ce serait, selon lui, faire fuir les investisseurs que le gouvernement prétend vouloir attirer :
“It is important to note that Jean-Mée Desvaux may not be aware that Mauritius after independence had signed many bilateral agreements, solidly binded on the parties, concerning the expropriation of properties by the Government, depriving the citizens of these countries of their legal property rights. In other words, any sugar coated package, implicating expropriation will not be tolerated even if it is compensated at market value. Here may I add that all the efforts being made by the Government and the private sector over the years to encourage foreign investments would be destroyed and hence sending the wrong signals to potential investors in the near future. This would be totally catastrophic for the country or for that matter, if this policy is accepted, let us say right away Long Live Mugabe”.
par Jean-Mée DESVEAUX
Si le ridicule pouvait tuer, nous serions à la veille de nouvelles élections partielles. Le très honorable Asraf Dulull, ministre des Terres et du Logement, a déclaré la semaine dernière sa détermination à démocratiser l’occupation des Pas géométriques. “Les terres de l’État ne sont pas réservées aux riches. Il n’est pas possible qu’une seule catégorie de personnes en jouisse”. L’île Maurice sait pouvoir compter sur lui pour étendre cette jouissance là où il l’entend.
Le Premier ministre (PM), Navin Ramgoolam, couvrant lui aussi ce thème au congrès du Parti travailliste, essaye d’atténuer l’aspect émotionnel du dossier. “Nous ne sommes pas en train de mettre une taxe sur la couleur et tous ceux qui ont un campement ne sont pas forcément riches.” Cependant, dit-il, ceux qui possèdent des campements mais ne désirent pas honorer les nouvelles conditions de bail n’ont qu’à vendre leur propriété. Le PM avait déjà visité ces eaux troubles lors des Assises du tourisme quand il avait émis le souhait que l’industrie du tourisme “profite au plus grand nombre et pas seulement à un groupe restreint… qui dispose des droits d’exploitation des sites les plus magnifiques du pays”.
Cette phrase donna lieu à une divergence d’analyse entre Cyril Vadamootoo, conseiller du PM en tourisme et votre correspondant, deux mois avant le discours du budget. Nous avions, en nous référant à l’ambition du PM d’accueillir deux millions de touristes, suggéré que Navin Ramgoolam semblait oublier qu’il est à la tête d’un “État confetti où les plages capables de recevoir des infrastructures hôtelières cinq-étoiles n’existent plus depuis quelque temps déjà”.
Nous disions aussi : “(...) si certains campements devraient céder la place au parc hôtelier pour l’avancement de l’industrie touristique, le succès de cette stratégie dépend essentiellement de la manière de faire du gouvernement. On pourrait pour une fois déroger à la tradition de tout faire à la dernière minute avec un maximum de coût en drame humain et en termes de fissure du tissu social du pays.
Le temps presse ! Des 1 243 campement site leases, environ 500 arrivent à expiration en 2020 et le reste y arrive en 2040. L’État pourrait, dans l’exercice de sa cruelle souveraineté, utiliser l’article 15 des baux qui lui permet de donner trois mois de préavis aux “propriétaires” de campements avant de reprendre possession du site ayant accordé, au préalable, Rs 20 000 en guise de compensation maximale comme stipulé dans les contrats. Il pourrait aussi, avec une indifférence non moins cruelle, laisser les baux expirer naturellement avant de demander aux occupants de décamper des terrains de l’État avec leurs bâtiments dans un délai de quelques mois, comme l’exige la loi. Il pourrait inversement procéder rationnellement en utilisant au maximum les années qui restent à ces baux afin d’établir un dialogue entre futurs hôteliers et “propriétaires” de campements avant que la valeur de ces baux n’atteigne le niveau zéro.”
N’ayant pas jugé bon d’annoncer, lors du discours du budget, la politique de swap que nous avions évoquée alors, il semblerait depuis la semaine dernière que c’est chose faite. Asraf Dulull a annoncé : “Nous avons effectivement l’intention de reprendre certains campements sites pour des projets de développement”. Il va de soi, comme nous l’avions suggéré alors, que l’État payera un dédommagement aux “propriétaires” dont les terrains ont de tels potentiels touristiques en tenant compte des années qui restent à ces baux ainsi que de la forte rentabilité de leur nouvelle vocation. Cela permettra un réel win-win au sein d’un accord entre les promoteurs et les propriétaires avec l’État comme observateur. Mais cette idée avait la particularité d’ulcérer monsieur Vadamootoo à tel point qu’il a publiquement exprimé son profond désaccord dans un article intitulé : Campement sites: Against expropriation.
Vacillant entre deux attitudes vis-à-vis des propriétaires de campement, Cyril Vadamootoo conduisit une analyse qui lui fait éloge de par le fossé qu’il révèle publiquement entre le gouvernement qu’il sert et lui. “Jean-Mée Desveaux’s suggestion to encourage investors to negotiate with these leased land beneficiaries for future investment would seem to me a solution that would further encourage the appetite of those who are already over privileged”. Mais d’autre part, ajoute-t-il : “Jean-Mée Desveaux expanded further in his article (…) that these lands obtained by beneficiaries should be taken back by the Government (…) so as to make way for investors in the hotel industry who need beach frontage, …. His audacity to suggest the expropriation of land from these people can lead me to think that this totalitarian dictatorship is not at all in keeping with the democratic state of Mauritius.”
Ce n’est qu’aujourd’hui, après que le gouvernement Ramgoolam eut rendu explicite sa politique sur les Pas géométriques, qu’on peut apprécier à sa juste valeur le caractère hors du commun du conseiller Vadamootoo. Il n’est pas commode de conseiller le chef du gouvernement. Comme dirait le sergeant du Pirates of Penzance : “An adviser’s lot is not a happy one!” D’abord le PM a ses idées et même si elles ne sont pas toujours bonnes, c’est lui le patron. Il a des contraintes qui peuvent échapper au conseiller. De plus, si le conseil est accepté et mène à un succès retentissant, le conseiller n’entendra jamais plus parler de la chose. Mais si le conseil est suivi et se casse le nez sur des écueils non anticipés, c’est la crédibilité du conseiller qui prend un mauvais coup. Dépendant de son tempérament, il pourra donner “un conseil à prendre ou à laisser”, sans grand engagement personnel; une fois le conseil rejeté, il passera à autre chose. Il peut aussi épouser la stratégie qui est une virtuosité chez certains, de deviner ce que veut le boss pour ensuite le lui servir sur un plateau. S’il est du genre bulldog qui ne lâche pas prise, il reviendra à l’attaque à chaque occasion qui lui est offerte dans un cadre dicté par la relation qui existe entre lui et le chef du gouvernement.
Mais, pousser la conviction personnelle comme le fait Cyril Vadamootoo, jusqu’à descendre publiquement la politique gouvernementale sur les baux juste avant qu’elle ne soit annoncée dans le discours du budget, ça c’est faire preuve d’un caractère que très peu de conseillers ont démontré jusqu’ici. Le PM devrait le chérir.
Dans son article qui devrait être à la table de chevet de tout propriétaire de campement, si ce n’est chez leur homme de loi, Cyril Vadamootoo établit que le gouvernement n’a légalement pas le droit de reprendre les baux des Pas géométriques à leur expiration. Pire, ce serait, selon lui, faire fuir les investisseurs que le gouvernement prétend vouloir attirer :
“It is important to note that Jean-Mée Desvaux may not be aware that Mauritius after independence had signed many bilateral agreements, solidly binded on the parties, concerning the expropriation of properties by the Government, depriving the citizens of these countries of their legal property rights. In other words, any sugar coated package, implicating expropriation will not be tolerated even if it is compensated at market value. Here may I add that all the efforts being made by the Government and the private sector over the years to encourage foreign investments would be destroyed and hence sending the wrong signals to potential investors in the near future. This would be totally catastrophic for the country or for that matter, if this policy is accepted, let us say right away Long Live Mugabe”.