l'express du 28/06/2006
Par Jean-Mée DESVEAUX
Quand Maya Hanoomanjee et son acolyte du State Law Office décidèrent de faire subir le supplice d’Abellard à la Mauritius Revenue Authority (MRA) au début de 2005, il était clair que c’était une institution diminuée qui allait naître le premier juillet 2006. Avec un budget courant annuel de Rs 75 millions et des effectifs qui ont pour la plupart doublé leur salaire pour avoir seulement changé de désignation, la MRA n’a effectivement été rien d’autre qu’un exercice onéreux qui consistait à mettre le même pinard infect dans une bouteille merveilleusement étiquetée.
Le poids de la corruption et de l’hégémonie syndicale qui gangrenait les divers départements du fisc était palpable. Mais nulle part était-il plus évident qu’à la douane où la prééminence d’un syndicat pourri jusqu’à la moelle dictait au contrôleur des douanes où placer ses inconditionnels pour un enrichissement rapide sur le dos de l’état. L’essence même de la MRA était donc de remédier à cette carence en enlevant les départements concernés du service civil de sorte à ce qu’ils échappent au joug syndical.
La première dénaturation de la MRA allait provenir de Pravind Jugnauth quand il décida contre toute logique, en tant que ministre de tutelle, d’entreprendre des discussions avec les organisations syndicales afin de déterminer les modalités de transfert, de promotion et autres conditions de service des futurs membres de la MRA. Dans le domaine carcéral, un parallèle aussi empreint de sagesse serait de demander l’accord d’Antoine Chetty et autres “monstres” quand à la gestion des prisons où ils sont confinés.
Appelé “Accord de principe”, ce diktat aberrant où l’état s’avilissait par ses lâches courbettes devant un syndicat infâme, fut paraphé en mai 2005. Alors que la différence essentielle à apporter à la MRA était de se débarrasser des corrompus et autres incompétents en déclarant toutes les positions vacantes, cet accord de la honte offrit un transfert automatique à la quasi-totalité des effectifs de tous les départements sans tenir aucun compte de leur track record en matière de probité ou d’efficience.
Il échut à la présidente du conseil d’administration de la MRA d’appliquer avec dextérité le stylet qui devait parachever l’émasculation de la MRA. La stratégie était transparente : pour s’assurer du succès de “l’accord de principe” qui réinstaurait “the rule of the unions, by the unions, for the unions”, il fallait un directeur général (DG) à la MRA qui soit d’une mollesse hors du commun ! Pour atteindre ce but, les candidats au poste de DG tels Bert Cunnigham et autres chef d’Interpol qui avaient démontré une trempe et une poigne qui leur permettraient de tenir tête à la mafia syndicale, devaient à tout prix être éliminés au premier tour de l’exercice de recrutement.
Malgré tous les efforts de Maya Hanoomanjee et de son acolyte, ils ne purent forcer le board à enlever les critères qui allaient prévaloir pour l’adjudication finale. Ces critères étaient “strong leadership qualities”, “proven ability to have taken an active part in turning around a revenue institution”, “proven ability to work under pressure”, etc. qui donneraient le job sur un plateau à un “no nonsense guy”. Si Cunningham et le patron d’Interpol arrivaient au second tour, cette liste donnait à l’un d’eux de très forte chance de devenir le DG.
Il ne restait donc plus à ces deux grands patriotes au sein du board de la MRA que de décréter unilatéralement et arbitrairement que ces deux Anglo-Saxons n’avaient pas les qualifications requises pour être sélectionnés parmi les premiers 47 candidats. Cette interférence aux procédures établies amena ces deux puissants membres du board à substituer leur jugement à celui de Gill Syvers (professionnelle de recrutement de très grande renommée internationale chez PriceWaterhouseCoopers), de son équipe ainsi que du reste du board qui avaient unanimement jugé que les deux candidats “gênants” méritaient amplement d’être sélectionnés.
Dès lors, rien ne pouvait plus arrêter la Chair, avec l’appui inconditionnel du ministre des Finances, de placer à la tête de la MRA un homme qui obéirait au doigt et à l’œil à la gente syndicale ainsi qu’aux politiciens machiavéliques, leurs protecteurs. L’objectif mal dissimulé de cet “appel à candidatures international” était le recrutement d’un Mauricien inoffensif qui disait à qui voulait l’entendre que les syndicats n’avaient pas d’objections à ce que ce soit lui qui devienne le DG de la MRA. Quand il s’est désisté, on a trouvé l’épouvantail actuel qui dépasse de loin tous les espoirs que l’ex-chairperson de la MRA avait pu miser sur le modèle idéal d’un paillasson.
Le DG de la MRA définit parfaitement ses priorités. Pour lui, ce sera une MRA du cœur et surtout de la flexibilité vis-à-vis du mouvement syndical: “Nous avons une approche humaine. Vous savez, dans certains cas où de tels organismes ont été mis sur pied, tous les employés des douanes, des impôts, etc., ont été licenciés et un appel à candidatures à été fait pour recruter seulement une partie de ces travailleurs. Nous n’avons pas fait cela. Seuls les hauts gradés… auront à postuler, les autres intègreront automatiquement la MRA.” Parlant du Human Resources Management Manual qui est la bible des conditions de service au sein de l’organisation, il dit sans ambages : “Les syndicats ont eu leur mot à dire sur le manuel. Nous avons déjà intégré leurs propositions. La présente version est une version finale mais nous sommes prêts à écouter les syndicats. Après tout ce document est un document dynamique.” Maya un, Maurice nul !
Ceux qui, à l’instar de l’ancien ministre des Finances, croyaient béatement que les syndicats allaient se contenter des gains obtenus au sein de l’accord de principe, lors de la première capitulation gouvernementale, allaient apprendre à mieux connaître le mouvement syndical. Les syndicats ont demandé cette semaine le renvoi de la date butoir car ils veulent renégocier afin d’obtenir des améliorations dans les conditions de service.
Mais le plus déshonorant de tout ce galimatias pour le pays, c’est que le chef d’orchestre de ce bal sans fin, soit le patron du très respecté syndicat des douanes ; celui-là même qui demande la peau de Bert Cunningham qui a eu l’outrecuidance d’exiger qu’il soit présent à son poste durant les heures de travail. Ce monsieur qui a pris la mesure exacte de l’adversaire sait que ce n’est pas un Cunningham qu’il a devant lui. Il n’y va pas de main morte et à l’entendre, on a la nette impression que c’est lui le vrai DG de la MRA : “Nous déposons dès demain un aide-mémoire contenant nos doléances et nos propositions de solutions. Nous allons discuter en comité restreint afin de faire avancer les choses rapidement.”
Spécialiste dans la matière, il trouve que les critères de recrutement sont opaques car “les qualifications universitaires ont été privilégiées à l’ancienneté. Or, à la douane par exemple, l’ancienneté compte.” Il trouve tout cela un peu fort et ne cache pas son mécontentement: “La MRA a eu un an pour faire le nécessaire. Nous n’acceptons pas qu’on nous impose des mesures prises à la va-vite.” Toolsyraj Benydin déborde d’énergie et de joie de vivre dans la poursuite de sa noble tâche.
Il donne l’impression distincte de tellement apprécier ce beau remue-ménage qu’il dirait sans hésitation que si elle n’existait pas, il aurait fallu créer une telle MRA.
Mais le succès a un prix. Toolsyraj Benydin a fait des émules. Tous les points qu’il marque ainsi contre la pitoyable MRA l’affublent d’une auréole de négociateur chevronné. S’ensuit alors la surenchère quand au syndicat qui réussira à hausser la barre le plus haut possible pour ses membres. Le patron du syndicat des douanes est pris de plein fouet au sein d’un feeding frenzy syndical. Hurrydeo Sungkur du bureau des impôts, Nandkishore Tacouri de la TVA, Rashid Imrith de la Government General Services Union sont entrés en conflit larvé tellement certains syndicalistes ont marqué des points par rapport à d’autres.
Aux dernières nouvelles, les membres du syndicat de la TVA avaient chronométré bien mieux que les autres, d’où le mécontentement qui finira, à ne pas en douter, à un petit catch-up de la part des retardataires. Quant à Monsieur Imrith, l’express d’hier nous informe qu’au lieu des 10 % que ses membres allaient recevoir pour travailler jusqu’à 4 h 30, il reste intraitable sur le fait que c’est 20 % qu’ils devraient recevoir en prime… sans aucun changement d’horaire ! De plus, ayant fait la MRA annuler une liste “finale” de 230 candidats membres de son syndicat, il nous apprend que “la MRA a aussi accepté que la nouvelle liste soit basée en fonction de l’ancienneté”. Maya deux, Maurice nul
On peut donc pleinement apprécier la remarque hautement justifiée de l’interlocuteur de Shyama Soondur de l’express dont on reconnaît presque l’accent : “Vous pouvez avoir le meilleur système au monde. Mais si vous n’avez pas les hommes de qualité pour le diriger, il est voué à l’échec. Malheureusement, la MRA prend les mêmes et recommence. La MRA était l’occasion de prendre un nouveau départ avec des personnes propres. Malheureusement, environ 90 % des anciens sont toujours là. Parmi eux, il y a aussi ceux sur qui pèsent de forts soupçons de corruption. Compte tenu de leur rang, ils occuperont des postes clés… Le contexte préélectoral aidant, trop de concessions ont été faites aux syndicats par ceux qui ont négocié l’intégration.” Merci Pravind, merci Maya, un peuple touché se souvient de votre allégeance à l’intérêt supérieur du pays