JM et les chefs coutumiers de la République démocratique du Congo

14 September 2005

Totale incompétence

L'éditorial de Gilbert Ahnee

Le Mauricien du 14 septembre 2005

Chez les uns, l'homme provoque de l'urticaire, chez les autres de l'admiration. Quoi qu'il en soit, ses propos ne peuvent pas laisser indifférent. Et nous ne pouvons passer sous silence l'interview, publiée dans l'édition de ce matin de notre confrère l'express, de l'ancien bras droit de Paul Bérenger au gouvernement, Jean-Mée Desveaux.

Soit M. Desveaux pense que celui qu'il désigne, à l'occasion, comme son patron ne reviendra jamais aux affaires et ne l'appellera plus jamais auprès de lui, soit l'ancien sherpa du précédent Premier ministre postule qu'il ne se mettra plus jamais au service d'un gouvernement comprenant le MSM. Car quoi qu'il puisse dire, qu'on se sente spontanément en accord ou en désaccord avec lui, une chose au moins apparaîtra de manière unanime : Jean-Mée Desveaux est totalement incompétent... dans la pratique de la langue de bois.

Que ce soit dans son jugement sur la personne évincée et la personne choisie pour présider la Mauritius Revenue Authority—« Il a été évincé par une candidate qui possède pour tout diplôme un School Certificate et une alliance parentale » — ou dans son appréciation du Budget 2004/05—« l'ineptie de la Duty Free Island à Rs 4 milliards » —, l'ancien conseiller semble indiquer qu'il n'a pas réellement souscrit aux déclarations publiques de son patron quant à la stature et à l'avenir de Pravind Jugnauth. Mais cela n'est, au fond, pas du plus vif intérêt. En revanche, même si M. Desveaux devait hériter là d'une réputation de Cassandre, certaines de ses mises en garde devraient au moins être entendues. Les formules de l'ancien enseignant ne manquent pas de pédagogie imagée : 

« Les deux groupes politiques me font penser à deux parents divorcés qui pourrissent de gâteries leur jeune enfant dont ils ont la garde à tour de rôle. Pour surpasser l'autre dans l'estime de l'enfant immature, ils dilapident le patrimoine familial et hypothèquent l'avenir même de leur enfant »

Une Spoilt Child Policy sans doute à mettre en rapport avec la séduisante et grisante proposition suivante : « L'île Maurice doit aujourd'hui travailler plus pour gagner moins. Cela est triste, cela semble injuste, mais c'est comme ça. Nos salaires ont diminué au niveau international. Seul un tel message de vérité peut apporter le déclic qui fera comprendre aux Mauriciens que les choses sont sérieuses »

Pour ce qui est de l'avenir du sucre également, c'est un pavé dans la mare, un gros pain de jageri dans la mélasse que lance M. Desveaux :

« On nous parle de Rs 30 milliards comme étant la somme que requiert l'industrie sucrière pour se mettre debout. Je suppose, d'abord, que cet argent ne sort pas des coffres de l'État mauricien. Ensuite, supposant que les Européens qui nous ont nourri pendant trente ans veulent nous faire cette compensation, est-il sage de throw good money after bad de la sorte quand nous savons que le prix de la denrée baisse de 40% ? Ne serait-il pas souhaitable de se poser la question quant à une meilleure utilisation de cette compensation économique dans un créneau qui risque de nous faire mieux avancer dans les années à venir ? »

Sans doute convient-il aussi de noter que l'ancien conseiller de Paul Bérenger ne semble pas défavorable à l'affectation d'une partie des compensations européennes pour le sucre à « des projets sociaux du gouvernement pour pallier les besoins de cette population afro-mauricienne qui, elle, n'a jamais reçu de VRS ni de compensation après avoir établi sous l'esclavage les bases de l'industrie mère [...] pas [une] compensation par individu qui serait dilapidée en moins de deux mais en projets scolaires, en bourses, en projets sociaux et autres infrastructures ». Que nous rapportera encore le sucre ? Alors qu'Arvin Boolell prend son bâton de pèlerin pour aller plaider à nouveau la cause des ACP, au lendemain de la désignation de la députée Nita Deerpalsing comme rapporteuse des travaux du comité économique de l’Assemblée paritaire ACP-UE sur le thème de la problématique de l'énergie pour les pays ACP, réfléchir aux conditions d'émergence d'une industrie de la canne peut paraître comme l'enjeu du moment. Alors que le prix du pétrole commence à inquiéter même les économies les plus prospères, l'heure de l'éthanol serait-elle enfin venue ? À plus forte raison si l'on accepte, même douloureusement, en reprenant la formule de Jean-Mée Desveaux, que nous ne retrouverons plus, dans les échanges internationaux, les salaires qui nous avaient été consentis à l'époque des divers protectionnismes. Alors que l'actuel gouvernement a reçu un mandat pour démocratiser l'économie, au moment où ceux qui réfléchissent aux stratégies les mieux à même de répondre à cette attente populaire se demandent si le grand secteur privé jouera bien le jeu de la transparence et de la méritocratie, certains propos de l'ancien conseiller de Bérenger pourraient sembler extraits du manifeste de l'Alliance sociale. 

Par exemple : « Le gouvernement sortant allait augmenter le Bagasse Transfer Price, ce qui aurait fait augmenter le coût de l'électricité pour l'économie en entier. L'électricité provenant de la bagasse coûte plus cher à la Centrale Thermique de Belle-Vue que l'énergie provenant du charbon importé. On ne doit pas aider l'industrie sucrière aux dépens de l'économie nationale. Car ce faisant nous pénalisons d'éventuels champions qui pourraient graduellement prendre la relève de l'industrie mère »

A dix ans de 2015, même si l'ambassadeur américain John Bolton était touché par la grâce du soixantième anniversaire des Nations unies et proclamait sa foi dans les objectifs de l'organisation, il n'est pas vraiment sûr que la planète soit bien engagée sur la route des Millenium Development Goals. Alors que nous devrions, à Maurice, commencer à nous inquiéter de la progression du Sida, qu'il y a, chez nous aussi, des cas d'extrême pauvreté, et bien davantage dans des pays voisins, le moment est peut-être venu de se demander si les stratégies entrevues pour atteindre ces objectifs sont bien les bonnes. Mais une chose au moins est sûre : c'est en développant les richesses de la région que nous retrouverons de meilleurs salaires. Le premier objectif étant de nous convaincre que nous ne sommes pas un pays-rentier mais un pays-salarié. Donc au boulot !

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