Par Jean-Mée DESVEAUX
L'express du 31 mai 2013
En 2004, Anil Bachoo s'était vu retirer le dossier de Rs 12 milliards du métro léger. |
Dans le grand élan de générosité dont il est seul capable, le «peuple admirable» semblait avoir tourné la page sur la performance de l’honorable Anil Kumar Bachoo au sein des dossiers de l’inondation meurtrière du 30 mars et de la non moins meurtrière saga de l’autobus Tata à Sorèze quand une troisième gabegie de suite le frappa de plein fouet.
Cela dépasse, en effet, l’entendement que d’inventorier les failles du dossier des speed cameras de la société ProGuard, composante essentielle du permis à points, qui a coûté Rs 172 millions et qui s’est avéré un échec effarant en moins de 10 jours comme on l’a découvert à l’Assemblée, le mardi 21 mai. Le ministre a avoué qu’un «slight technical mistake has been detected. That is the reason why experts have been called from abroad and they are working on that». On apprend ainsi que dans notre petite République bananière, où tout se fait à l’à peu près, les 250 contraventions enregistrées à partir de ces radars seront amnistiées.
Ce n’est que le début. Ainsi, c’est après coup que le State Law Office a été saisi par le ministère des Infrastructures publiques pour se pencher sur la légalité de permettre à une firme privée de s’arroger le droit de superviser le contrôle des caméras radars à la place de la Photographic Enforcement Unit de la Traffic Branch de la police. Aujourd’hui, «the whole process has been reviewed and the police have been made to take over all the critical activities (previously) performed by the contractor».
Comme nous le rappelle notre confrère de Week-End, le ministre avait pourtant déclaré que «the police did not have the expertise in that particular field and that is the reason we had to seek the services of the private sector to monitor the particular system and why we had recourse to the private contractor”. Et cette clause sur le contrôle des opérations était une des clauses du contrat alloué par le Central Procurement Board. Ce qui n’empêchera pas qu’en moins d’une semaine, la Traffic Branch avait déjà maîtrisé l’expertise qui rendait ProGuard si nécessaire : «So, the involvement of private contractor has been more or less eliminated.» A dit le ministre Bachoo.
Il y a plus. Dans son papier, notre confrère rappelle que la police, qui a hérité de la paternité de ce bébé, est inquiète du problème encore non réglé du calibrage des équipements photographiques et informatiques du système des speed cameras. Le document d’appel d’offres stipule ainsi que le ministère «envisages the need for…..maintenance services and regular calibration of the equipment from an accredited laboratory and the services of an expert to testify calibration in court». Cet expert, qui n’a pas encore été aperçu, devrait avoir cinq ans d’expérience dans le domaine alors que le laboratoire devait être un «world recognised bureau of Standards». A la question de l’honorable Lesjongard au Parlement sur l’identité du laboratoire, le ministre a répondu : «I’ll try to find out the answer. I dont have the exact name definitely.»
Le clou de la légèreté avec laquelle ce dossier a été traité revient au critère d’éligibilité de la société en question relatif à sa capacité financière. ProGuard ne satisfait pas le critère de Rs 40 millions de chiffre d’affaires, il n’a fait un tel chiffre d’affaires que pendant deux ans et n’aurait donc pas dû être éligible à ce contrat de Rs 172 millions.
La question qui doit se poser au niveau national aujourd’hui est la même que celle qui s’était posée il y a neuf ans au sein du gouvernement MSM-MMM en 2004. Homme politique d’une très grande culture, Anil Bachoo est-il cependant the right man in the right place pour piloter le dossier de Rs 12 milliards du métro léger. Le pays peut-il confier un tel programme à un ministre qui n’a pas maîtrisé la complexité de dossiers bien moins importants ? La réponse en 2004 fut un non catégorique, ce qui, le 3 février 2005, cinq mois avant les législatives, fit le ministre des Infrastructures abandonner le bateau MSM-MMM et rejoindre le Parti travailliste.
Un premier dérapage avait été évité de justesse quand, en juillet 2004, le premier appel d’offres de toute la série, piloté par le Chief Engineer du ministère, pour un pre-feasibility study, avait brisé tous les records en affichant un moins-disant avec un chiffre quatre fois plus fort que la moyenne acceptable. La Banque mondiale (BM) qui nous accompagnait nous a sorti de cette impasse en se montrant disposée à offrir un prêt à un taux bonifié pour ces études que les élections allaient de toute façon empêcher. L’avantage du prêt de la BM est qu’il permettait d’installer les garde-fous précédemment inexistants durant l’exercice du ministère.
En tant que représentant du dossier Light Rail Transit au niveau du Prime Minister’s Office, je reçus tout le blâme de Monsieur Bachoo pour lui avoir enlevé ce dossier, considéré comme le bijou de la couronne. Il fut alors décidé que le dossier LRT, devenu interministériel à cause de ses considérations interdisciplinaires serait administrativement suivi par un comité ministériel avec le PM Bérenger et le DPM et ministre des Finances Jugnauth comme responsables directs et le ministre de l’Infrastructure et beaucoup d’autres comme membres. Parallèlement, il y aurait sous cette structure un High Powered Committee qui serait sous la coupole du professeur Kishore Baguant composé du gratin de l’administration gouvernementale.
Paul Bérenger, répondant à une pique de l’Honorable Bachoo devenu back bencher travailliste, eut un mot mi-figue mi-raisin pour Anil Bachoo en disant qu’il était limité intellectuellement. La pique comme, cela s’avérait souvent durant ces épisodes, finit par se retourner sur votre correspondant quand l’honorable Bachoo répondit qu’il n’était peut-être pas un grand intellectuel comme le Super Conseiller !
Quoi qu’il en soit, neuf ans après, le PM qui confiera le dossier de LRT aux mains souvent malhabiles du gentil ministre des Infrastructures est quelqu’un qui prendrait beaucoup de risques sur l’avenir du pays. N’en déplaise à ses détracteurs, Monsieur Bachoo est et reste un excellent candidat pour le ministère de la Culture.
Cela dépasse, en effet, l’entendement que d’inventorier les failles du dossier des speed cameras de la société ProGuard, composante essentielle du permis à points, qui a coûté Rs 172 millions et qui s’est avéré un échec effarant en moins de 10 jours comme on l’a découvert à l’Assemblée, le mardi 21 mai. Le ministre a avoué qu’un «slight technical mistake has been detected. That is the reason why experts have been called from abroad and they are working on that». On apprend ainsi que dans notre petite République bananière, où tout se fait à l’à peu près, les 250 contraventions enregistrées à partir de ces radars seront amnistiées.
Ce n’est que le début. Ainsi, c’est après coup que le State Law Office a été saisi par le ministère des Infrastructures publiques pour se pencher sur la légalité de permettre à une firme privée de s’arroger le droit de superviser le contrôle des caméras radars à la place de la Photographic Enforcement Unit de la Traffic Branch de la police. Aujourd’hui, «the whole process has been reviewed and the police have been made to take over all the critical activities (previously) performed by the contractor».
Comme nous le rappelle notre confrère de Week-End, le ministre avait pourtant déclaré que «the police did not have the expertise in that particular field and that is the reason we had to seek the services of the private sector to monitor the particular system and why we had recourse to the private contractor”. Et cette clause sur le contrôle des opérations était une des clauses du contrat alloué par le Central Procurement Board. Ce qui n’empêchera pas qu’en moins d’une semaine, la Traffic Branch avait déjà maîtrisé l’expertise qui rendait ProGuard si nécessaire : «So, the involvement of private contractor has been more or less eliminated.» A dit le ministre Bachoo.
Il y a plus. Dans son papier, notre confrère rappelle que la police, qui a hérité de la paternité de ce bébé, est inquiète du problème encore non réglé du calibrage des équipements photographiques et informatiques du système des speed cameras. Le document d’appel d’offres stipule ainsi que le ministère «envisages the need for…..maintenance services and regular calibration of the equipment from an accredited laboratory and the services of an expert to testify calibration in court». Cet expert, qui n’a pas encore été aperçu, devrait avoir cinq ans d’expérience dans le domaine alors que le laboratoire devait être un «world recognised bureau of Standards». A la question de l’honorable Lesjongard au Parlement sur l’identité du laboratoire, le ministre a répondu : «I’ll try to find out the answer. I dont have the exact name definitely.»
Le clou de la légèreté avec laquelle ce dossier a été traité revient au critère d’éligibilité de la société en question relatif à sa capacité financière. ProGuard ne satisfait pas le critère de Rs 40 millions de chiffre d’affaires, il n’a fait un tel chiffre d’affaires que pendant deux ans et n’aurait donc pas dû être éligible à ce contrat de Rs 172 millions.
La question qui doit se poser au niveau national aujourd’hui est la même que celle qui s’était posée il y a neuf ans au sein du gouvernement MSM-MMM en 2004. Homme politique d’une très grande culture, Anil Bachoo est-il cependant the right man in the right place pour piloter le dossier de Rs 12 milliards du métro léger. Le pays peut-il confier un tel programme à un ministre qui n’a pas maîtrisé la complexité de dossiers bien moins importants ? La réponse en 2004 fut un non catégorique, ce qui, le 3 février 2005, cinq mois avant les législatives, fit le ministre des Infrastructures abandonner le bateau MSM-MMM et rejoindre le Parti travailliste.
Un premier dérapage avait été évité de justesse quand, en juillet 2004, le premier appel d’offres de toute la série, piloté par le Chief Engineer du ministère, pour un pre-feasibility study, avait brisé tous les records en affichant un moins-disant avec un chiffre quatre fois plus fort que la moyenne acceptable. La Banque mondiale (BM) qui nous accompagnait nous a sorti de cette impasse en se montrant disposée à offrir un prêt à un taux bonifié pour ces études que les élections allaient de toute façon empêcher. L’avantage du prêt de la BM est qu’il permettait d’installer les garde-fous précédemment inexistants durant l’exercice du ministère.
En tant que représentant du dossier Light Rail Transit au niveau du Prime Minister’s Office, je reçus tout le blâme de Monsieur Bachoo pour lui avoir enlevé ce dossier, considéré comme le bijou de la couronne. Il fut alors décidé que le dossier LRT, devenu interministériel à cause de ses considérations interdisciplinaires serait administrativement suivi par un comité ministériel avec le PM Bérenger et le DPM et ministre des Finances Jugnauth comme responsables directs et le ministre de l’Infrastructure et beaucoup d’autres comme membres. Parallèlement, il y aurait sous cette structure un High Powered Committee qui serait sous la coupole du professeur Kishore Baguant composé du gratin de l’administration gouvernementale.
Paul Bérenger, répondant à une pique de l’Honorable Bachoo devenu back bencher travailliste, eut un mot mi-figue mi-raisin pour Anil Bachoo en disant qu’il était limité intellectuellement. La pique comme, cela s’avérait souvent durant ces épisodes, finit par se retourner sur votre correspondant quand l’honorable Bachoo répondit qu’il n’était peut-être pas un grand intellectuel comme le Super Conseiller !
Quoi qu’il en soit, neuf ans après, le PM qui confiera le dossier de LRT aux mains souvent malhabiles du gentil ministre des Infrastructures est quelqu’un qui prendrait beaucoup de risques sur l’avenir du pays. N’en déplaise à ses détracteurs, Monsieur Bachoo est et reste un excellent candidat pour le ministère de la Culture.
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